La French Data Network est une association française qui existe depuis plusieurs années ; sa principale activité consiste à fournir l'accès à Internet sans passer par les grands fournisseurs. À fin janvier, au plus fort de la révolution égyptienne, FDN a mis en place un système pour fournir aux Egyptiens un accès à Internet, alors que les connexions du pays avaient été interrompues. FDN a aussi hébergé un "site miroir" –une copie accessible à une adresse différente– de WikiLeaks lorsque le site était inaccessible. Le but de l'association est clarifié sur son site “L'association a pour but : la promotion, l'utilisation et le développement des réseaux Internet et Usenet dans le respect de leur éthique en favorisant en particulier les utilisations à des fins de recherche ou d'éducation sans volonté commerciale.” Si vous devez ouvrir une ligne internet, il est très probable que vous fassiez comme tout le monde et que vous optiez pour un des principaux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) du marché. En Algérie c'est le même mais il a le pouvoir du héros de Manga Naruto, il peut se dédoubler. Pourtant, des solutions alternatives existent.En France, ils sont environ un millier à avoir fait le choix des FAI associatifs. On en compte une vingtaine en France : de toutes petites structures dont certaines revendiquent moins d'une dizaine de clients. Pardon, d'adhérents : la logique des "gros opérateurs" est bien loin. Aussi vieux que l'Internet grand public. Ces petites structures associatives voient le jour quand Internet commence à s'implanter en France, vers le début des années 90. “L'Internet de l'époque n'avait rien à voir avec celui d'aujourd'hui”, explique Benjamin Bayart, le président de FDN (French Data Network), le plus ancien FAI français encore en activité : “Il y avait des “bouts” d'Internet, présents dans certaines universités ou certaines grandes écoles, mais il n'y avait pas de système informatique capable de faire un véritable réseau. À l'époque, la notion même de fournisseur d'accès à Internet était bizarre, personne ne comprenait à quoi ça servait. À l'époque, avec 200 abonnés, FDN était un des très gros FAI français.” L'association FDN revendique aujourd'hui 450 adhérents, dont environ 200 sont fournis en Internet. Et ne fonctionne qu'avec des bénévoles. Ces petits acteurs comptent peser sur le débat : une fédération d'une dizaine d'associations a été créée. Pierre Crémault, du FAI Franciliens.net : “Nous voulons être des interlocuteurs légitimes pour les pouvoirs publics et notamment l'Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en Algérie c'est Arpt, ndlr] coincée entre le CSA et Hadopi, qui essaient de grignoter de l'influence sur Internet. L'Arcep est consciente des problématiques, notamment de neutralité du Net, mais n'avait pas d'interlocuteur pour faire remonter ces questions.” Connecter des gens à Internet, comment faire ? Julien Rabier, président du FAI corrézien Ilico, explique comment ces associations relient leurs adhérents à Internet : “Internet, c'est un réseau d'environ 30 000 réseaux plus petits. Le FAI doit relier ses utilisateurs à un de ses réseaux pour le relier à Internet. Ce sont des systèmes autonomes et standardisés, qui dialoguent entre eux en utilisant le même langage. Ces réseaux disent : “Tu veux aller à tel endroit ? Je t'envoie par ce chemin, via ce routeur, c'est par là, c'est à gauche”.” Une association, ça fonctionne forcément différemment des grands groupes. Sur le site de FDN : “FDN ne vend pas ses services. FDN vous demande de participer, et fait de son mieux pour mettre à votre disposition les services dont vous avez besoin.” “Les internautes sont leurs propres fournisseurs d'accès à Internet.” Qu'on soit le fondateur ou le dernier arrivé, chaque adhérent est ainsi également responsable du bon fonctionnement du service. “Ça n'est pas forcément ce que les gens cherchent. En tant que bénévole, on ne peut pas engueuler un autre bénévole”, confesse Benjamin Bayart. Ce qui attire les adhérents, selon Julien, “c'est le côté humain, de proximité, le côté “do it yourself”, fais ton propre Internet : les internautes sont leurs propres fournisseurs d'accès à Internet.” Pourquoi fait-on la démarche d'adhérer à un FAI associatif ? Pour Benjamin Bayart, deux raisons coexistent : “Il y a des raisons philosophiques et techniques. Techniques, parce qu'on peut offrir des modes de fonctionnement qui correspondent mieux à des besoins spécifiques. Philosophiques, parce que nos clients préfèrent l'économie sociale et solidaire à l'économie financière, discuter avec une association plutôt qu'avec une multinationale, soucieuse d'une certaine éthique.” “Un Internet neutre qu'on ne bafouera pas pour des raisons commerciales”. “Les gens qui ont recours à nos services sont des militants qui défendent des valeurs”, explique Julien Rabier. Toujours sur le site de FDN : “Il semble de plus en plus utile de savoir qui fournit l'accès au réseau, et ce que [les grands fournisseurs d'accès] font ou ne font pas avec les données qui circulent.” Cette connotation plus politique défend “un Internet neutre qu'on ne bafouera pas pour des raisons commerciales”, selon Julien Rabier. Même explication du côté de Benjamin Bayart : “Il y a des tas de questions qui se posent : on ne sait pas comment Free ou Orange, par exemple, gagnent leur vie : est-ce qu'ils passent des accords commerciaux pour prioriser certains sites ? Aucun des FAI associatifs ne le fera puisque leur objectif n'est pas de gagner de l'argent.” Pour Pierre Crémault : “Pourquoi est-ce qu'il est important d'être maître du réseau ? La garantie qu'il y ait des voix libres, des activistes, des dissidents, c'est qu'il y ait des connexions qu'on ne puisse pas leur retirer. C'est la garantie qu'il puisse continuer à avoir un débat démocratique.” En Algérie, l'Association algérienne des fournisseurs de services internet en est encore aux constations que “l'Internet n'a visiblement pas connu la même heureuse explosion que le secteur de la téléphonie mobile. Une analyse des offres de connexion ADSL en Algérie, comparativement à nos voisins du Maghreb, d'une part, et par rapport à la France, d'autre part, nous indique le retard de celles-ci en Algérie.” Y. H.