Le roi du Maroc redécouvre subitement que la solution de la question du Sahara occidental est d'ordre politique. C'est non seulement une lapalissade, mais dans son esprit Mohammed VI s'adresse non pas aux concernés, les Sahraouis, mais à l'Algérie. Il n'a pas innové. C'est l'attitude du Maroc depuis novembre 1975, date à laquelle Hassan II a supplanté au Sahara occidental le colonialisme espagnol qui lui a passé le relais sans coup férir. Bien que cette tactique ait échoué chaque fois qu'elle a été mise en avant, Mohammed VI espère, lui aussi, gagner du temps. Aux yeux des marocains, alimenter les frictions dans la région, c'est repousser à un autre horizon le moment où ils devraient se plier aux résolutions onusiennes. Mais, dans ce registre, la fuite en avant a atteint ses limites. La dernière résolution onusienne est claire et c'est tout juste si le Maroc n'a pas été épinglé pour ses atermoiements. Le Conseil de sécurité a balayé dans sa dernière résolution toutes les arguties marocaines, donnant à ses autorités un délai de deux mois (expirant le 31 décembre prochain) pour “appliquer” le processus d'autodétermination. Washington sur qui comptait le roi l'a renvoyé à la légalité internationale. Le sous-secrétaire d'Etat américain, en tournée dans le Maghreb, lui a diplomatiquement rappelé que le Maroc a opté, en 1989, au plan de paix onusien et qu'il a même reconnu de jure le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination en signant les accords d'Houston. Chirac a beau le conforter, sa position n'est pas partagée au sein de l'UE et la France doit tenir compte de ses intérêts dans l'ensemble de la région. Tergiversations et subterfuges étant épuisés jusqu'à la corde, le Maroc n'a plus d'autre recours que de reconnaître sa nature colonialiste. C'est difficile à assumer, alors tout porte à penser que son inattendue escalade verbale contre l'Algérie vise à introduire une forme de tension qui obligerait les Occidentaux à lâcher du lest et, sait-on jamais, amener les autorités algériennes à la table des négociations. Le calcul est limité mais, aux yeux de ses concepteurs, il pourrait à tout le moins reculer l'échéance du 31 décembre. Pour frapper fort, Mohammed VI conditionne la relance du processeur maghrébin, auquel sont attachés tous les partenaires occidentaux de cette région, à la reconnaissance de “son intégrité territoriale”, étant entendu que le Sahara occidental en fait partie. Pour Mohammed VI, la dernière résolution du Conseil de sécurité n'est acceptable que si elle est destinée à confirmer “la marocanité” du Sahara occidental. Pour compliquer les choses, le roi n'a pas hésité à ressortir les vieilles prétentions territoriales sur l'Algérie. Evidemment, il ne le dit pas manifestement, mais c'est ce qui transpire dans les insinuations et non-dits de son discours prononcé à l'occasion de l'anniversaire de la “marche verte” qui a (re)colonisé les Sahraouis. Le Front Polisario qui, lui, a fait toutes les concessions acceptables, “par pragmatisme et pour ne pas hypothéquer l'avenir du Maghreb”, vient de procéder à la libération de 300 soldats marocains. Il ne resterait plus entre les mains des sahraouis qu'environ 600 prisonniers marocains. Le président de la Rasd, M. Abdelaziz, annonçant cette mesure, a lancé un appel au roi du Maroc pour qu'il libère, à son tour, 150 combattants sahraouis ainsi que 500 civils enlevés par ses services de police dans les territoires occupés. L'Algérie, pour sa part, s'en tient toujours à ses principes. En invitant le président sahraoui à un déjeuner du f'tour, au moment où Mohammed VI célébrait l'anniversaire de la “marche verte”, Bouteflika tenait à réitérer la position de l'Algérie sur cette question : soutien à la lutte du peuple sahraoui pour l'exercice de son droit à l'autodétermination et rejet de toute solution autre que celle prévue par l'ONU. D. B.