En vérité l'annonce récente de la révision de la loi 05-07 sur les hydrocarbures n'a pas été un scoop car elle était attendue par les observateurs, depuis notamment l'échec (réitéré) du troisième appel d'offres lancé depuis sa promulgation par l'agence de régulation Alnaft. En fait on ne pouvait ignorer, plus longtemps encore, ces signaux du marché visibles par tous. Pour ma part, avec quelques rares économistes spécialistes de l'énergie, j'avais anticipé, dans des textes publiés dès la mise en vigueur de la loi révisée, cette difficulté potentielle. Ceci dit, mieux vaut tard que jamais. Il faut d'abord savoir que la démarche pragmatique de révision n'est ni nouvelle ni exceptionnelle en Algérie puisque cette loi elle-même, après avoir été gelée pendant un certain temps par défaut de consensus, avait fait l'objet d'un premier amendement dans l'ordonnance n° 2006-10 du 29 juillet 2006. La loi précédente n° 86-14 de 1986 avait fait, elle aussi, l'objet d'un amendement en 1991. Ce dernier l'a complétée en élargissant le partenariat au gaz naturel, y compris dans les gisements déjà découverts, et en a amélioré le régime fiscal pour le rendre plus attractif. Exercice réussi et pari tenu puisque les réserves algériennes d'hydrocarbures avaient retrouvé en 1997 leur niveau de 1971. Mieux encore l'Algérie avait été en 1998 le premier pays découvreur d'hydrocarbures dans le monde. Serions nous, de nouveau, dans un schéma vertueux identique une fois la loi 05-07 révisée une deuxième fois ? Ce n'est pas aussi évident car cette fois ci l'exercice est plus délicat et plus complexe en tout cas et pour tout dire plus périlleux. Nous verrons pourquoi. Moyennant quoi on pourra mieux repérer ce qu'il faudrait changer avec cependant la difficulté persistante de trouver la pondération optimale de ces variables éligibles au changement. Variables fiscales mais pas seulement. Au préalable il va falloir traiter une première difficulté relative à la nécessaire segmentation des champs couverts par la future loi. On nous dit déjà que les grands gisements ne seront pas concernés par les changements ni d'ailleurs les provinces pétrolières connues et prometteuses telles que celle de Hassi Berkine. Mais à partir de quelles données supposées un gisement sera considéré comme grand par le nouveau dispositif ? Par ailleurs un deuxième critère de segmentation devra forcément être pris en compte dans ce nouveau texte pour pouvoir mettre en valeur et exploiter les ressources d'hydrocarbures difficiles et/ou non conventionnelles (gaz de schistes, off shore). Cela par le biais d'incitatifs fiscaux particuliers et différenciés du fait des investissements élevés et des technologies complexes, et souvent captives, requises. Autre changement probable, en tout cas attendu par les grands groupes pétroliers. Il est relatif au changement de l'assiette fiscale de calcul de la taxe sur les profits exceptionnels. Il s'agit d'une « taxe, non déductible, sur les profits exceptionnels réalisés par ces associés étrangers … applicable à la part de la production leur revenant lorsque la moyenne arithmétique mensuelle des prix du pétrole de Brent est supérieure à 30 dollars par baril …le taux de cette taxe ,applicable à la production revenant aux associés étrangers ,est de 5% au minimum et de 50% au maximum. »(article 110 bis de la loi actuelle). L'évolution notable en matière de prix du baril de pétrole brut est l'argument avancé par les grandes compagnies pour faire bouger les lignes en la matière. Il est vrai que les prix du pétrole brut au moment de promulgation de la loi 05-07 en 2006 ne dépassaient pas 50 dollars le baril ; ils fluctuent depuis deux ans entre 90 et 100 dollars. On peut également repérer dans le dispositif fiscal pétrolier en vigueur, assez compliqué par ailleurs, une deuxième variable fiscale susceptible d'être amendée pour attirer davantage les investisseurs pétroliers de premier plan. Il s'agit de la taxe sur le revenu pétrolier(TRP) payée mensuellement. Son assiette repose sur la production annuelle de chaque périmètre d'exploitation retenue pour le calcul de la redevance, minorée d'un certain nombre de charges déductibles (tranches annuelles d'investissements de recherche et de développement, coût d'achat du gaz pour la récupération assistée, provisions pour abandon et/ou restauration et frais de formation).Le taux de la TRP est fonction de la valeur cumulée de la production réalisée(PV). Ce taux peut atteindre 70% au-delà d'une certaine valeur de PV. Elle est d'un niveau dissuasif pour certains grands groupes pétroliers, qui considèrent même que c'est une pénalisation du succès, même si elle est déduite de l'impôt complémentaire sur le résultat(ICR) de 30% et dont l'assiette est fixée par le revenu annuel du périmètre considéré. Ces quelques éléments préliminaires de changements identifiés plus haut montrent bien la difficulté technique et stratégique de l'exercice dans un contexte énergétique international et régional incertain sous contrainte de compétition exacerbée non seulement en termes d'attraction d' investisseurs de référence mais aussi de niveau de prix difficile à maintenir et de parts de marché menacées. Aussi la difficulté majeure est celle de trouver l'optimum de sorte à changer suffisamment pour attirer des investisseurs de premier plan mais sans mettre le curseur trop bas pour ne pas transférer une trop grande partie de la rente. L'évolution de pratiques en la matière dans le monde arabe est un élément de référence dont il faudra probablement tenir compte. Au delà de cette difficulté technique, les conditions de succès de cet exercice, supposent surtout un consensus politique et social qui sera difficile aussi à trouver en ces temps d'échéances électorales majeurs pour l'avenir du pays. Au delà de cette obligation de changement dans le secteur énergétique et de façon plus générale dans celui de la sphère économique, c'est la nature des mutations attendues et à venir dans le champ politique national qui en seront finalement les déterminants majeurs. C'est en tout cas mon point de vue. On verra bien. M. M.