L'échec des trois avis d'appel d'offres (de 2008 à 2011) et la perspective de valoriser les ressources non conventionnelles ont amené les autorités à revoir, encore une fois, la loi sur les hydrocarbures de 2005, amendée en 2006. C'est ce qui ressort de la déclaration (rapportée par l'APS) du ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, hier à Doha, à l'occasion du 20e Congrès mondial du pétrole. La conjoncture internationale qui a pesé sur les coûts d'investissement dans le domaine des hydrocarbures et les difficultés financières qui ont encore rendu les risques plus grands imposaient la révision de certaines dispositions. Plusieurs experts ont montré cette nécessité dans des déclarations faites à la presse. A l'époque, en 2006, l'opinion avait, en quelque sorte, exigé la remise en cause de la loi de 2005 sur les hydrocarbures préparée par l'ancien ministre, Chakib Khelil. L'UGTA comme plusieurs secteurs de l'opinion considéraient que la libéralisation était néfaste pour un secteur stratégique. C'est sur cette base que le président de la République avait décidé d'annuler la loi de 2005 en introduisant des amendements, en juillet 2006, et en ajoutant un autre texte de loi instaurant la taxe sur les profits exceptionnels au mois d'août 2006. Si la loi de 2005 libéralisait le secteur, les amendements de 2006, eux, ont annulé cette libéralisation. Et l'expérience, de 2008 à 2011, a montré certaines limites des nouvelles conditions d'investissement. Les représentants des compagnies pétrolières ont, à l'occasion de plusieurs rencontres, déclaré que les dispositions fiscales ne permettaient pas la prise de risque, même si quelques-unes d'entre elles ont participé aux avis d'appel d'offres. Mais on sentait, dans les rencontres organisées par le secteur et les résultats des avis d'appel d'offres, qu'il y avait une certaine défection. Et ces compagnies remettaient surtout en cause la fiscalité. Mais pour revenir à la déclaration faite à Doha, il semblerait que le ministre a ouvert quelques pistes, même s'il n'a pas donné de détails sur les amendements qui seront apportés. «L'Algérie compte revoir la loi sur les hydrocarbures en introduisant de nouvelles incitations pour, notamment, relancer l'investissement étranger dans l'exploration», a indiqué M. Yousfi, qui a expliqué que «cette décision a été rendue nécessaire par le besoin d'attirer des partenaires solides et expérimentés en mesure d'aider l'Algérie à accroître ses réserves d'hydrocarbures».Selon les chiffres officiels, les réserves de pétrole ont une durée de vie d'environ 18 années, alors que celle du gaz conventionnel est d'environ 50 années. Selon le ministre, les nouvelles technologies introduites dans l'exploration, ces dernières années, permettent à l'Algérie d'entrevoir de nouvelles possibilités d'augmenter de manière significative ses réserves d'hydrocarbures. Les résultats obtenus par Sonatrach en appliquant ces technologies sur des surfaces réduites seraient «très satisfaisants et encourageants», selon le ministre. Mais l'Algérie a besoin de ces sociétés pour les appliquer à grande échelle afin d'intensifier la prospection, même dans l'offshore et les zones peu connues, a précisé le ministre. Pour ce faire, «elle doit adapter un certain nombre de mesures incitatives de la loi 05-07 qui a été adoptée dans un environnement où ces technologies n'existaient pas et où les prix de pétrole évoluaient entre 20 et 30 dollars», selon M. Yousfi. A propos des aspects de la loi sur les hydrocarbures qui seront révisés, le ministre a fait référence à certaines mesures fiscales et dispositions contractuelles entre Sonatrach et ses partenaires. «Nous sommes en train d'étudier tous ces aspects», a-t-il ajouté. «Nous devons nous adapter à la réalité internationale, nous avons des réserves d'hydrocarbures largement confortables, mais il faut assurer localement la sécurité de l'approvisionnement à très long terme et renforcer le rôle de l'Algérie comme acteur principal du commerce international de l'énergie», a indiqué M. Yousfi. Les facteurs du changement Youcef Yousfi a ainsi exposé les facteurs qui ont nécessité le changement. On peut les résumer par l'objectif d'introduire de nouvelles incitations pour relancer l'investissement étranger dans l'exploration et augmenter les réserves d'hydrocarbures en bénéficiant de nouvelles technologies. Il faut rappeler que les trois avis d'appels d'offres lancés de 2008 à 2011 n'ont permis de placer que huit périmètres avec les compagnies étrangères, alors que juste avant, en 2005, un avis d'appel d'offres avait permis de placer neuf périmètres avec la loi de 1986. Il faut constater, avec le recul, que la loi de 2005 a déstabilisé le secteur et ralenti la progression de l'investissement. Toujours selon la déclaration du ministre, la révision va porter sur la fiscalité et les dispositions contractuelles. Ce qui pourrait signifier que la fiscalité pétrolière sera assouplie, ainsi que la formule 51/49%. Dans la loi de 1986, la part de l'Etat (51%) était répartie entre ce qui revenait à l'Etat et à Sonatrach alors que dans celle de 2005, Sonatrach prenait dès le départ 51%. La reformulation des conditions contractuelles devrait être plus intéressante pour stimuler l'investissement et encourager les compagnies à prendre des risques. Il y a quelques mois, le ministre avait déjà évoqué la possibilité d'une nouvelle législation pour l'investissement concernant le gaz non conventionnel. Avec la déclaration d'hier, on peut être sûr que le cap des études a été dépassé et que des propositions concrètes sont déjà sur la table pour élaborer de nouveaux textes. Selon une source du secteur, trois points devraient faire l'objet d'une révision, ceux qui sont les plus actuels. Le premier concerne les conditions d'investissement pour le gaz non conventionnel, un domaine où les compagnies étrangères doivent prendre des risques énormes. Et si l'Algérie dispose de réserves importantes dans ce domaine, elle a besoin d'attirer les compagnies qui maîtrisent les nouvelles technologies. Le deuxième point concerne la fiscalité ou la taxe sur les profits exceptionnels. Celle-ci ne serait pas remise en cause, selon la même source, mais les modalités de son calcul devraient être révisées et une flexibilité sera introduite. A titre d'exemple, actuellement, si le prix du baril de pétrole dépasse d'un cent les 30 dollars, toute la production est taxée. C'est ce qui amené Anadarko à introduire un recours à l'arbitrage international. Le troisième point qui devrait faire l'objet d'une révision est la conception du contrat de partage de production ou les 51/49 %. Une plus grande flexibilité serait introduite, selon le cas ; on pense aux petits gisements qui bénéficieraient d'une flexibilité. Là, un retour à la formule du partage de production selon la loi de 1986 ne serait pas exclu.