Dès l'ouverture de l'audience à la quatrième Chambre de la cour d'Alger, un bras de fer s'est engagé entre les avocats et le magistrat en charge de l'affaire sur la problématique du rapport de l'inspection générale de la DGSN. La défense a revendiqué son droit d'être en possession de ce document ou à défaut de procéder à la convocation de son rédacteur, considéré comme témoin-clé dans cette affaire. Ce rapport, cité durant l'instruction, a disparu mystérieusement du dossier. Ce qui a poussé, déjà en première instance, la défense à déposer plainte pour recel de document. Que dit ce fameux rapport ? Selon les avocats, constitués dans cette affaire, il est établi clairement que les contrats, liant la société Algerian Business Multimédia à la Sûreté nationale signés en 2007 pour la fourniture d'onduleurs, d'imprimantes et autres consommables, ont été conclus dans le respect de la réglementation. Les robes noires, qui ont pris la parole, jeudi dernier, ont tous estimé que l'absence de ce rapport dans le dossier est une atteinte aux droits de la défense. Me Bouchachi affirme que cette pièce a été citée par le juge d'instruction, mais par la suite l'ordonnance de renvoi s'est basée uniquement sur le lien de parenté entre l'ex-chef de l'unité aérienne de la DSGN, Oultache Chouaïb, et son gendre Toufik Sator DG adjoint d'ABM, pour établir l'inculpation. “En l'absence d'une expertise ordonnée par le juge, on ne peut que se baser sur ce rapport pour dire s'il y a préjudice ou non”, précise Me Bouchachi. En effet, Oultache, également ancien président de la commission d'évaluation technique des offres à la Sûreté nationale, est accusé d'avoir favorisé la société privée Algeria Business Multimédia (ABM) dans laquelle son gendre Taoufik Sator est actionnaire pour être attributaire de ces marchés. “Si vous êtes au courant du contenu de ce rapport, où est le problème ? Utilisez-le dans votre plaidoirie”, réplique le magistrat qui donne ensuite la parole au représentant du ministère public pour donner sa réponse à la requête des avocats. Ce dernier soutient que la justice n'est pas en possession du document en question. S'adressant au collectif d'avocats, le magistrat revient à la charge : “Vous parlez de soustraction de document, donnez-moi la preuve.” Puis se tournant vers Oultache et ses co-accusés, il ajoute : “Je connais vos statuts sociaux et je vous respecte. Vous avez fait appel et vous êtes pour moi innocents jusqu'à preuve du contraire. Je n'ai peur de personne.” Durant la suspension de l'audience, la défense décide de se réunir dans la salle des avocats pour se mettre d'accord sur une stratégie commune. Au bout de quelques minutes de discussion, Me Sellini se présente devant la juge et lui déclare : “Au nom du collectif de la défense et en tant que bâtonnier, je vous dis que nous ne cautionnerons pas un tel procès. On se retire en notant que vous avez refusé de ramener un témoin-clé et de nous fournir un document essentiel pour obtenir un procès équitable.” Le magistrat appelle un à un les accusés leur demandant s'ils sont d'accord avec la démarche de leurs avocats, suite à quoi il rétorque : “Sans avocat ou avec, le procès se tiendra le 19 janvier.” La défense compte mettre à profit ce temps pour se concerter avec ses mandants. Va-t-elle poursuivre le clash ou tenter de trouver une autre issue ? Nous le saurons, à la prochaine audience. Pour rappel, vingt-cinq personnes, dont dix-neuf fonctionnaires de police, ont été condamnées dans cette affaire, en première instance à des peines de prison ferme allant de 3 à 7 ans pour “passation de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics et trafic d'influence”. Les avocats réclament aussi le visionnage des vidéos d'ouverture des plis de ces marchés. Nissa Hammadi