La Bourse d'Alger se porte mal. Contrairement aux espoirs qu'avaient fait naître la réussite de l'ouverture du capital d'Alliance Assurances, réalisée à la fin de l'année dernière, l'année 2011 s'achève sans nouvelle introduction d'entreprises à la Bourse d'Alger. Le bilan général de l'activité du marché financier algérien est même en recul sensible. Ce qui renforce la nécessité d'une réforme globale du secteur. Les grandes lignes d'un projet en préparation depuis près de deux ans ont été dévoilées ces derniers jours. Reste à les faire approuver par les autorités algériennes Après avoir publié il y a quelques semaines son rapport annuel pour 2010, la Cosob a commenté devant la presse, le 16 décembre, les principaux aspects du vaste projet de réforme du marché financier en préparation et dont elle assure la coordination. Côté bilan, le “gendarme de la Bourse” revient sur l'admission à la cote d'Alliance Assurance. On se souvient que le deuxième assureur privé algérien avait lancé au mois de novembre 2010 une souscription pour lever auprès du public 1,4 milliard de dinars (14 millions d'euros). Au terme de cette opération clôturée avec succès au bout d'un mois, l'assureur a rejoint les deux seuls titres déjà cotés à la Bourse d'Alger : l'hôtel El-Aurassi et le groupe pharmaceutique Saidal, dont le capital reste, dans les deux cas, majoritairement contrôlé par l'état algérien. Le bilan est particulièrement maigre concernant les obligations, avec un seul visa accordé en 2010 à Maghreb Leasing Algérie (MLA) pour un montant de 2 milliards de dinars. à la suite de l'arrivée à échéance de 4 emprunts réalisés par des entreprises publiques (ENTP, Enafor, Air Algérie et Sonelgaz), l'encours des obligations disponibles n'était plus que de 151 milliards de dinars à fin 2010, en baisse de 15% en une année. Bien que le détail des opérations n'ait pas encore été rendu public, on s'attend à ce que le mouvement s'accélère en 2012, et le président de la Cosob, Nouredine Smail, mentionnait récemment le chiffre, en chute très sensible, de 90 milliards d'obligations cotées à la fin de cette année. Le bilan de l'institution n'est sauvé que par la cotation de 23 obligations du Trésor public (OAT) souscrites par des investisseurs institutionnels, essentiellement les banques publiques. Dans ce domaine, 3 nouvelles émissions ont été réalisées en 2010 pour un montant total de près de 50 milliards de dinars. “Une situation intenable” La situation actuelle du marché financier est intenable. C'est, en tout cas, le point de vue développé de longue date par le président de la Cosob, qui annonce, pour 2012-2013, une grande réforme du marché financier algérien. Un programme doté d'une enveloppe de 100 millions de dinars, supervisé par le ministère des Finances et financé en partie par le Pnud a été mis sur pied. La Cosob a recruté des experts nationaux et internationaux devant accompagner sa mise en œuvre répartie en deux phases. La première, d'une durée de 8 mois, vient de s'achever et a porté sur l'élaboration du schéma directeur du marché financier national. Ses résultats ont été commentés et présentés à la presse il y a quelques jours. C'est le chef de file de l'équipe d'experts mobilisés par la Cosob qui plante le décor : “L'Algérie doit développer sa bourse pour diversifier les moyens de financement de son économie. La préparation de la bourse pour prendre le relais de financement de l'investissement est rendu nécessaire par le besoin de mobiliser des financements en cas de baisse des recettes pétrolières du pays.” Dans le but de favoriser l'alimentation du marché à travers l'introduction de valeurs mobilières, il est question notamment d'inciter les entreprises à s'introduire en bourse en leur octroyant des avantages fiscaux renforcés. L'amélioration de l'image du marché financier, à travers la création d'une place boursière moderne et la vulgarisation de la culture boursière, est également au programme, ainsi que la modernisation des systèmes d'information des sociétés de marché et des établissements financiers pour permettre la cotation continue et la cotation à distance. Ouvrir le capital des entreprises publiques L'objectif le plus important dans cette préparation est bel et bien d'ouvrir le capital des entreprises publiques via la bourse et laisser participer le public dans la reprise de leurs actions. La première option retenue par les experts réunis par la Cosob est de favoriser l'émergence de partenaires stratégiques pour l'état en cédant des actions en bourse à des partenaires privés mais aussi au grand public. Elle s'inscrit en droite ligne dans les déclarations récentes du président de la Cosob, qui regrettait, il y a quelques mois, que des centaines d'entreprises publiques aient été privatisées entre 2003 et 2008 en dehors de la Bourse d'Alger. “C'est un mauvais choix, estimait-il, car cette privatisation aurait pu conférer une assise financière et une transparence importante à la Bourse.” La formule d'actionnariat recommandée dans le plan de développement dévoilé la semaine dernière est que l'état conserve 50 à 60% des actions. La Cosob suggère que le public détienne 20 à 30% des actions cédées. “Un traitement particulier” favorisant l'ouverture progressive du capital des entreprises, sans que la puissance publique abandonne ses prérogatives de propriétaire majoritaire. Pour la cession des actions des établissements financiers et des banques, la Cosob va plus loin et recommande au Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) d'autoriser ce type d'ouverture de capital sans autorisation préalable. “Le CMC doit donner son autorisation pour tout changement d'actionnariat dans les banques et les établissements financiers, ce n'est pas propre à l'Algérie, ça existe partout dans le monde, mais ce que nous proposons c'est de définir un seuil significatif de cession de participation qui requiert l'autorisation du CMC.” Lever les contraintes pour les entreprises privées Un deuxième axe essentiel de ce vaste chantier a pour objectif d'élargir la cote de la bourse à de nouveaux acteurs privés. Un compartiment pour les PME a été créé dans ce sens par la Bourse d'Alger en 2010, qui prévoit leur accompagnement par un partenaire financier. L'objectif est d'introduire en bourse les entreprises disposant de projets de croissance dans des secteurs concurrentiels. S'agissant d'entreprises d'une taille plus importante, “plusieurs entreprises privées ont exprimé formellement leur intention d'ouvrir leur capital via la bourse d'Alger, ce sont des projets concrets”, affirme le président de la Cosob, qui ajoute que ces entreprises “font face cependant à des contraintes qu'il faut examiner et lever”. Au cours des derniers mois, les exemples les plus souvent mentionnés dans ce domaine sont ceux de la conserverie NCA de Rouiba ainsi que, pour le secteur financier, Maghreb Leasing Algérie et Salama Assurance. De son côté, Cevital, le premier groupe privé algérien, envisage également de s'introduire en bourse via un certain nombre de ses filiales. L'opérateur téléphonique Nedjma a, enfin, par le biais de son DG, signifié clairement l'intention des propriétaires d'ouvrir une partie du capital de l'entreprise sur le marché financier algérien. H. H. Le 51/49 via la bourse L'utilisation de la bourse pour faciliter l'application de la règle du 51/49 est l'un des aspects les plus audacieux des propositions formulées par les experts réunis par la Cosob. Nouredine Smail explique que, depuis la LFC 2009, les entreprises étrangères sont tenues, lors de l'ouverture de leur capital, de respecter le droit de préemption de l'état concernant la cession de leurs participations. “La règle de 51/49% est une réalité, mais nous voulons à travers cette réforme que les 51% du capital revenant aux nationaux soient mobilisés par appel public à l'épargne via la bourse, c'est une pratique internationale qu'on peut appliquer en Algérie.” L'autorisation à ces entreprises de céder à la bourse une partie de leur capital sans demander à l'état s'il désire les reprendre lui-même dans le cadre du droit de préemption va inciter davantage ces entreprises à s'introduire en bourse, selon le président de la Cosob.