Des heures avant le f'tour, les filles, en quête d'une chorba chaude pour rompre le jeûne de toute une journée, se mettent en de longues et humiliantes files indiennes. On se croirait dans un centre de réfugiés d'une quelconque guerre. L'été dernier, pour résorber le déficit en lits prévisibles pour l'actuelle année universitaire, des logements sociaux de type F1, F2 et F3, au nombre de 110, ont été reconvertis en annexe de la cité universitaire du Khroub, wilaya de Constantine. Le recours à cette solution extrême a été pris après l'intervention de la wilaya afin de puiser dans les autres secteurs des “gisements d'hébergement” pour faire face à l'énorme déficit en lits. Ainsi, il a été procédé, entre autres, au transfert du patrimoine de l'OPGI à celui de l'ONOU de logements prédestinés au programme socio-locatif dans la nouvelle zone urbaine du Khroub. Les blocs, à peine habitables, sont devenus une annexe pour filles relevant de la résidence universitaire principale du Khroub. Deux mois à peine, la période du ramadhan aidant, on s'aperçoit que la décision d'affectation qui n'a pas été suivie de mesures d'accompagnement est une clochardisation de la chose universitaire dans une ville qui se targue d'être celle de la science et des savants (madinet el ilm oua el oulama !). Dans “l'annexe-dortoir” du Khroub, ce sont 1 200 étudiantes, la majorité nouvellement inscrites et confrontées pour la première fois à la vie de célibataires loin de leurs familles protectrices, qui sont hébergées dans des chambres globalement démunies d'eau, d'électricité et de mesures de sécurité. Elles mangent dans le restaurant principal de la cité universitaire du Khroub, distante de plusieurs kilomètres, et sont transportées, à chaque service, par des bus. À ce stade, il faut avoir une imagination très fertile pour se faire une idée du calvaire que subissent les jeunes résidentes. Elle doivent accomplir un véritable parcours du combattant pour être parmi les premières partantes vers le site de restauration. Une fois qu'elles y sont : elles doivent faire une interminable queue, interrompue par des bousculades, pour pouvoir goûter une chorba chaude dans un hiver constantinois réputé des plus froids et durs. À les voir, avec leurs collègues de la résidence principale du Khroub, “chaîner” et se bousculer, des gamelles dans leurs frêles et tremblantes mains, on se croirait dans un quelconque centre des réfugiés d'une quelconque guerre. Devant ces images “horribles” et écoutant de leur cœur la douleur de ces adolescentes, des responsables de l'ONOU local et de la résidence universitaire pensent pallier le plus urgent : ériger un restaurant léger dans l'annexe. Ainsi, l'idée de ramener une tente géante pour en faire un “espace de restauration” à fait son petit bonhomme de chemin afin de surpasser le manque de salle en dur et dont les coûts s'élèvent, selon une source de l'ONOU, à pas moins de six millions de dinars. En plus, une fois mise ne chantier, cette dernière ne sera prête que des mois après. Comme si les souffrances liées aux problèmes de promiscuité, d'eau, d'électricité, de sécurité et de restauration ne suffisent pas, de mauvaises langues, profitant de l'implantation de la “cité-dortoir” dans un quartier et aidés par certains préjugés, sèment des rumeurs sur la probité des résidentes comme pour monter les riverains contre elles. M. K.