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Dur, le Ramadan à la cité U
TIZI OUZOU
Publié dans L'Expression le 15 - 10 - 2005

La ration prévue est loin de constituer «une pitance» à donner à un homme qui a jeûné pendant plus de 15 heures.
Le Ramadan à la cité universitaire, loin de la chorba familiale, constitue un véritable calvaire pour la communauté estudiantine appelée, conditions déplorables oblige, à subir quotidiennement de multiples aléas à Tizi Ouzou. Après une journée d'études harassante, l'étudiant sera inéluctablement soumis, à partir de 16h généralement, à une situation qui ne dit pas son nom. Celle-ci se résume amplement par le fait que les résidences universitaires de la capitale du Djurdjura n'assurent guère le bien-être de la population universitaire en cette période du mois sacré. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui préfèrent faire l'impossible pour rentrer chez eux le soir. Certains arrivent même à sacrifier leurs cours, puisque le facteur temps est précieux, ces jours-ci. Cependant, ceux qui habitent loin de la ville des Genêts, doivent «s'adapter» à la situation. Cette dernière, comme à l'accoutumée, est bien évidemment caractérisée par d'interminables chaînes devant les restaurants, peu avant l'heure du f'tour. Notre petite virée du côté de Hasnaoua, principale résidence pour les garçons de par son implantation à quelques lieux seulement du centre-ville, nous a fait découvrir le vrai visage de l'atmosphère qui règne à l'université, en cette période de Ramadan. 15h, une nuée d'étudiants s'amasse devant les réfectoires, des boîtes en plastique en main, afin de se ravitailler en chorba et plat de résistance notamment. La chaîne s'étale parfois jusqu'au-delà de la rupture du jeûne. Parfois c'est la confusion, les retardataires payent trop souvent les frais de l'insuffisance des rations. Autrement dit, le service restauration ne peut aucunement établir les estimations du nombre d'étudiants qui convoitent ces restaurants pour la simple raison que d'autres étudiants qui ne sont pas hébergés à Hasnaoua se rapprochent des restaurants de ce campus, à l'heure du f'tour. Cela sans parler, précisent certains étudiants, des extra-universitaires qui déambulent sans scrupule et en toute quiétude à l'intérieur de la cité.
Pour revenir à la qualité du repas servi aux résidants, les étudiants que nous avons interrogés estiment tous que la ration prévue est loin de constituer « une pitance » à donner à un homme qui a jeûné pendant plus de quinze heures. D'ailleurs, affirment nos interlocuteurs, cet état de fait a fait réagir, juste le premier jour du carême, la communauté estudiantine qui avait exprimé son ras-le-bol. Ainsi, pour ce faire, les résidants, en colère, ont envahi la voie publique, exposant les marmites de riz servi lors de la journée ouvrable du mois sacré. «Le premier jour du mois sacré, où tous les résidants s'attendaient à un changement qualitatif et quantitatif dans le menu à servir, leur déception était grande quand ils n'ont rien trouvé dans les deux unités de restaurants qui sont censées améliorer l'ordinaire durant le mois de jeûne». L'insouciance, l'irresponsabilité du directeur de la cité ainsi que la directrice de la Douh (Direction des oeuvres universitaires Hasnaoua) les ont poussé à servir du riz blanc et seulement du riz pour calmer la colère des étudiants, qui ont refusé de le manger, lit-on dans une déclaration signée du Ccuh (Comité de la cité universitaire Hasnaoua), placardée çà et là dans l'enceinte universitaire. Continuant notre tournée à l'intérieur de la cité et non loin du pavillon A, nous avons aperçu, à 18h, deux étudiants à la recherche d'une résistance électrique, de quoi faire chauffer leur repas dans la chambre.
Pas plus d'une heure après la rupture du jeûne, la résidence commence, faute de moyens de distraction et d'occupation, à se vider. Les étudiants préfèrent aller vers d'autres «cieux» pour essayer d'oublier, un tant soit peu, le calvaire de la cité. Hormis le foyer dont le fonctionnement se limite à servir boissons, café, thé et gâteaux aux usagers, aucune autre activité, du moins pour la première semaine du mois sacré, n'a été organisée. L'on se rappelle, jadis, et en pareille occasion, «la fac» faisait le plein avec des programmes d'animation ponctués généralement par des présentations théâtrales, galas artistiques et même des conférences-débats étaient de la partie, à en croire certains anciens étudiants.
«12.000 étudiantes et 12.000 misères», tels sont les propos d'une résidante qui estime que la situation est déplorable, ces jours-ci, avec le mois de Ramadan, étant donné que le poids du nombre a terriblement influé sur les conditions qui prévalent dans la cité. Toutefois, gérer un tel nombre d'étudiantes n'est pas une sinécure. Le décor est tout à fait identique d'une cité à une autre. Les étudiants vivent les mêmes affres, sauf qu'ils essayent de tenir le coup, puisqu'ils, disent-ils, il s'agit là seulement d'une période «de transition».
«Certes, je subis, à l'instar de mes autres camarades, un véritable calvaire à la résidence universitaire. Parfois, il y a manque d'eau, parfois des coupures d'électricité et chaque jour ramène son lot de problèmes. Mais Dieu merci je suis en fin de cursus, et ce sera Incha Allah ma dernière année de souffrance», déplore une étudiante en 4e année économie. Ce n'est pas le cas pour sa copine de chambre, en 2e année biologie, qui a encore de «beaux jours» à l'université. «J'espère qu'avec les années qui passent, les conditions s'amélioreront», ajoute-t-elle. D'autres, à Bastos, l'activité culturelle est apparemment «privilégiée» par rapport aux autres cités. Le service culturel, qui fonctionne sous la coupe du comédien humoriste Amar Colombe, a élaboré un programme aussi riche que varié. Des soirées théâtrales et musicales sont, entre autres, les principales activités prévues tout le long du mois de Ramadan.
La cité universitaire d'Oued Aïssi est, depuis son ouverture, prisée notamment par les anciens étudiants, et particulièrement par ceux des filières techniques. L'ambiance ramadanesque à l'intérieur de cette résidence n'est pas différente de celle des autres sites. A l'heure du f'tour, on assiste quotidiennement aux interminables chaînes devant les restaurants. Ici, les étudiants prennent souvent les choses en main et essayent de s'organiser de façon à mettre de l'ordre et permettre à tous les résidants de se faire servir dans la sérénité. Aussi, après le f'tour, la cité étant loin de la ville, à 7 km, les étudiants préfèrent, pour la plupart, rester dans l'enceinte de l'établissement. Ils se forment en groupes généralement çà et là, dans tous les coins de la cité. Les discussions diffèrent d'un groupe à un autre. Les sujets les plus abordés sont ceux ayant trait à la politique, surtout avec l'approche des élections partielles en Kabylie. Il faut rappeler que l'université d'Oued Aïssi est le bastion de l'activité politique estudiantine. On y trouve des militants de plusieurs formations politiques. Les débats sont souvent constructifs et contradictoires. Ainsi, avec une «tasse» de café à la main, les étudiants, qui viennent de se débarrasser des examens de rattrapage, passent, eux aussi à leur manière, la soirée ramadanesque. Ils s'échangent des idées et des discussions jusqu'à tard dans la nuit.


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