L'élection présidentielle française, qui devait, de l'avis de plusieurs analystes, se résumer à un duel entre la gauche et la droite traditionnelle, est en voie de se transformer en course à quatre, voire à cinq. D'un tête-à-tête Sarkozy-Hollande, l'enjeu de mai 2012 a glissé vers une course à plusieurs. Aux deux candidats de l'alternance à la française, se sont hissés dans le peloton des gagnants, Bayrou, l'éternel centriste, Mme Le Pen de l'extrême droite et peut-être même un cinquième concurrent avec la montée en cadence de Mélanchon, plus à gauche que le Parti socialiste où il avait fait ses classes. La forte progression de ces trois candidats depuis la relégation de la France, “cinquième puissance économique mondiale”, selon le couple Sarkozy-Hollande, par Standard & Poor's, a brouillé les cartes de la route vers l'Elysée. Les difficultés du président sortant, Nicolas Sarkozy, miné par les mauvaises nouvelles économiques mais également, et il ne faut pas le perdre d'esprit, par ses durcissements, pour ne pas dire sa xénophobie, contre l'immigration arabe et musulmane, ainsi que les ratés du début de campagne du candidat socialiste François Hollande, se traduisent par un recul de leur poids total dans les intentions de vote. L'écart s'amenuise entre Sarkozy et Hollande, en un mois le locataire de l'Elysée a vu son score potentiel au premier tour reculer de 2,5% pour s'établir à 25%, alors que le favori de la gauche perd 1,5% pour s'établir à 27%, pas loin devant. Ce recul profite surtout à la candidate du Front national, Marine Le Pen, qui obtiendrait un score de 17% si le premier tour de l'élection présidentielle se tenait aujourd'hui. La fille de Le Pen peine, selon elle, à recueillir les 500 signatures de maires indispensables pour participer à la présidentielle. Elle accuse l'UMP et le PS qui ont squatté les postes électifs de la France au point où on se croirait dans un régime bipartite comme aux Etats-Unis et en Grande Bretagne. Le trio qui s'était annoncé en 2002 lorsque le père Le Pen a taillé dans la croupière de Lionel Jospin, candidat socialiste et Premier ministre de la cohabitation sous Jacques Chirac. Au second tour, le père de Marine s'était retrouvé contre Chirac. Le Front national caresse le rêve de rééditer l'exploit d'autant qu'avec Marine, il est devenu “fréquentable”, il n'est plus antisémite et moins islamophobe. Les constitutionnalistes français le classent dans la rubrique “populiste dur” alors que le Front national était le chef de file de la peste brune à la française. Quoiqu'il en soit, l'UMP version Sarkozy s'est emparé de la matrice raciste des Le Pen pensant que leurs électeurs préféreront la copie à l'original ! Sarkozy est aussi menacé par François Bayrou qui, selon un récent sondage, obtiendrait 16% des votes au premier tour de la présidentielle française de 2012. Le candidat du centre contre le jeu bicéphale, droite-gauche, gauche-droite, qui avait joué le rôle du troisième homme lors de l'élection de 2007, à gagné 4 point de pourcentage à 100 jours du vote. Il va encore monter, alors qu'il était loin derrière il y a trois mois, dans un groupe de candidats négligés où se trouvaient l'écologiste Eva Joly, toujours loin derrière, et le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélanchon, aussi en hausse à 8%. Ce dernier, soutenu par le PC et tous ceux déprimés par un PS conventionnel, livré aux dictats du marché et désengagé dans les batailles du multiculturalisme qui marque la France, n'a pas fini d'étonner. Sa “fureur”, comme il le dit en personne, contre le capitalisme financier et la frilosité des socialistes fait un tabac. Dans les derniers sondages, les Français intègrent la décote de la dette par l'agence de notation Standard & Poor's et les contrecoups de la crise économique en France. Sa progression, comme celle de la chef frontiste, alimente la chronique en France, où plusieurs observateurs s'alarment du potentiel attractif de leur discours protectionniste dans un contexte économique tendu. Une course de fond s'est même engagée entre les deux protagonistes. Marine Le Pen a annoncé l'augmentation des bas salaires de 200 euros par mois alors que Mélenchon promet de faire payer les exploiteurs. Tandis Front national et Front de gauche s'adonnent aux surenchères sur la mondialisation, la désindustrialisation de la France, la marchandisation des services publics au nom de l'inadmissible loi des marchés financiers, le candidat socialiste en reste sur des sujets comme la taxe sur les transactions financières, la TVA sociale, la décote de la dette, qui trouvent moins d'échos chez les Français qui non seulement ont peur du présent mais aussi de l'avenir de leurs enfants. Hollande compte récupérer au second tour les votes des formations de gauche, une bonne partie des voix de François Bayrou et, plus étonnamment, du Front national. Encore faut-il qu'il soit au second tour. Quant à Sarkozy, la déception à son égard est de plus en plus en grande. Sa réélection sera vraiment un chemin de croix. À l'UMP, on se le murmure en pensant à… Alain Juppé. D. B