Accusé d'avoir “choqué toute la Tunisie” à la suite de la diffusion du film iranien Persépolis en octobre 2011, alors que l'audience TV n'était que de 1,5% ce soir-là, Nabil Karoui, le directeur de Nessma TV revient aujourd'hui devant les juges dans un procès, qui “n'aurait jamais dû avoir lieu”, selon lui. Après avoir diffusé le 7 octobre 2011 le film d'animation “Persépolis”, racontant la révolution iranienne et le régime Khomeiny à travers les yeux d'une fillette, suscitant une vague de violences et de colère, quinze jours avant les élections en Tunisie, le patron de la chaîne Nessma TV est de retour devant les magistrats deux mois après une première audience chaotique. Il comparaît à nouveau devant le tribunal de première instance de Tunis, qui le poursuit pour “atteinte aux bonnes mœurs, atteinte aux valeurs du sacré et troubles à l'ordre public” dans cette affaire qui a suscité violences et passions en raison d'une scène montrant Dieu, représentation proscrite par l'islam. Pour rappel, une plainte contre Nessma avait été déposée quelques jours après la diffusion par un collectif de plus d'une centaine d'avocats, auquel se sont ensuite greffés des associations ou des particuliers. Un autre salarié de la chaîne et le responsable de la traduction du film en dialecte tunisien du film franco-iranien de Marjane Satrapi, primé à Cannes en 2007, sont poursuivis dans la même affaire. Serein, le directeur de Nessma TV estime que “ce procès n'aurait jamais dû avoir lieu. Mais ce sera un test pour la liberté d'expression et la démocratie en Tunisie”, tout en réaffirmant sa détermination à se défendre en ajoutant : “Je suis combatif, on va se défendre et on espère être relaxés.” Il faut croire qu'il est soutenu dans cette épreuve, notamment par l'organisation Amnesty International, qui a appelé samedi à l'arrêt des poursuites contre le patron de Nessma TV les qualifiant d'“affront à la liberté d'expression”. Plusieurs ténors du barreau, dont l'avocate militante des droits de l'Homme, Radhia Nasraoui, devraient plaider lundi pour Nessma, et des observateurs d'ONG internationales seront présents. Dénonçant une “manipulation des extrémistes”, Nabil Karoui s'est indigné en soulignant que “personne n'a vu ce film ! Il a fait entre 1,5 et 2% d'audience ! Et on veut nous faire croire que toute la Tunisie a été choquée”. De l'autre côté, quelque 35 avocats seront à la barre pour réclamer une condamnation “au moins par principe”. C'est l'avis de Me Anouar Ouled Ali, membre de l'association tunisienne des jeunes avocats, proche des islamistes, qui a déclaré : “Tout le monde est libre de dire ce qu'il pense, mais il ne faut pas attaquer les croyances religieuses, ce film était très choquant pour une société tunisienne musulmane à plus de 99%”. Interrogé sur le fait que le film avait déjà été diffusé en salles en Tunisie sans soulever la moindre protestation, l'avocat a répondu que la diffusion à la télé et en dialecte tunisien avait touché un public beaucoup plus important. Ceci étant, le jugement pourrait être mis en délibéré, selon une source judiciaire, qui évoque la “situation délicate” en Tunisie, où les pressions salafistes s'accroissent dans un contexte de grave crise sociale. M. T.