“Nous ne pouvons dialoguer avec eux qu'avec le fusil et le sabre”, a déclaré le ministre de l'intérieur saoudien. Outre que c'est là justement le langage des terroristes, la menace de Cheikh Nayef n'est que de pure forme : un vent de concorde civile souffle déjà sur la péninsule arabique. Un site Internet islamique annonce que de hauts dignitaires religieux ont entamé, après avoir été reçus par un “haut responsable du gouvernement”, une démarche de médiation avec “les jeunes qui ne sont pas impliqués dans des actions contre leurs frères”. Le Yémen vient de faire mieux. Il a libéré, dans le cadre d'une “amnistie de ramadan”, quatre-vingt-douze membres d'al-Qaïda qui se sont engagés à “respecter les droits des non-musulmans, leur vie, leur argent, et de ne pas prendre pour cibles les ambassades des pays… amis”. Cet élargissement de criminels détenus par la République yéménite devrait provoquer un surplus, voulu ou non, d'inquiétude dans le palais wahhabite. Les limites de la lutte antiterroriste en terre d'islam tiennent à la nature des régimes : l'intégrisme qu'ils ont cultivé depuis les indépendances arabes vient d'être détourné à son profit par un projet transnational plus conforme au fantasme de la oumma. Une oumma qui ne se conçoit que comme projet rédempteur d'un Occident infidèle. Le Yémen a beau retenir soixante terroristes à juger pour l'attaque contre l'USS Cole, l'Arabie a beau insister sur la sacralité de ses hôtes amis, on ne peut être de la oumma et ami des Etats-Unis. Tout se passe comme si l'islamisme, en passant à la phase militaire de son projet, a condamné les régimes religieux et les pouvoirs qui reposent sur le principe de religion d'Etat. Se départir de la légitimité islamique ou assumer le bien-fondé du djihad comme vocation naturelle du musulman. en combattant les idées laïques, ils ont favorisé la pieuse surenchère : si tu ne peux défendre l'islam contre les infidèles et les croisés, ôte-toi de là, que je m'y mette. Bien sûr, la répression du terrorisme, qui s'impose, retardera la chute des régimes arabo-musulmans, en fonction de la force respective de chacun des Etats concernés. Bien sûr, ils sont instruits de l'expérience iranienne et ne se laisseront pas prendre au même procédé qui, à l'époque, avait le soutien des puissances occidentales. Bien sûr, la force financière et l'argument pétrolier leur assurent le bouclier américain. Mais, tendanciellement, tous les pouvoirs des pays musulmans sont menacés. C'est dans ce contexte qu'il paraît que l'Arabie Saoudite aurait invité deux experts algériens à participer à la défense du royaume contre le terrorisme. Mais, si l'expérience algérienne, faite des mêmes ingrédients de lutte militaire et de composition politique avec l'islamisme, était efficace, on l'aurait su depuis qu'on l'essaie. Mais, après tout, c'est grâce aux experts arabes en appel au crime, comme El-Ghazali et Tantaoui, que nous avons acquis cette expertise antiterroriste ; il faut donc bien renvoyer l'ascenseur aux précepteurs de nos enfants “égarés”. Ainsi répond l'illusion à la chimère : on réprime l'effet et on cultive la cause. Sans démocratie, on ne peut, de toute manière, pas faire autrement. M. H.