Le bulletin météo spécial, dont l'expiration était prévue pour aujourd'hui à 12h, est finalement prolongé jusqu'à vendredi. Et pour cause, la vague de froid persiste pour toucher toutes les villes et villages, y compris les bourgades situées dans les zones frontalières dont les populations nomades ont dû fuir leur campement pour se rapprocher des agglomérations, à la recherche de la nourriture. Quatre-vingts morts, c'est le bilan d'une semaine d'intempéries qui ont touché de plein fouet l'Algérie et du froid polaire qui sévit, y compris dans le Grand-Sud. Avec une moyenne quotidienne de 45 accidents de la circulation, 5 morts et 30 blessés, les services de sécurité ont enregistré, ces trois derniers jours, 17 morts et plus de 80 blessés. Ce sinistre bilan s'ajoute aux 23 décès des suites d'inhalation du monoxyde de carbone. Ce qui porte le nombre à 40 personnes décédées en 72 heures. En ce sens, la protection civile a recensé, en 7 jours, 10 décès par asphyxie et 31 cas de personnes incommodées, sauvées in extremis. Cela va sans dire que plus de 300 personnes, dont 271 SDF (sans domicile fixe), ont également été sauvées par les unités d'intervention et les sapeurs-pompiers qui accomplissent un travail d'Hercule et dans des conditions catastrophiques. Un chiffre qui donne froid dans le dos quand on sait les conditions dans lesquelles ces rescapés, dont des enfants et des femmes, ont été délivrés. Tous les centres du Croissant-rouge algérien ont été ainsi mobilisés pour accueillir ces familles touchées par l'hypothermie. En Kabylie, ce sont trois autres personnes qui ont été ensevelies sous les amoncellements de neige alors qu'un jeune a fait une chute mortelle dans la région d'Aïn Defla. Ce drame a poussé des milliers de famille à abandonner leur région pour fuir le froid glacial et l'isolement qui persiste, avec en toile de fond le manque de nourriture, de carburant, de gaz et les coupures d'électricité qui perdurent. Selon notre source, plus de 30 000 interventions ont été enregistrées ces trois derniers jours, notamment en Kabylie où 1 500 villages sont toujours isolés par la neige et le verglas. L'intervention des troupes de l'Armée nationale populaire (ANP) a été salutaire à bien des égards, ajoutée aux URS (unités républicaines de sécurité) déployées par la DGSN (plus de 60 000 hommes) et aux groupements d'intervention et de réserve (GIR) de la Gendarmerie nationale (plus de 80 000 hommes) et de la Protection civile (plus de 40 000 hommes). 15 000 nomades désertent leur campement Dans les wilayas d'El-Bayadh, Naâma, notamment la localité enclavée d'El-Aâricha (une zone frontalière au Maroc), Djelfa et Laghouat, environ 5 000 familles de nomades (soit 15 000 personnes, dont des femmes et des enfants) ont fui le froid glacial. Dans ces régions arides de l'Algérie profonde, les températures ont sensiblement chuté pour atteindre les -10 et -12 C° ! Certains éleveurs nomades ont carrément abandonné leurs cheptels, leurs uniques ressources de vie, avant de les récupérer avec l'aide des services de sécurité. L'instinct de vie oblige, ces populations ont déserté leurs tentes. Et si certaines familles ont pu sauver ce qui restait de leur bétail, d'autres, en revanche, ont préféré s'amasser auprès des villes. Selon notre source, les groupements des gardes-frontières (GGF) ont également contribué pour sécuriser ces populations et leur apporter aide et assistance. Cette situation n'est pas propre au sud-ouest du pays. Notre source révèle que le froid qui frappe la zone frontalière algéro-tunisienne a également contraint certaines populations habitant dans les petites bourgades à se rabattre sur les villes, notamment à Guelma, Tébessa, Souk-Ahras et el-Tarf. Le drame du froid polaire touche aussi les zones arides de Béchar, de Tamanrasset, d'Illizi, d'Adrar et de Tindouf où le mercure a vertigineusement chuté ces trois derniers jours. À El-Oued, la neige a fait son apparition, à la surprise de ces populations, autrefois habituées au froid hivernal et aux averses orageuses. L'exode a également touché certaines régions du centre avec l'effondrement de maisons, notamment à Alger, avec l'effondrement partiel des murs d'une habitation précaire et l'effondrement partiel du faux plafond d'une classe, au lycée Mohamed-Anaoui. Hier, au moins 300 têtes de cheptel ont succombé au froid et à la faim dans la région de Médéa où un éleveur était contraint de fermer son étable, alors qu'un autre citoyen est décédé dans la wilaya de Khenchela des suites de l'hypothermie et de l'isolement. L'armée face aux 273 routes coupées à la circulation L'état des routes est catastrophique, selon un bilan exhaustif rendu public hier par les services de sécurité et la protection civile. Déployées dans plusieurs régions du pays, les troupes de l'Armée nationale populaire (ANP) sont mises à contribution pour atteindre les zones jusque-là inaccessibles. Avec 273 routes coupées, 800 communes coupées du monde, dont 60 en Kabylie, et 30 wilayas sinistrées (Tizi Ouzou, Béjaïa, Constantine, Khenchela, Batna, Boumerdès, Bouira, Tiaret, El-Bayadh, Laghouat, Blida, Tipasa, Bordj Bou-Arréridj, Tiaret, Chlef, Aïn Defla…), l'armée a déployé de gros engins pour venir en aide aux populations en souffrance depuis déjà une semaine. Selon un communiqué du ministère de la Défense nationale (MDN), les troupes de la Ire Région militaire sont déjà en œuvre dans les wilayas de Blida, Tizi Ouzou, Boumerdès, Médéa et Aïn Defla. Dans ces régions, pas moins de 11 routes principales ont été rouvertes à la circulation. Mais pas seulement, puisque les militaires ont réussi à désenclaver 80 familles entre Larbaâ et les Deux Bassins (Blida) et sauvé une famille entière à Amalou (Tizi Ouzou). À Aïn Defla, les unités de l'ANP sont venues au secours d'un centre de prise en charge des enfants alors que des dizaines de citoyens, menacés par l'isolement, ont été pris en charge dans les casernes. Aussi, des familles sinistrées dans la wilaya de Boumerdès ont été sauvées par les militaires qui sont intervenus d'urgence à Timezrit. “Les unités de l'ANP resteront mobilisées jusqu'à la fin de leur mission et qui consiste à désenclaver les populations en détresse”, indique-t-on. Du côté du ministère de la Solidarité, on indique que des caravanes sont déjà à pied d'œuvre pour venir en aide aux SDF, notamment en couvertures et en nourriture alors que toutes les unités du Samu ont été mobilisées pour sillonner les wilayas sinistrées afin d'apporter l'aide sanitaire et psychologique aux sinistrés. Cette action sociale est orientée vers les régions enclavées où les cellules de crise sont installées pour coordonner les interventions rapides, avec la mise à contribution du mouvement associatif. Appels à la vigilance Le bulletin météo spécial (BMS), dont l'expiration était prévue pour aujourd'hui à 12h, est finalement prolongé jusqu'à la journée de vendredi. Raison pour laquelle les appels ont été lancés, hier, aux populations en souffrance afin de faire preuve de vigilance. Et pour cause, la vague de froid persiste pour toucher toutes les villes et villages, y compris les bourgades situées sur les zones frontalières. En plus des cellules de crise installées au niveau des wilayas et des daïras, les citoyens sont appelés également à éviter les déplacements inutiles dans les régions dangereuses et sur les axes routiers à risque. F B