La souffrance des citoyens confrontés aux effets des intempéries perdure. La tension provoquée par la pénurie du gaz butane est loin de connaître son épilogue. Bien au contraire, elle s'est aggravée malgré les efforts de Naftal. Reportage. Onze heures. La pluie tombe à torrents. La station Naftal du centre-ville de Baraki (Alger) est prise d'assaut en cette matinée de samedi par une foule nombreuse. Une queue humaine de plusieurs mètres s'est vite formée. Des centaines de personnes attendent d'être servies, munies de leurs bouteilles de gaz vides. Mine fatiguée et visiblement à bout de force, hommes et enfants espèrent revenir chez eux avec la précieuse bonbonne remplie. “Je viens des hauteurs des Issers. Je suis ici depuis hier et je n'ai toujours pas pu m'approvisionner en gaz butane”, relate un jeune rencontré sur les lieux. “Dans le pays du pétrole et du gaz, la population n'arrive pas à s'approvisionner en gaz et l'on meurt de froid. Pire encore, la bouteille de gaz est passée de 200 DA à 1 500 DA, voire plus”, lâche un autre, près de lui. “Le gaz algérien est acheminé jusqu'en Europe et il se fait rare en Algérie”, rétorque un homme venu de Birtouta. “Vous imaginez, je suis venu hier et je suis rentré bredouille. Aujourd'hui, je suis arrivé ici à 2h du matin et j'attends encore”, fulmine-t-il. Et d'ajouter : “Il y a un seul camion mais les agents de Naftal refusent de commencer la vente.” “Pendant ce temps, des jeunes arrivent, on ne sait comment, à acheter des bouteilles en quantité pour les revendre devant la station à 1 500 DA”, s'insurge un homme. “J'ai voulu acheter une bonbonne au marché noir, j'ai proposé au vendeur de me la céder à 700 DA, il a refusé”, raconte-t-il. “Au lieu de nous bassiner avec les élections législatives, les autorités devraient s'occuper à trouver des solutions à cette crise”, vitupère un jeune. Un agent de Naftal, travaillant à la station, explique qu'“un seul camion est arrivé avec 230 bouteilles à bord. Vous imaginez la pagaille qu'il y aurait si nous vendions à la moitié des gens et pas à l'autre !” Il assure qu'avant-hier, la station a travaillé 24 heures d'affilée et que plus de 2 300 bonbonnes de gaz ont été vendues. Des scènes similaires étaient visibles, hier, à l'entrée de Sidi R'zin, près de Baraki, où se trouve la station de distribution de Naftal. Une longue queue de camions chargés de bouteilles de gaz vides avancent lentement vers la station pour les décharger, les remplacer par des bonbonnes remplies et repartir. “Nous sommes arrivés de Djendel (Aïn Defla), hier (avant-hier, ndlr), à 16h, et nous n'avons toujours pas réussi à nous approvisionner. La neige a atteint 2 mètres chez nous et les responsables de la station refusent de nous servir sous prétexte que nous n'avons pas de registre du commerce, et ce, malgré les réquisitions fournies par l'APC de Tizi Ouzou”, rapportent des hommes qui discutaient au milieu de la route en attendant leur tour. Désormais, l'accès de la station de Sidi R'zin ressemble à un check point. Il faut passer par trois barrages de police et de gendarmerie et montrer ses papiers à chaque fois. Arrivés, enfin, les camions formaient encore une longue file avant d'atteindre les centres enfûteurs. Pour expliquer l'origine de cette pénurie, le P-DG de Naftal, Saïd Akretch, impute cette situation aux conditions météorologiques exceptionnelles que vit l'Algérie. “La demande sur la bouteille de gaz a considérablement augmenté. Nous sommes passés de 400 000 bouteilles/jour à 700 000 bouteilles à cause du froid qui a sévi ces derniers jours. Depuis le début de l'hiver, la demande a augmenté de 50% et a doublé par rapport à l'été”, indique-t-il. M. Akretch souligne qu'avec les coupures d'électricité, les gens s'orientent vers le gaz butane. “Il faut savoir que la campagne d'hiver se prépare en été, tout a donc été préparé à l'avance avec les wilayas et le ministère de l'Energie et des Mines. Tout ce que nous avons préparé s'est avéré insuffisant”, déplore-t-il. Le P-DG assure que depuis le début de la vague de froid, les 42 centres enfûteurs du pays travaillent 24h/24 et 7 jours/7 et que la flotte de véhicules et les ressources humaines ont été renforcées. “Outre nos camions, nous avons réquisitionné tous les véhicules du secteur de l'énergie pour répondre à la forte demande dans les plus brefs délais”, souligne-t-il. M. Akretch rappelle que “face à cette situation, nous approvisionnons même les personnes qui ont des réquisitions de leur APC pour satisfaire rapidement la demande de la population.” Les responsables de Naftal affirment, en outre, que “les conditions météorologiques ont paralysé le transport maritime. La source d'approvisionnement en gaz est Arzew et avec le mauvais temps, les ports étaient consignés et les bateaux en cabotage. Impossible donc d'acheminer le gaz. De plus, la neige a bloqué plusieurs axes routiers rendant le déplacement de nos camions impossible à l'intérieur du pays”, ajoute-t-on à Naftal où l'on adopte, malgré tout, un ton rassurant : “Nous avons acheminé 11 000 m3 de gaz d'Arzew et si le mauvais temps ne persiste pas dans 48h, nous n'entendrons plus parler de cette histoire”. D. S.