C'est dire combien sa crainte est grande de voir “son chantier politique” compromis, sachant qu'il est perçu, jusqu'ici, comme un nouveau ravalement de façade à l'image de ceux qu'a connus le pays par le passé ou, pis, comme une nouvelle manœuvre qui permettrait au régime de gagner du temps et, au final, de perdurer. Comme jamais auparavant, le président de la République s'implique personnellement dans la campagne en faveur de la participation aux prochaines élections législatives, l'objectif n'étant pas seulement de réparer le désamour des Algériens envers les urnes mais aussi de convaincre de la crédibilité des “réformes” et des “changements” qu'elles devraient induire. En l'espace de 24 heures, le chef de l'Etat a pu trouver deux opportunités d'affirmer “l'importance” du scrutin du 10 mai prochain. D'abord le 18 Février, soit avant-hier, à l'occasion de la célébration de la Journée du chahid, par le biais d'un message au secrétaire général de l'ONM. Ensuite, le 19 février, soit hier, par le truchement d'un second message, d'ailleurs légèrement anticipé, adressé au patron de la Centrale syndicale, à l'occasion du double anniversaire de la naissance de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, célébré le 24 Février. Contrairement à l'habitude, ces deux missives du président de la République à deux organisations qui, à l'instar d'autres, ont toujours été sollicitées pour jouer un certain rôle lors de consultations électorales, n'ont pas pour objet de “sacrifier à l'usage”, comme on dit. L'on est loin de ces messages de circonstance, identiques d'année en année, monotones et sans relief, que les présentateurs de l'ENTV sont invités à lire au JT de 20 heures, à des dates convenues. À Saïd Abadou comme à Abdelmadjid Sidi-Saïd, Bouteflika a tenu à rappeler l'importance particulière, voire historique que revêtent les prochaines élections législatives qui seront “sérieuses” et porteuses de “nouveautés”. S'adressant au chef de l'ONM, le président de la République a d'abord souligné que les réformes en cours sont “sérieuses”, insinuant que les élections du 10 mai, qui en sont “la pierre angulaire”, le seront tout autant. C'est dire combien sa crainte est grande de voir “son chantier politique” compromis, sachant qu'il est perçu, jusqu'ici, comme un nouveau ravalement de façade à l'image de ceux qu'a connus le pays par le passé ou, pis, comme une nouvelle manœuvre qui permettrait au régime de gagner du temps et, au final, de perdurer. C'est aussi l'expression évidente de cette angoisse partagée au sein des sphères du pouvoir quant à l'abstention qui en découlerait. Abordant le scrutin de mai prochain, Bouteflika écrit : “Les prochaines élections législatives ne doivent pas être un simple événement conjoncturel qui met en lice des candidats mais constituer la pierre angulaire du parachèvement de l'édifice démocratique que nous avons initié.” D'autant, ajoute-t-il, que “c'est à la lumière des résultats” de cette consultation que “sera tranchée la question de la Constitution du pays qui deviendra la référence qui tracera les repères politiques et sociaux de l'avenir du pays”. Entendre par là que l'élection sera engageante, voire structurante. C'est toutefois dans son message au secrétaire général de l'UGTA que Bouteflika se fera plus explicite, appelant les Algériens à “élire avec sérieux et responsabilité” la prochaine Assemblée nationale “qui sera mandatée pour participer (…) à la révision constitutionnelle”. En revanche, aucune indication quant à la nature de cette participation, sachant que la future Assemblée n'aura pas de vocation constituante. Pour convaincre de ce “sérieux”, le président Bouteflika est allé chercher… les dimensions “impressionnantes” des programmes d'investissement à travers lesquels, estime-t-il, les Algériens devraient enfin se rendre compte de sa volonté “irréfragable” de donner “(…) une qualité nouvelle” aux réponses qu'il convient d'apporter aux attentes des Algériens, assurant que cette nouveauté sera “largement confortée dans la pratique par les profondes réformes politiques”, donc par les législatives. Tel qu'il est parti, Bouteflika reviendra sans doute à la charge pour tenter d'exorciser “les démons de l'abstention”. Il avancera certainement d'autres “arguments” pour la participation. Réussira-t-il pour autant à réparer les dégâts provoqués par ces autres “démons” qui ont sévi des années durant : la fraude électorale, la fermeture du champ politique, la stigmatisation systématique de l'opposition… ? S C