Ni le séisme, ni les récentes intempéries, ni les diverses pénuries de matériaux, ni la nonchalance de certaines entreprises réalisatrices et encore moins la jalousie de quelques rares collègues n'ont pu ébranler ou perturber l'ex-patron de l'AADL. Il a fallu qu'une simple instruction, très controversée d'ailleurs, émane “d'en haut” sans le moindre motif, pour qu'il soit mis fin à ses fonctions. Si la manière avec laquelle il a été limogé demeure indigne d'une tutelle, le moment choisi l'est encore davantage. Il ne restait que quelques jours pour que M. Bounafaâ récolte ainsi ” les fruits de son travail”. Le précurseur de cette formule allait remettre les clés aux bénéficiaires dans la poignée de jours qui viennent. Cet homme avait, en effet, la ferme ambition de redonner confiance aux célibataires en leur offrant un toit et, par conséquent, un second souffle pour leur vie. C'était compter sans les décisions des hommes de l'ombre qui preferent se debarrasser des cadres qui ne s'inscrivent pas dans la logique de leurs ambitions politiques et politiciennes. Depuis son installation à la tête de l'Agence de l'amélioration et du développement du logement (AADL), M. Bounafaâ a survécu à toutes les tempêtes qui ont secoué cette institution. La preuve : il a tenu sa promesse de livrer les 10 000 logements au mois de décembre courant, en dépit des innombrables accrocs qu'a subis l'AADL. La dernière réunion qu'il a présidée était programmée dans ce sens. Il a désigné des cadres centraux pour la mise en œuvre de cette opération. Tout est fin prêt. À vrai dire, de nombreuses cités étaient livrables dès le mois de mars dernier. Mais les options électoralistes ont contraint les hommes du sérail à reporter cette action pour la veille de l'élection présidentielle. Ce n'est pas fortuit que ce bâtisseur hors pair soit relevé de ses fonctions, notamment à ce moment précis. En deux ans et deux mois, le désormais ex-DG de l'AADL a réalisé ce qu'aucun autre cadre n'a pu concrétiser en si peu de temps. Il a réussi là où plusieurs hauts fonctionnaires ont échoué. M. Bounafaâ a mené cette formule, pourtant chère à Bouteflika, à bon port. Outre les 10 000 logements qui seront livrés sous la houlette de la nouvelle direction, M. Bounafaâ a promis la livraison des 45 000 autres en 2004. Il a réalisé une prouesse pour laquelle les tenants du pouvoir sont malheureusement restés insensibles. Ainsi, M. Bounafaâ a, encore une fois, prouvé ses compétences devant des entrepreneurs chevronnés de renommée mondiale. On se rappelle de son intransigeance vis-à-vis des entreprises étrangères telles que les chinoises et les égyptiennes auxquelles il a imposé le système de travail de trois équipes qui se relaient toutes les huit heures (3x8). Au cours d'une réunion avec les PDG d'entreprises réalisatrices, déconcerté, voire furieux contre les contre-performances de la société brésilienne Casaforma, M. Bounafaâ a refusé de donner la parole au premier responsable de cette dernière en lui lançant : “Je vous interdis de parler. C'est par respect à l'assistance, sinon je vous aurais renvoyé de la salle…” C'est grâce à sa bonne volonté — il travaillait même les vendredis — et à son enthousiasme que le projet de location-vente a mûri et pris forme. À tel point que le nom de Bounafaâ rimait avec location-vente. Le jour du lancement de l'opération, M. Bounafaâ avait déclaré à propos de la formule location-vente : “C'est le dernier atout que détient l'Etat pour se racheter devant le peuple.” C'est chose faite, puisque les chantiers sont édifiés suivant le planning sur une quarantaine de wilayas. Ce qui a rendu espoir aux Algériens qui étaient sceptiques auparavant. Il avait beaucoup de projets structurant des cités indispensables pour une gestion moderne des cités. On ne l'a pas laissé aller jusqu'au bout de ses bonnes intentions. M. Bounafaâ part cependant avec la conscience tranquille et le sentiment du devoir accompli. B. K.