Moscou tente de profiter de l'anarchie régnant actuellement à Tbilissi pour reprendre le contrôle de la Géorgie, que Chevardnadze avait orienté vers les Etats-Unis. La bataille d'intérêts est engagée entre les deux puissances. Le chef de la diplomatie russe, Igor Ivanov s'est précipité samedi soir à Tbilissi, avec dans ses bagages un mandat des pays membres de la communauté des Etats indépendants (CEI), organisation née de l'éclatement de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), pour tenter de résoudre la crise politique georgienne. Cela demeure le côté officiel de la mission du ministre russe des affaires étrangères, dont l'objectif inavoué est la récupération de ce pays, que Chevardnadze avait mis entre les mains de Washington. Conscients de cela, les Américains ont, eux aussi, programmé une visite du secrétaire d'Etat aux affaires étrangères en Georgie. Colin Powell se rendra à Tbilissi dans les tout prochains jours pour contrecarrer son homologue russe. L'enjeu étant important, Washington et Moscou engagent ainsi une véritable bataille pour le contrôle de ce pays, en raison de son importance stratégique dans la région. Cet Etat enfoncé entre la Russie et la Turquie revêt un intérêt particulier pour les Américains, de part sa situation géographique. Le pétrole est, aussi, un facteur non négligeable, bien que la Georgie n'en possède pas. Néanmoins, ce pays tire son attrait de sa présence de par sa présence entre les riches champs pétroliers de la mer caspienne et les marchés mondiaux de l'or noir. Selon les experts en la matière, le contrôle des routes de passage d'un produit est aussi important que la possession du produit lui-même. Les Etats-Unis qui commençaient à serrer leur emprise sur la Georgie ne veulent en aucun cas tout perdre maintenant surtout que les Russes sont toujours présents à travers leurs deux bases militaires dans le sud et l'ouest du pays. L'autre atout de Moscou est que Tbilissi est tributaire en grande partie de la Russie pour son alimentation en énergie. Washington de son côté contribue à la survie des Georgiens par ses dons financiers. Sur le plan militaire, l'armée de ce pays est formée par les instructeurs américains, en plus des aides en équipements, à l'exemple des six hélicoptères Huey, offerts récemment. Cela étant, Edouard Chevardnadze, diplomate chevronné pour avoir dirigé la diplomatie soviétique sous Gorbatchev durant la perestroïka, n'a jamais rompu totalement avec Moscou, comme en témoigne son rapprochement avec la Russie à travers le pacte d'alliance conclu dernièrement avec le leader d'Adjarie, Aslan Abachidzé, totalement acquis à Vladimir Poutine. Les intérêts des Etats-Unis et de la Russie sont opposés en Georgie, même si les deux puissances mondiales veulent en faire un Etat stable. Reste maintenant les moyens à utiliser pour parvenir à l'objectif recherché. Aucune des deux parties ne recherche le départ du pouvoir de Chevardnadze. Si les Américains ont pour objectif de l'obliger à faire des concessions à l'opposition pour sortir de cette crise, les Russes sont disposés, par contre, à le soutenir pour briser l'opposition. Dans tous les cas de figure, Chevardnadze s'en tire à bon compte à moins que l'opposition n'aille jusqu'au bout de ses intentions. K. A. L'Armée n'a pas reçu d'ordre d'utiliser la force “L'armée géorgienne n'a pas reçu d'ordre du président Edouard Chevardnadze d'utiliser la force contre l'opposition”, a déclaré hier le ministre géorgien de la Défense, David Tevzadze. “Il n'y a pas d'ordre du commandant en chef d'utiliser les armes”, a déclaré le ministre à la télévision, en ajoutant avoir reçu “l'avertissement du président que ne soit prises en aucun cas des mesures pouvant faire couler le sang''. “Un conflit politique doit être règlé par des mesures politiques et non par la force”, a souligne M. Tevzadze. Le président géorgien a déclaré samedi l'état d'urgence, après que l'opposition eut investi le siège du Parlement et proclamé un président par intérim.