L'homme fort de la révolution pacifique Mikhaïl Saakachvili est le premier candidat à la présidentielle de janvier prochain. Depuis la chute dimanche dernier du président géorgien, Edouard Chevardnadze, les choses se sont accélérées et sont menées au pas de charge par le nouveau pouvoir. Aussi, pour ne point laisser la présidence trop longtemps vacante, le parlement a décidé, mardi, de fixer au 4 janvier 2004, l'élection présidentielle. L'homme fort du mouvement de la révolution de velours, et leader de l'opposition, Mikhaïl Saakachvili, 35 ans, a été le tout premier à se porter candidat au prochain scrutin présidentiel. La présidente par intérim, Mme Nino Bourdjanadzé, dans son intervention devant le parlement a promis que les élections «seraient démocratiques et équitables», indiquant «Nous tiendrons des élections démocratiques et équitables, et je vais tout faire pour maintenir dans le pays la stabilité et la paix». Comme de juste, la présidente par intérim s'est adressée au parlement sortant alors que la Cour suprême avait annulé, mardi, les résultats des élections législatives du 2 novembre dernier reconnaissant le bien-fondé de la plainte pour fraude déposée par le mouvement national et le bloc démocratique. Cette évolution de la crise en Géorgie a été rendue possible par la sagesse du président déchu, Edouard Chevardnadze. Sa démission a, de fait, évité à la Géorgie une issue moins pacifique, avec la survenue d'une situation moins contrôlable, au moment où la tension ne cessait alors de monter, notamment après l'appel à la prise de la présidence par les leaders de l'opposition. Revenant sur ces péripéties Edouard Chevardnadzé affirme: «Prendre cette décision (de démissionner) n'a pas été facile, mais c'était la seule solution». Il est vrai que cet homme foncièrement modéré, n'a à aucun moment lancé l'armée contre les insurgés, ce qui aurait pu avoir une toute autre issue sur le devenir de la Géorgie. Ce qui a permis de fait à la «révolution de velours» de se maintenir dans des normes pondérées qui ont évité une tournure moins pacifique au changement voulu par le peuple géorgien, changement intervenu tout compte fait sans bain de sang. De fait, M.Chevarnadzé annonçant sa démission expliqua ainsi son départ: «J'ai vu qu'on allait vers une effusion de sang et qu'il valait mieux que je quitte le pouvoir pour que cela se termine sans que le sang coule». La Géorgie vient ainsi de tourner pacifiquement une page de son histoire mais le futur s'annonce assez sombre selon les déclarations de la présidente par intérim qui affirme que «la Géorgie est au bord de l'effondrement économique», indiquant: «Nous avons l'intention de demander l'aide financière de la communauté internationale». La situation nouvelle de la Géorgie laisse ouvertes toutes les options, mais, semblet-il, après le départ de Chevardnadze - dernier lien unissant cette ex-République soviétique à Moscou - la rupture avec la Russie est consommée. En effet, le départ forcé du pouvoir de l'ancien chef de la diplomatie de l'Union soviétique est assimilé à un véritable revers pour Moscou, d'autant plus que les nouveaux leaders politiques géorgiens, Mikhaïl Saakachvili et la présidente par intérim, Nino Bourdjanadzé, ne cachent pas leurs positions pro-occidentales, singulièrement américaines. De fait, dans sa première déclaration en tant que présidente par intérim, Nino Bourdjanadzé a affirmé que l'objectif de la Géorgie «était d'être membre de la famille européenne, membre de l'Alliance atlantique». La «révolution de velours» va faire basculer en fait la Géorgie dans l'autre camp et met en difficulté le flanc sud de la Russie en lui coupant la route du pétrole et du gaz de la mer Caspienne et l'accès à la mer Noire. En fait, Washington n'a pas trop attendu qui enverra dès la semaine prochaine à Tbilissi une équipe inter-ministérielle indique le porte-parole du Département d'Etat, Richard Boucher, dans l'optique selon lui «(...) de discuter avec le gouvernement intérimaire de la manière dont nous pouvons l'aider à préparer les élections à venir et travailler sur d'autres questions d'une importance critique pour la Géorgie». Prié de dire si ces discussions englobaient le projet de l'oléoduc Bakou (Azerbaïdjan)-Ceyhan (Turquie) (traversant la Géorgie), M.Boucher a dit «que ce genre de choses sera discuté». La bataille entre la Russie et les Etats-Unis, pour le contrôle de cette région stratégique riche en gaz et en pétrole, est bel et bien engagée. Les luttes d'influence sur le bassin du Caucase entre Moscou et Washington sont l'une des premières conséquences du changement de régime à Tbilissi.