Avant la conférence de presse organisée hier par Eddir Loungar, l'investisseur algérien établi en France, qui ambitionne d'acheter 80% des parts du MC Alger, a accordé à notre journaliste le privilège de s'entretenir avec lui en aparté, “tout simplement parce que”, dit-il, “vous représentez un grand journal algérien que je lis toujours en France”. L'occasion pour nous de lui poser des questions qui brûlent les lèvres des… Mouloudéens. Liberté : Tout d'abord M. Loungar, on aimerait bien connaître un peu plus celui qui suscite tant d'attente au sein du peuple du Mouloudia. Qui est donc M. Loungar dont tout le monde parle ? Eddir Loungar : (Sourire). Je suis un jeune algérien qui aime son pays, qui revendique en France sa nationalité algérienne, chef d'entreprise ayant commencé très jeune. J'ai commencé par créer une société événementielle. D'autres entreprises ont été créées par la suite ; il faut savoir qu'aujourd'hui, je crée trois à quatre entreprises par an. Je sais qu'en Algérie, je suis plus connu comme étant le propriétaire de la société Bodygard, mais Bodygard est l'une des entreprises que je gère, mais elle n'a pas le monopole du chiffre d'affaires que je réalise sur le plan international. Vous arrivez en Algérie, après l'ouverture du marché du football, avec la professionnalisation de la discipline, qui vous donne l'occasion d'entrer dans le capital d'un club, conformément à une nouvelle politique des pouvoirs publics. Est-ce que vous avez tout d'abord commencé par saisir les pouvoirs publics ? Ma volonté d'investir en Algérie est née tout d'abord des précieux conseils de M. Abdelkader Drif, ancien président du MCA, qui est un très bon ami à moi et dont l'expérience et la compétence ne sont plus à démontrer. Pour moi, il représente une plus-value exceptionnelle. Effectivement, j'ai saisi officiellement les services de la jeunesse et des sports, et de la Fédération algérienne de football concernant mon ambition d'investir au sein du MCA. Pourquoi avoir choisi particulièrement le Mouloudia d'Alger ? J'ai eu la chance d'être élevé dans une famille algérienne qui est restée très attachée au pays. Mes parents m'ont toujours ramené ici en Algérie pour des vacances. Et, croyez-moi, depuis mon enfance, tout le monde autour de moi ne parlait que du Mouloudia. Je peux dire donc que je suis né dans un milieu mouloudéen, où beaucoup autour de moi sont de vrais supporters du MCA. D'ailleurs, je défie quiconque de prouver qu'il existe un autre club qui a une aussi grande popularité que le MCA. Ce matin, vous avez rencontré les membres du conseil d'administration pour parler de votre éventuel partenariat. Peut-on savoir comment les choses se sont passées ? Je tiens tout d'abord à préciser que je ne suis pas venu en Algérie pour faire du mécénat. Je suis un investisseur, c'est-à-dire doter le MCA de moyens professionnels qui lui permettent de redorer son blason et récupérer la place qui lui revient de droit parmi les ténors. Et à ce titre, je dirais que la place qu'occupe actuellement le MCA est inacceptable. Les membres du conseil d'administration que j'ai rencontrés deux fois, hier soir (lundi soir) et ce matin (hier), m'ont fourni les bilans de l'exercice 2011, qui ne sont pas d'ailleurs clôturés. Pour notre part, mes experts ont épluché les bilans du Mouloudia depuis 2001, c'est-à-dire, depuis la cession du club par Sonatrach. J'ai posé des questions et j'ai fait part de mes propositions, et j'attends des réponses. En tout cas, les discussions se sont très bien passées. Mais, concrètement, cela vous coûtera combien d'investir au MCA ? Il faut noter que l'analyse des documents de la société du Mouloudia d'Alger fait ressortir que la SSPA/MCA n'a absolument aucune valeur financière. Sa valeur est égale à zéro. Maintenant si on parle de la valeur du cœur, c'est-à-dire de l'histoire et du palmarès, le Mouloudia a certainement une grande valeur. Pour vous résumer donc la situation, du point de vue financier, le Mouloudia a la valeur d'un euro symbolique. Et pour ce qui est de la valeur du cœur, le Mouloudia vaut une certaine somme que nous sommes en train de discuter justement, mais ne me demandez surtout pas d'en dire plus. Est-ce que les dettes du club, évaluées à plusieurs milliards de centimes, ne pourront-elles pas vous faire changer d'avis ? Mon engagement avec le Mouloudia est sans préjugés. Les dettes ne font pas peur, ce n'est pas cela qui va me freiner. Quel est votre plan d'action pour le Mouloudia ? Je pars du principe qu'un club sportif ne peut pas évoluer sans moyens infrastructurels conséquents. Donc, si l'on veut réussir notre part au MCA, il faut réunir ces infrastructures nécessaires. Il faut savoir aussi qu'il n'y a pas que des mauvais joueurs ; il y a des mauvais managers aussi, il y a donc un gros travail à faire à ce niveau-là. Il faut à la tête du club un homme à poigne qui puisse prendre des décisions importantes. Si nous avons compris, votre ambition est de devenir propriétaire du Mouloudia d'Alger, n'est-ce pas ? Absolument. Mon ambition est d'acheter au minimum 80% des parts du MCA. Lors de la réunion de ce matin, nous avons fait des propositions dans ce sens, nous avons expliqué notre démarche, j'attends une réponse. Désolé d'insister, mais 80%, c'est combien en termes de participation financière, c'est-à-dire quel est le montant que vous mettez dans la balance pour rafler le MCA ? Nous sommes encore à l'étape des négociations, il n'est donc pas très opportun de parler de chiffres, nous en reparlerons une fois les accords conclus chez le notaire. Les dirigeants du MCA sont-ils prêts à vous céder les 80% de la société ? Les membres du conseil d'administration sont prêts à céder 80% des actions de la SSPA/MCA. Ils ont évoqué aussi la question du tiers bloquant en ce qui concerne le nom, les couleurs du club… M. Loungar, le Mouloudia ne possède pas de stade. Est-ce que vous êtes prêt à construire un stade pour le MCA ? L'Etat algérien, dans le cadre de sa nouvelle politique, met à la disposition des clubs des terrains. Donc, il y a des possibilités de faire certaines choses, et je peux vous assurer que nous avons les ressources et l'envie de doter le club de moyens conséquents. Il y a aussi le stade du 5-Juillet qui peut tout à fait convenir au MCA. Et là, nous explorons différentes pistes pour pouvoir le mettre à la disposition du club. Nous avons rendez-vous avec le directeur général du complexe Mohamed-Boudiaf pour discuter de ce volet important. Un investisseur, ça parle en termes de rentabilité. Est-ce que le Mouloudia peut être une affaire rentable ? Le Mouloudia est largement rentable, il faut juste mettre à sa tête un investisseur et un gestionnaire capables de prendre les décisions qui s'imposent. M. Loungar peut-il être un exemple pour les Algériens établis à l'étranger qui veulent investir en Algérie ? De toute façon, je suis déjà un exemple d'Algériens expatriés qui investissent à l'étranger, à l'instar d'autres Algériens d'ailleurs. Aujourd'hui, de grands financiers exerçant en Europe sont d'origine algérienne. Il faut juste une volonté politique pour leur faciliter la tâche. Les supporters du MCA attendent beaucoup de vous. Ils attendent, entre autres, que vous recrutiez de grands joueurs. Est-ce que vous allez garder la même composante ? On en n'est pas encore là, mais j'ai des idées là-dessus. Il paraît que vous misez sur un savoir- faire étranger. Est-ce à dire que vous allez recruter un entraîneur étranger ? 'est très envisageable. Allez-vous changer la composante actuelle de la direction du club ? Evidemment qu'il aura des changements. Si j'arrive à la tête du club, il sera dirigé autrement et par d'autres hommes aux compétences avérées. Dans le monde du football, il existe des références de grands clubs. Quelle est votre référence ? J'ai plusieurs références des exemples de réussite dans le monde du football, mais aujourd'hui, le plus important c'est de réussir cette opération avec le MCA et de le hisser à un niveau de performance qui puisse réjouir ses supporters. Est-ce que vous allez voir les joueurs du MCA ? Tout à fait, je vais avoir une discussion seul avec les joueurs, et je dis bien seul pour avoir leur avis sur l'équipe. Je vais aussi assister au match contre le NAHD (entretien réalisé avant la rencontre NAHD-MCA). Vous venez donc au MCA pour préparer la saison prochaine, c'est cela ? Oui, je pense que si nous parvenons à un accord dans un délai raisonnable, c'est-à-dire d'ici la fin mars, nous pourrons bien préparer la saison prochaine. Est-ce que vous savez que le club rival, en l'occurrence l'USMA, est lui aussi géré par un investisseur privé ? Non seulement je le sais, mais nous avons pu prendre des informations sur sa manière de gérer ce club. Nous avons regardé et nous nous sommes évidemment demandés si les résultats de ce club sont à la hauteur de l'investissement consenti ? Je pense que dans ce domaine, il n'y a pas que, l'argent, il y a aussi la bonne gestion. S. L.