Ministres, cadres, magistrats et walis Virés par Bouteflika Ils sont ministres, magistrats, walis, chefs de daïra, hauts cadres. Un jour, ils font les frais d'une décision qui tombe comme un couperet : limogés par Bouteflika. S'il est du droit du Président de révoquer, il est aussi du droit de l'opinion publique et des personnes concernées d'en connaître les raisons. Depuis son élection, Bouteflika a trop souvent pratiqué l'exercice de mise à l'écart brutale des hommes et des femmes qui ne sont plus dans ses grâces. LES MINISTRES LIMOGES Quand les “exécutants” osent… Incontestablement, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, détient la palme du nombre de ministres, voire de gouvernements, qu'il a dégommés depuis son accession à la magistrature suprême. Près d'une dizaine de membres des Exécutifs successifs ont fait les frais des humeurs du Président qui ne supporte visiblement pas qu'un ministre ose une quelconque remarque à son égard ni entreprendre une action qui n'aurait pas son visa. À trop vouloir mettre sa personne et son aura bien en vue, Bouteflika a tôt fait d'effacer d'un trait ses ministres pour éviter qu'ils ne lui fassent de l'ombre. Il a ainsi réduit la fonction ministérielle à sa plus simple expression à tel point que les titulaires des portefeuilles — aussi important soient-ils — lui obéissent au doigt et à l'œil et ne peuvent remettre en cause ses choix, fussent-ils les plus discutables. C'est que le président Bouteflika n'a jamais fait mystère de la mission qu'il assigne à ses ministres : être de simples exécutants de sa politique. C'est tout. Le reste, tout le reste, relève de ses larges prérogatives dont il use et abuse à telle enseigne que même le personnel de l'administration est nommé par ses soins. Et bien sûr, il ne s'embarrasse d'aucun scrupule pour mettre fin aux fonctions d'un ministre de la République dès qu'il soupçonne chez lui la moindre volonté de s'affranchir de sa mainmise. Il fera d'ailleurs étalage de cette humeur quelques mois seulement après son élection en 1999, lorsqu'il a limogé, en plein Conseil des ministres, Abdelaziz Rahabi, le ministre de la Communication d'alors dans le gouvernement de Smaïl Hamdani. Rahabi fut stupéfait d'apprendre la “nouvelle” séance tenante, sans qu'il soit informé de rien. “Monsieur Rahabi, vous n'êtes plus ministre de la Communication !”, annonce, sec, le Président à la face de l'ex-diplomate qui tombait des nues au même titre que tous ses collègues. Ce limogeage “en live” fera date et marquera définitivement le début d'une chasse aux ministres gêneurs mais aussi d'un style de gouvernance déroutant et détonnant. Ahmed Benbitour l'apprendra à ses dépens plus tard, lui qui a décidé de rendre le tablier de Chef de gouvernement à Bouteflika en raison précisément de “l'incompatibilité” des styles de gouvernance des deux hommes. Et Benbitour a dû, sans doute, anticiper par sa démission qui aurait pu être une éviction. La deuxième victime du Président fut Chérif Rahmani, qu'il a dégommé du poste de gouverneur du Grand-Alger en plein discours à la nation. Mais auparavant, le ministre a eu droit à une volée de bois en Conseil des ministres de la part du Président qui lui avait surtout reproché d'avoir dépensé des sommes mirobolantes dans l'organisation de la fête du millénaire de la ville d'Alger. Chérif Rahmani fut limogé, mais pas tout à fait… En effet, Bouteflika a bien voulu lui permettre de jouir de son statut de ministre de la République pendant huit mois sans avoir à gérer un quelconque département, dans ce qui s'apparentait à une voie de garage. Mais Chérif Rahmani qu'on dit proche des hautes sphères de décision n'a pas tardé à rebondir et à reprendre un portefeuille qui lui tient à cœur : celui de l'Aménagement du territoire. Ouyahia également a eu à subir le courroux du président qui a décidé de le démettre de son poste de ministre d'Etat, ministre de la Justice en 2001 pour lui proposer un poste inconnu dans la nomenclature, à savoir celui de ministre d'Etat représentant personnel du président de la République. Ahmed Ouyahia a dû payer ses critiques à la concorde nationale prônée, à l'époque, par Bouteflika, au moment où, lui, tout auréolé du poste de SG du RND, prêchait la lutte implacable contre le terrorisme et l'intégrisme. Cependant, le limogeage de Ali Benflis de la chefferie du gouvernement, en mai dernier, est très significatif des rapports que le président de la République entretient avec ses collaborateurs. Son ami intime, son fidèle directeur de campagne électorale en 1999, puis son chef de cabinet à El-Mouradia et enfin son Chef de gouvernement durant quatre années, Abdelaziz Bouteflika s'en est séparé sans état d'âme. Il l'a lâché brusquement au début de mai, après qu'il eut soupçonné la velléité de Benflis de croiser le fer avec lui en avril 2004. De la même manière et avec le même sang-froid, Bouteflika a mis fin aux fonctions des quatre ministres issus du FLN quelques jours après, sous prétexte qu'ils activaient pour leur parti… C'est dire que pour Bouteflika, contrairement à Chevènement, un ministre, soit il se la boucle, soit il est limogé. H. M. Le directeur de l'ENTV relevé de ses fonctions en 1999 Pas vigilant, il est congédié Dimanche 21 novembre 1999. Le directeur général de l'ENTV, Abdelkader Leulmi est démis de ses fonctions. C'est un communiqué de la présidence qui annonce la nouvelle. Le même communiqué fait état du limogeage de Tedjini Salaouandji, ministre intérimaire de la communication et de la culture. Ce dernier avait été nommé en plein Conseil des ministres en remplacement de Rahabi. Comme de coutume, aucune explication n'avait été fournie pour éclairer l'opinion sur les raisons de telles décisions. On aurait reproché au directeur de l'ENTV son manque de vigilance à propos d'une intervention de cheb Khaled diffusée par la télévision. Interrogé sur Bouteflika, l'auteur de Didi aurait dit du président que c'est un homme de ! Ce passage aurait déplu à la mère du chef de l'Etat. Cette dernière aurait demandé la tête du directeur de l'ENTV, coupable de crime de lèse-majesté. R. N.