L'art en général, les arts plastiques en particulier, outre leur beauté expressive, leur créativité, ont cette capacité de voguer par monts et vaux, sans se soucier des frontières ou d'un quelconque visa d'entrée. Depuis samedi, jour du vernissage, le Centre des loisirs scientifiques de l'établissement Arts et Culture abrite une exposition collective de plasticiens algériens et espagnols. Un intitulé somme toute basique, mais qui résume fort bien cette aventure picturale. Cinq artistes (trois Algériens et deux Espagnols) se sont réunis le temps d'une exposition alliant le 6e et le 9e arts : peinture et photographie. Le Barcelonais Joan Parramon Fornos participe avec sept tableaux des treize qui composent sa collection “Voyage à Samarcande”, une ville qui est maintes fois évoquée dans différentes œuvres, qu'elles soient littéraires ou autres. Des aquarelles qui illustrent l'imaginaire du peintre. Une histoire, voire un concept mythique qui n'est que le fruit d'un subconscient, d'un imaginaire fertile. Des formes en hauteur, exagérée, qui sont habillées par des couleurs chatoyantes, vives, éclatantes, si propres à cette région. Le regard se noie dans ce périple qui n'est qu'une excuse qui permet d'exprimer un art, une culture, développant une connexion entre l'histoire de l'art, s'inspirant de Matis et Redon, et celle de l'humanité. De son côté, sa compatriote Maka ouvre les portes de son univers très coloré, figuratif. Tout est suggéré, esquissé avec finesse. Les formes se confondent dans les couleurs vivaces. Des aquarelles qui donnent le champ libre aux découvertes, et autres perceptions de la vie par l'artiste. Des expressions plurielles avec une thématique à répétition : l'homme et son environnement. Du côté de l'Algérie, les exposants font étalage d'un talent et d'un art maîtrisé. Kenza Bourenane participe avec une installation représentant une société, la nôtre, qu'elle a écorchée, saignée. Sur une toile de jute, un tableau déchiré au-dessus duquel est suspendu un fil à plomb. C'est le poids des choix de chacun de nous, positifs et négatifs. Un poids lourd qu'il faut assumer. “Ce qui nous ramène à la réalité”, explique-t-elle. Lui faisant face, une toile accrochée : des spectres témoins de ladite société. Si cela demeure lugubre, l'espoir est de mise : 17 bougies rappelant le rituel, le retour aux sources, aux origines, mais également cette lumière qui nous guide. Dans le sillage du choix, de la différence et de la tolérance, Maïza Djaballah expose deux triptyques exprimant fort bien ce concept. Des photographies montrant d'un côté deux personnes aux antipodes sur tous les plans, mais que cela n'empêche pas de vivre leur vie sans que ces différences influent sur leur quotidien. De l'autre, deux mosquées et la cathédrale du Sacré-Cœur. Des clins d'œil à la tolérance, à la spontanéité dans l'action avec une certaine justesse… L'aquarelle est très présente, une technique que le jeune Mohamed Belhadj utilise pour exprimer une évasion, celle de l'esprit et surtout de l'âme, car son œuvre est guidée dans sa thématique par le cœur ou l'état d'âme du moment. Il innove en recyclant des concepts. Une palette de couleurs riche, des sujets variés avec une exécution précise. Son talent ne se limite pas à uniquement transposer des couleurs ou des formes. Lors du vernissage, il a proposé aux présents une performance corporelle guidée par le grésillement de trois téléviseurs. Un détachement du corps qui n'obéit plus au cerveau. “Algéro-espagnol”, une exposition aux chemins différents mais qui demeurent croisés, tissant une toile, composant une œuvre majeure, celle de l'humanité, dans tous ces états. A I “Algéro-espagnol”, exposition collective, tous les jours au Centre des loisirs scientifiques, jusqu'à la fin du mois.