Rendez-vous était pris mardi dernier au Club des médias à la salle El Atlas (Onci) avec ce plasticien algérien. Pour l'invité, c'était une occasion de revenir sur son parcours artistique. À son actif, 32 ans de carrière, riche en activités et rencontres (Alloula, Kateb Yacine, Mustapha Kateb, Kaki, Ziani Chérif Ayed, Bernardo Bertolucci). Cet agitateur de talent, toujours en quête de l'art majeur, a exposé partout en Algérie et dans le monde. Durant cette rencontre, l'orateur a marqué des haltes sur les moments forts de sa vie d'artiste, mais également exprimé ouvertement son opinion sur divers sujets relatif à la culture, aux arts plastiques. Au sujet de la politique culturelle en Algérie, il a été catégorique, voire négatif : “Il n'y a pas de place pour les plasticiens”, ajoutant que “Dar Abdeltif n'existe pas pour nous. Elle est devenu un lieu luxueux qui n'a abrité, depuis sa réouverture, que deux résidences d'écriture et un workshop”. Il regrette qu'un lieu qui fut jadis incontournable pour de nombreux artistes-peintres, perde aujourd'hui de son aura n'ayant d'artistique que la symbolique qu'il véhicule. Au sujet des galeries d'art (non pas des lieux d'accrochage), il confie qu'en Algérie, il y en a 13. “Ce manque m'intéresse, m'interpelle, car ça me permet de créer des espaces.” Cet état de fait est dû, selon lui, au fait que les responsables à la tête de l'action culturelle “ont un complexe du beau”. Il déplore que des lieux ne soient pas mis à la disposition des artistes plasticiens algériens, à l'image des caves à vin de Bouchaoui, des abattoirs, ou des différentes usines et fabriques désaffectées à Alger. Ces espaces peuvent être source de création. Il en est certain, étant un habitué des endroits improbables : une exposition en 2008 dans une maison en chantier où 800 personnes ont assisté, les prisons, les écoles spécialisées pour enfants malades… En outre, il a précisé que “l'art vivant et contemporain n'est pas inscrit dans l'élite. Il doit être démocratisé. L'art n'est pas uniquement à Alger, c'est à l'intérieur qu'on a eu des critiques. À Alger, on dénigre vite quand on ne comprend pas”. L'Art fait-il bon ménage avec l'argent ? Il a été catégorique, dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, dont l'Algérie, “on n'arrive pas à comprendre et à classifier les arts plastiques”. Pour lui, un plasticien doit jouir d'une liberté d'expression, de développement de la création. “Il n'y a pas de recyclage”, a-t-il affirmé. Et d'ajouter : “Les jeunes sont branchés, dépassent les anciens et s'intéressent à des disciplines qui existent dans nos traditions. Ce qui m'intéresse c'est le retour aux traditions, au patrimoine”. Il a par ailleurs considéré qu'“on ne vit pas de son art, mais ça rapporte sur le plan personnel, relationnel.” Il déplore qu'en 2003, on ait commencé à parler d'argent avec les différentes manifestations organisées. Il donne l'exemple d'une exposition de céramiques à Alger qui a coûté deux milliards de centimes, rien qu'en transport, alors que la distance de l'atelier au lieu d'expo était très courte ; ou des catalogues d'exposition sponsorisés et qui sont quand même vendus. “C'est honteux de parler d'art et d'argent”, a-t-il asséné. Des projets, Karim Sergoua en a plein la tête. Actuellement, il est en train d'en mettre sur pied un qu'il a appelé “Papa”. Prévu en mai prochain, il a été reporté au mois de novembre 2012. C'est un projet qui regrouperait environ 170 artistes plasticiens, algériens et étrangers. Le lieu, gardé secret pour le moment, se trouve à Alger-Centre. Sur les différents niveaux de cet espace, diverses activités : un hommage sera rendu à ces jeunes que “l'on traite de voyous, qui reçoivent des gifles de partout, mais qui sont efficaces”, des projections vidéo, des groupes de musique, des installations… A I