La question des bulletins de vote et le vote des militaires sont au cœur de la divergence entre les deux parties. Entre le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, et la Commission nationale de surveillance des élections législatives (Cnsel), le torchon brûle. Face aux réclamations de la commission, le département de l'Intérieur campe toujours sur ses positions. Et rien n'indique pour l'heure que les choses pourraient évoluer. Principale pomme de discorde : la question du bulletin unique défendue par de nombreuses formations politiques mais rejetée par l'Intérieur. Echaudés par les expériences électorales passées, nombre de partis politiques redoutent qu'à travers la multiplication des bulletins, on laisse une petite porte entrouverte à la fraude. Mais tel n'est pas l'avis du département de l'Intérieur. “L'utilisation du bulletin unique à ce scrutin pourrait mener à l'annulation de toutes les listes en cas de griffonnage”, explique le directeur des libertés et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, Mohamed Talbi. Invité du Forum du quotidien El Khabar, M. Talbi relève que la proposition, outre qu'elle est contraire à certaines dispositions contenues dans la loi électorale, charrie une série de problématiques qui se posent en cas d'utilisation du bulletin unique dont “l'impossibilité pour l'électeur d'exercer le droit au choix constitutionnel libre en raison de son incapacité à reconnaître les candidats”, outre “l'inadaptation de la forme du bulletin à cocher au mode de scrutin de liste proportionnelle”, et “l'inadaptation de la forme du bulletin aux dimensions de l'enveloppe utilisée et à l'ouverture de l'urne transparente”. Réponse du président de la Cnsel : “En Tunisie et en Egypte, ils ont utilisé un bulletin unique et ont tenu des élections transparentes, pourquoi pas chez nous ?”, s'interroge Mohamed Seddiki, contacté hier au lendemain de la tenue d'une AG de la commission à Alger. Autres problèmes soulevés : la question de l'inscription en bloc des militaires sur le fichier électoral en dehors des délais légaux, le manque de moyens logistiques et quelques entraves bureaucratiques que rencontrent les candidats. “Si nous ne disposons pas de moyens, comment voulez-vous qu'on contrôle les élections ?”, s'interroge-t-il. Face à ces réclamations, maintes fois renouvelées, à l'origine d'un gel par deux fois, des activités de la commission, le ministre de l'Intérieur oppose une fin de non-recevoir. Mohamed Seddiki a fait état d'une réponse écrite du département d'Ould Kablia à la commission. “On a reçu jeudi une réponse écrite. Le ministre voit les choses sous un angle, et nous d'un autre (…), ils font comme ils veulent. Mais le problème, ce n'est pas la commission, c'est la question de donner des garanties aux citoyens et leur rendre confiance, seule à même de susciter l'engouement au scrutin”, dit-il. “Ils se réfèrent à la loi, nous aussi on se réfère à la loi, mais ils doivent nous consulter”, soutient-il. En tous cas : il n'y a aucune avancée visiblement. “Les choses sont toujours en suspens”, dit-il. Maintenant que les deux parties se regardent en chien de faïence, la commission est-elle prête à s'autodissoudre comme l'a préconisé l'ex-ministre et président du Front pour le changement (FC), Abdelmadjid Menasra ? “Nous ne souhaitons que du bien, mais il risque d'y avoir des surprises. La liberté s'arrache, elle ne se donne pas”, soutient M. Seddiki. Une réunion est prévue dimanche au cours de laquelle la commission devrait arrêter les actions à entreprendre face à l'intransigeance du ministère de l'Intérieur. Et le gel est reconduit de facto. Selon quelques indiscrétions, une lettre signée par les partis politiques sera rendue publique avant la tenue d'une conférence de presse. Signe du rififi autour des élections, le FFS, membre de la commission, a dénoncé, hier, “les convocations pour interrogatoire dans les locaux des services de sécurité, des candidats portés sur les listes aux prochaines élections législatives”. Le FFS qui y voit “une entreprise de pression voire d'intimidation”, ne dissimule pas ses craintes sur la régularité du scrutin. “Il est à craindre que ces procédés n'entraînent une détérioration du climat, déjà lourd, dans lequel se prépare le prochain scrutin”. K K