Comme annoncé jeudi par Liberté, Mohamed Merah n'a pas été enterré en Algérie. Le souhait de ses parents, soucieux d'éviter que sa tombe soit profanée, n'a pas été exaucé. En réalité, en dehors des conjectures médiatiques, cette hypothèse n'a jamais eu le moindre crédit officiel. Le jeune Toulousain, jihadiste autoproclamé, n'a jamais disposé de papiers algériens. Non immatriculé au consulat, il n'avait pas de carte d'identité et de passeport algériens malgré les affirmations de son père, peut-être rongé par la mauvaise conscience. Depuis son identification jusqu'à sa mort, c'est son “origine algérienne” qui a été retenue, comme pour dire que la France n'était pas concernée par la dérive sanglante du délinquant, socialement désintégré. C'est pourtant dans ce pays qu'il est né et qu'il a grandi. C'est dans l'école de la République qu'il a été éduqué et dans ses prisons qu'il s'est radicalisé si tant est l'hypothèse trouve son crédit. Car la mort de Mohamed Merah, criblé de balles après un siège de 33 heures pour le “prendre vivant” laisse en suspens de nombreuses questions que l'opposition politique et les experts en renseignements n'hésitent pas à soulever. “Mohamed Merah est né ici, il a vécu ici, il est mort ici. Qu'on l'enterre et qu'on n'en parle plus. Qu'on arrête cette polémique”, s'est indigné le représentant de la Grande-mosquée de Paris, Abdallah Zekri, lorsque le maire de Toulouse a tenté d'empêcher l'inhumation dans sa ville estimant qu'elle n'était “pas opportune”. M. Zekri, en qui la famille a placé sa confiance pour une issue à la crise, a dénoncé une attitude du maire “franchement mal placée”. Il menace d'aller devant le tribunal administratif. Une heure après, le président Nicolas Sarkozy qui a remis la sécurité dans la campagne électorale demande en marge d'un déplacement en Hérault qu'on ne “fasse pas de polémique” avec les obsèques. “Il était Français, qu'il soit enterré et qu'on ne fasse pas de polémique avec ça.” Dans la foulée, le maire reçoit un rappel à la loi du ministère de l'Intérieur. Avec regret, le maire délivre le permis d'inhumer. “Ni la famille ni l'Etat, que j'ai interrogé, ne m'a donné de solution, et l'Etat m'a rappelé la loi. Après avoir pensé prendre un peu de temps pour essayer de trouver une solution (...) j'ai donné le permis d'inhumer pour que cela se fasse ce soir”, annonce-t-il dans une brève déclaration à la presse. 18h30 : le convoi mortuaire arrive au cimetière de Cornebarrieu, fermé au public depuis 17h45. Une quinzaine de jeunes hommes assistent aux obsèques, se dissimulant le visage derrière un T-shirt ou une cagoule pour échapper au regard des journalistes et des quelques badauds, tenus à l'écart. La cérémonie est encadrée par un grand nombre de gendarmes. Un hélicoptère survole les lieux. Le cercueil de Mohamed Merah, en bois clair, est mis en terre. Puis les amis du jeune homme, originaires de son quartier – aucun membre de la famille n'est présent – recouvrent de terre le cercueil à l'aide de pelles et de pioches. Ils quittent le carré musulman laissant derrière eux un petit monticule de terre entouré de pierres : la tombe, discrète, du “tueur au scooter”. Certains crient “Allah akbar !” à plusieurs reprises. “Il est mort, il est enterré, il faut le laisser reposer en paix”, demande Abdallah Zekri. Le monticule de terre a certainement recouvert des secrets que l'enquête judiciaire n'élucidera jamais. L'opposition demande une commission d'enquête, s'interrogeant sur la présence du ministre de l'Intérieur Claude Guéant qui a délocalisé ses services à Toulouse pendant toute la durée de l'opération du Raid, distillant à la presse les seules informations qu'il a bien voulu livrer. Et si Merah était un indice des services français ? La question est posée publiquement, suscitée par des déclarations officielles qui manquent de cohérence. Une commission d'enquête est aussi réclamée par des experts comme François Heisbourd de la Fondation pour la recherche stratégique. Depuis cette affaire, le candidat Nicolas Sarkozy a retrouvé les couleurs dans les sondages. Sous l'inspiration de son conseiller spécial Patrick Buisson, ancien du Front national, il a replacé l'islam et la sécurité au coeur de sa campagne. Il a téléphoné à son ami milliardaire l'émir du Qatar pour lui dire que son protégé Youssef Qaradaoui était “indésirable” en France alors que le cheikh médiatique y a multiplié des séjours. Au même titre que lui, cinq autres prédicateurs accusés de prêcher “la haine et la violence” sont interdits du territoire français où ils étaient attendus pour la rencontre annuelle de l'Union des organisations islamiques de France. L'un d'entre eux, Mahmoud Al-Masri y a prêché librement en décembre. M. Sarkozy n'était pas encore en campagne. La présidente du FN ? Marine Le Pen a demandé la dissolution de l'UOIF très courtisé par Sarkozy il y a quelques temps. Il s'était même rendu à sa réunion annuelle du Bourget en 2003. Confirmant ce tour de vis contre les radicaux, la police a arrêté hier une vingtaine d'islamistes présumés. Le chef de l'Etat français a estimé que la France était traumatisée par le drame de Toulouse (sud-ouest), “un peu” comme les Etats-Unis après le 11 Septembre. Le coup de filet “n'est pas lié simplement à Toulouse, c'est sur tout le territoire, c'est en lien avec une forme d'islamisme radical et c'est en plein accord avec la justice”, a déclaré Nicolas Sarkozy. Dix-neuf personnes, dont trois femmes, ont été interpellées. Selon une source judiciaire, dix-sept personnes ont été placées en garde à vue. “Il y aura d'ailleurs d'autres opérations qui continueront et qui nous permettront également d'expulser du territoire national un certain nombre de gens qui n'ont, au fond, rien à y faire”, a ajouté le président. Des armes ont été saisies, notamment cinq fusils, des armes de poing, des tasers. Parmi les personnes interpellées, figure le leader d'un groupe radical dissous Forsane Alizza, Mohammed Achamlane. Plusieurs armes ont été saisies lors de son interpellation dans l'agglomération de Nantes (ouest), selon une source policière qui a énuméré “trois kalachnikovs, un pistolet Glock et une grenade”. Le groupuscule Forsane Alizza avait été dissous en janvier par le ministre de l'Intérieur, qui l'avait accusé de vouloir former ses sympathisants à la lutte armée. Mohammed Achamlane avait démenti toute dimension violente de son mouvement. Après la mort de Merah, le 22 mars, le président français avait demandé à la police de procéder à l'“évaluation” de la dangerosité des personnes connues pour entretenir des sympathies avec l'islam radical. Il avait également demandé de prendre des mesures pour sanctionner pénalement les personnes consultant les sites extrémistes et les personnes se rendant dans des pays refuges du jihadisme international comme l'Afghanistan et le Pakistan. YS.