Tout l'espoir de la commune d'Ich'moul (le cône du cœur) d'une population 10 308 habitants, repose sur cette mine de barytine, dont “l'exploitation reprendra prochainement et offrira 300 postes d'emploi”, selon le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, lors de sa dernière visite dans la région. Après un long lacet parcouru, la ville d'Ich'moul, (en chaoui : le cône du cœur) apparaît au pied de la montagne dont elle porte le nom. Guerfi Ahmed, ex-directeur de l'éducation et fils de la région, qui semble connaître l'histoire de la daïra d'Ich'moul nous a appris qu'après l'indépendance, le défunt El-Hachemi Aouragh (ex-P/APC), avait de son vivant baptisé le village Ich'moul au nom de la montagne, au pied de laquelle est implanté le chef-lieu et dont la forme est un cœur (Ich, qui veut dire sommet et moul, cœur). Cette forme du cœur est observée du côté est du village de Tafrent et de la mosquée de Taj'ra. Cette toponymie d'Ich'moul a été choisie à “Médina”, parce que, selon une étude effectuée par le défunt, Médina (à ne pas confondre avec Madina Mounouara) renvoie au nom d'un colonel français envoyé en 1845, pour mater la rébellion et qui a été tué et enterré, avant d'être transféré en France, en un premier temps au lieu qui porte le nom de “En'za Médina”. Des plaques au centre-ville portent encore le nom de Médina. Surplombée par l'une des meilleures cédraies de la région, la ville campe dans un paysage idyllique et sublime. Vite, ce site paradisiaque s'efface pour laisser apparaître la plaie de la ville d'Ich'moul. Elle n'a rien d'une ville prospère, c'est une cité terne et démunie à laquelle la nature n'a octroyé aucun de ses dons hormis ce silence qui la couve. La ville Ich'moul essaie de cacher par pudeur le chômage endémique, qui frappe sans distinction ces centaines de jeunes chômeurs déambulant les rues et remplissant ses cafés. La ville (fief de la révolution), si elle a réussi à chasser l'occupant et changer son nom, de “En'za Médina” par celui d'Ich'moul, semble avoir échoué à échapper au chômage. Le P/APC de la commune, interrogé sur le taux de chômage nous dira : “Je n'ai pas les chiffres exacts... C'est une zone montagnarde ! Qu'est-ce que vous attendez ? Le chômage fait un ravage parmi les jeunes...” En effet, les conditions de vie y sont difficiles et surtout les dechras. L'économie subsiste difficilement de l'arboriculture et de l'activité tertiaire réduite essentiellement à l'alimentation générale et à quelques magasins de fruits et de légumes. “Les terres fertiles sont très limitées et très parcellarisées et elles ne s'y prêtent pas à l'élevage”, me font comprendre mes deux compagnons, enfants de la région. Mêmes les deux créneaux porteurs de projets, le tourisme et l'industrie, sont complètement inertes et incapables d'insuffler la vie dans la région. Aujourd'hui, le seul moyen qui pourrait contribuer au développement de la région est le site minier d'Ich'moul. Le paysage est féerique. La voiture prend le chemin de wilaya reliant Ich'moul-Arris, la direction du site objet de notre visite : la mine de barytine d'Ich'moul où nous nous sommes rendus. Nous empruntons une piste qui monte jusqu'à l'exploitation du plomb autrefois. C'est tout un ensemble comprenant la mine et ses installations connexes, qui se présentent au flanc nord de Djebel Ich'moul, très accidenté, qui surplombe la vallée. À l'intérieur, derrière ces pans de mur qui se tiennent encore debout, de grands squelettes de machines détruites dont beaucoup de pièces ont disparu. Un grand concasseur à mâchoire, une grande génératrice électrique et d'autres machines d'exploitation minière, hors usage, spoliées par l'homme et rouillés au contact de l'air humide raconte leur histoire à qui veut les écouter. De géantes charpentes métalliques, sous les rafales des vents des Aurès, n'ont fait que se courber ou se coucher carrément par terre. Tout ce gigantisme (en ruine) renseigne sur la grande taille de l'usine de plomb d'autrefois d'Ich'moul. Notre accompagnateur Guerfi Ahmed (dit Omar) dont le père tenait un commerce multiple à quelques encablures du site minier, fait appel à ses souvenirs et raconte : “Autrefois, le site faisait travailler plus de 400 mineurs venant de toutes les régions...” Et d'ajouter : “Mon père tenait même une petite supérette, en bas de la route où les mineurs venaient s'approvisionner.” Le directeur de l'énergie et des mines de la wilaya de Batna, Chaouch Mohamed, lors de notre visite dans son bureau, nous a appris qu'en 1987, ce gisement avait été mis en adjudication (aux enchères), mais il semble qu'il n'a pas trouvé acquéreur. “Le site minier est localisé au versant nord du Djebel Ich'moul, à 12 kilomètres au nord du chef-lieu d'Arris. La structure est considérée favorable. Cinq corps de minerai ont été évalués à 20 à 30 mètres de large et de 200 à 630 mètres de longueur et d'une épaisseur de 2,5 à 4 mètres”, dira-t-il. Avant de continuer : “Des travaux avaient été effectués en 1971 et avaient conclu l'existence d'un corps barytine dont le taux était entre 30% à 50% et qu'une instruction très favorable avait été prise par le ministre lors de sa dernière visite à Ich'moul qui l'avait guidé sur le site minier pour redémarrer l'exploitation de la mine.” Le gisement est confié à l'Entreprise des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof) de Khenchela, mais la mise en exploitation n'est pas pour demain. B. B