La paix des braves, entre le Soudan et le Soudan du Sud, risque d'être de courte durée. La raison en est que depuis la proclamation officielle de l'indépendance du Soudan du Sud, le 9 juillet 2011, les violences ont repris à la frontière non encore délimitée entre les deux Etats, même si elles ont lieu d'une manière sporadique et limitée dans le temps. Les initiatives de l'Union africaine, sous l'égide des Nations unies, d'amener les deux parties à négocier sans l'usage des armes se sont toutes soldées par un échec. Et ce ne sera pas la réunion de cette semaine qui réussira à faire cesser les bombardements de l'armée de Khartoum sur la zone pétrolifère de Heglig que les deux Etats réclament, en l'inexistence d'un tracé frontalier définitif. La réunion d'Addis-Abeba, en Ethiopie, au niveau du siège de l'UA se déroule parallèlement à de violent combats dans Talodi, la troisième ville du Kordofan du Sud, située à 50 km de la frontière avec le Soudan du Sud. Les deux Soudans s'accusent mutuellement d'avoir provoqué ces violences qui ont fait des dizaines de morts et contraint, une nouvelle fois, les populations civiles à fuir leurs hameaux et trouver refuge dans les camps pour déplacés, installés par les organisations humanitaires onusiennes. Il n'existe pas de bilan officiel sur le nombre de morts, ni de chiffres sur le nombre de déplacés. Mais la poursuite de ces violences pourrait être le début d'une nouvelle guerre entre Khartoum et Juba qui se sont affrontés durant deux décennies avant de signer le premier accord de paix à Doha en 2005. En deux décennies de guerre fratricide, plus de deux millions de personnes ont péri et des centaines de milliers de civils ont été déplacés. Avant même la fin de cette guerre qui a opposé Khartoum aux anciens rebelles du Mouvement pour la libération du Soudan du sud (MPLS), le régime d'Omar El-Béchir a dû faire face à une nouvelle rébellion dans le nord-ouest du Soudan, en l'occurrence le Darfour. La guerre du Darfour a fragilisé davantage le régime de Khartoum qui était contraint, en 2005, de signer l'accord de paix global de Doha avec le MPLS qui a été le prélude à l'éclatement du Soudan en deux Etats différents. La question du Darfour n'a pas encore été réglée et cette région pourrait aller vers son indépendance si Khartoum ne trouve pas de solution à même de ramener la paix et le développement socio-économique dans cette zone. C'est pour ces mêmes raisons socio-économiques que le Soudan du Sud a demandé son indépendance qu'il a obtenue après 20 ans de guerre avec le nord. La mise en œuvre des clauses de l'accord de Doha butte actuellement sur plusieurs difficultés. L'enjeu pétrolier est tellement énorme que ni Khartoum ni Juba ne sont prêts à céder. A noter que 80 % de la richesse pétrolière se trouve sur le territoire sud-soudanais mais le Soudan n'a aucunement l'intention de lâcher sa part, comme cela est stipulé dans l'accord de paix de 2005. Toutefois, le grand contentieux dont le règlement ne sera sûrement pas pour demain, c'est l'Etat du Kordofan du Sud où se trouve l'enclave d'Abyeï qui bénéficie d'un statut spécial. Cette enclave, riche en pétrole, attend toujours le feu vert de Khartoum pour tenir son propre référendum d'autodétermination pour décider de son avenir. Le régime d'Omar El-Béchir a reporté le scrutin qui devait avoir lieu le même jour que celui du 11 janvier 2011 dans le Soudan du Sud, pensant qu'il pourrait inverser la tendance et ramener ainsi Abyeï dans son giron. Mes les calculs de Khartoum semblent être complètement faussés par l'apparition d'une nouvelle rébellion dans l'Etat du Kordofan du Sud dont une partie de la population réclame son rattachement au Soudan du Sud. Des rebelles de la branche nordique de l'ancien MPLS ont repris les armes récemment pour réclamer l'indépendance du Kordofan du sud et son rattachement à Juba. De violents combats entre ces rebelles et l'armée soudanaise ont donc enflammé tout l'Etat, notamment dans les zones frontalières avec le Soudan du sud où Juba a mobilisé ses troupes pour faire face à tout éventuel pourrissement de la situation. La population du Kordofan du Sud se retrouve ainsi coincée entre deux armées et des rebelles qui auraient, selon Khartoum, scellé leur alliance avec le Mouvement pour la Justice et l'Egalité (JEM) du Darfour. Hier, à Addis-Abeba, les représentants du Soudan du Sud ont ouvertement accusé Khartoum de poursuivre ses bombardements contre le Kordofan du Sud et Heglig alors que l'Union africaine tente de trouver un moyen de faire cesser les violences. Khartoum n'entend pas, en fait, arrêter son offensive sur la région, car il s'agit de l'avenir économique de tout le Soudan qu'elle tente de garantir. Le Soudan du sud ne compte pas non plus se laisser faire et a affirmé indirectement qu'il serait prêt à reprendre les armes si la nécessité s'en faisait sentir. Le Kordofan du Sud risque d'être le nouveau terrain d'une nouvelle guerre qui, au final, mettrait en danger des civils innocents, comme cela est le cas depuis 2000 au Darfour. L. M.