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CANAL+ EXHUME L'AFFAIRE THEVENOT
Publié dans Liberté le 03 - 12 - 2003


Affaire du rapt des agents du consulat français
Canal+ relance le “qui tue qui ?”
L'émission “Lundi Investigation” a produit, lundi, les témoignages des époux Thévenot et d'Alain Fressier, kidnappés puis relâchés à l'automne 1993. Ceux-ci confirment la thèse d'un “montage” réalisé par les services secrets français et algériens.
Après le livre, sans trop de succès, de Samraoui, c'est au tour de la chaîne télévision française Canal+ de remettre sur le tapis la question du “qui tue qui ?”. Dans l'émission Lundi Investigation, diffusée avant-hier soir, la chaîne française est revenue sur l'épisode rocambolesque de l'enlèvement des trois agents du consulat de France en Algérie, le couple Thévenot et Alain Fressier, enlevés par un groupe armé le 24 octobre 1993 avant d'être libérés une semaine plus tard. La thèse d'une opération montée par les groupes islamistes, évoquée officiellement à l'époque et relayée par les chaînes de télévision étrangères, est battue en brèche et la piste d'une action concertée entre les services des deux pays est relancée de plus belle. Pour les besoins de l'émission, la chaîne a interrogé les otages, résidant depuis leur libération aux îles Fidji sur instruction, selon les animateurs de l'émission, des autorités françaises pour ne pas avoir à s'exprimer avec la presse. Selon le témoignage d'Alain Fressier, l'un des détails les plus troublants de cette affaire est que les auteurs du rapt “étaient bien habillés” et que la route parcourue pour les emmener à leur lieu de détention “était déserte ce jour-là alors que d'habitude elle grouillait de monde”.
Ce qui laisserait suggérer qu'elle a été “sécurisée”, selon lui. Il affirme également que leur libération, contrairement à la version officielle de l'époque, selon laquelle un assaut a été donné par l'armée, une version reprise d'aileurs par les télévisions, a été très déconcertante. “Je n'ai jamais vu d'assaut. Rien. C'est une affaire d'Etat, une affaire diplomatique”, témoigne-t-il. Pour étayer la thèse d'une opération des services algériens sous la supervision des services français, on a même relevé le refus des otages de s'exprimer sur les télévisons, aussi bien lors de la conférence de presse animée à Alger que lors de leur arrivée sur le sol français où les attendait Alain Juppé. “On leur a dit de ne pas parler”, soutient Fressier. Mme Thévenot s'étonne que lors de sa détention, elle n'ait pas été maltraitée ou violée (sic !). Cependant, l'un des détails qualifié de saillant est la déclaration d'Alain Juppé qui affirmait trois jours après l'enlèvement : “La France va poursuivre sans complaisance les islamistes.” Il réaffirmait aussi son soutien “au régime d'Alger”. À Alger, rappelle le commentateur, les officiels déclaraient que “les otages [seraient] libérés”. Quelques jours plus tard, ajoute le commentateur, une opération appelée “Chrysanthème” est déclenchée à Paris dans les milieux “des opposants au régime algérien”. Selon lui, les services français auraient même “fabriqué des dossiers pour tromper la justice”. S'appuyant sur des “révélations” d'un livre publié par Roger Faligot sur la DST, selon lesquelles Jean-Charles Marchiani, qui a séjourné à Alger pendant l'enlèvement, bras droit du ministre de l'Intérieur français de l'époque, Charles Pasqua, a concocté avec ses pairs d'Alger “l'opération”, l'émission a même recueilli les témoignages de Abdelkader Tigha, ex-lieutenant de la sécurité militaire ainsi que celui de H. Ouguenoune, également ancien officier de la sécurité militaire. Les deux témoignages plaident pour un “vrai faux enlèvement” monté par des services algériens.
L'autre témoignage est celui d'un agent de sécurité de l'ambassade qui travaillait pour le compte des services de renseignements français et qui, selon ses dires, “connaissait le lieu de détention des otages” et qu'il “s'agit d'une grossière manipulation”. Jean-Charles Marchiani, sollicité par l'émission, s'est refusé, selon le commentateur, de témoigner, se contentant seulement de confirmer qu'il avait “donné son accord pour l'opération”.
KARIM KEBIR
Retour en 1993
L'affaire qui avait semé le trouble
Exhumée à la faveur d'une émission avant-hier à la chaîne Canal+, l'affaire appelée à l'époque “affaire Thévenot”, du nom du couple d'agents du consulat général de France à Alger, enlevés en compagnie d'un autre agent et d'un chauffeur par un commando terroriste avant d'être libérés quelques jours plus tard, constitue sans nul doute l'un des épisodes les plus noirs de la décennie écoulée. Pour la première fois, en effet, depuis l'apparition du terrorisme, quelques mois plus tôt, cet enlèvement avait donné lieu à toutes sortes de supputations sur l'identité des ravisseurs.
Si du côté algérien, il ne faisait aucun doute que l'enlèvement était l'œuvre de groupes islamiques armés, d'autant plus qu'il avait été revendiqué, tel n'était pas l'avis des Français, notamment au sein de certains cercles politico médiatiques, qui n'avaient pas hésité à désigner alors, du doigt, les services de renseignements algériens. Ces milieux accusaient Alger d'avoir orchestré ce “vrai faux enlèvement” pour avoir le soutien de la France socialiste qui s'était montrée jusque-là complaisante envers les activistes islamistes.
D'autres cercles, non moins mal intentionnés, avançaient une autre lecture politique qui s'appuyait sur le contexte d'alors en Hexagone, marqué par la précampagne pour les législatives : une action concertée entre les services des deux pays pour, d'une part, par effet de peur, faire basculer l'opinion française à droite et, d'autre part, une éventuelle victoire de celle-ci apporterait un soutien franc à Alger dans sa lutte contre le terrorisme. Bref, l'enlèvement avait fait l'effet d'une bombe et avait eu un retentissement international. Les premiers germes du “qui tue qui ?” étaient semés. Retour sur une affaire qui avait jeté le trouble.
Le 24 octobre 1993, à 7h30 mn, trois Français, tous employés au consulat général de leur pays à Alger, sont enlevés par un commando terroriste de 5 personnes devant leur domicile sis au 61, boulevard Krim-Belkacem. Il s'agit de Jean-Claude et Michèle Thévenot, d'Alain Fressier et de Nordine Merichta. À se fier à l'une des versions de l'époque, le groupe, auteur du rapt dirigé par un certain Sid Ahmed Mourad alias Djaâfar El-Afghani, réclamait la libération de Laâyada alias Abou Adlane, extradé par les autorités marocaines quelques mois auparavant. Selon les comptes rendus de presse d'alors, c'est à la suite de la neutralisation du nommé Bouslimani Mouloud que l'enquête devait aboutir. Avant de mourir, il devait donner l'adresse où se trouvaient les deux Français à Ouled Slama. Informés de la mort d'un des leurs, les terroristes se déplacent au lieudit le Château-Rouge aux Eucalyptus. Jean-Claude Thévenot et Alain Fressier arrivent à tromper la vigilance de leurs gardiens avant de se rendre aux autorités.
Une semaine plus tard, le 31 octobre, Michèle Thévenot est relâchée par ses ravisseurs après qu'ils lui eurent remis un message, intimant l'ordre aux étrangers de quitter le pays sous peine d'être assassinés. Sur le fichier de photos que leur a présenté la police, les trois otages libérés reconnaissent Guezmir, Djabri Mohamed et Bouslimani Mohamed comme étant parmi les ravisseurs. En revanche, ils hésitent devant les portraits de Aouissi Kamel, Mellouli Mustapha et Chettala Djamel. Les trois diplomates expliquent également qu'ils ont été filmés en vidéo. Dans leur enquête, les policiers arrivent à abattre tous les terroristes identifiés par les victimes et mettent la main sur un certain Aït Bellouk Mohamed, de nationalité marocaine, présenté dans l'arrêt du renvoi comme étant le principal cerveau de l'enlèvement avec son bras droit Aouissi Mohamed. Une année plus tard, le procès des auteurs du rapt s'ouvre à la cour spéciale d'Alger. Après un premier report, puis un deuxième en raison d'une bataille de procédure, les avocats de la défense accusaient les autorités d'avoir torturé les principaux accusés lors de leur transfert de la prison d'El-Harrach à Serkadji en transitant par le commissariat central, ce que rejeta le juge ; outre l'absence de la partie civile, le procès se tient finalement le 23 janvier 1995 en l'absence des témoins et des victimes. Le verdict est sans appel : peine capitale contre Aït Bellouk et les accusés en fuite alors que les autres ont écopé des peines allant de cinq années de prison à la perpétuité.
Certains terroristes impliqués dans le rapt, comme Djafar El Afghani, avaient été abattus quelques mois auparavant. Intervenant sur la chaîne France 2 pendant l'enlèvement, l'ex-ambassadeur de France en Algérie, M. Audibert, avait indiqué au sujet d'un éventuel contact que pourrait avoir le gouvernement algérien avec les groupes islamistes, qu'“il y aurait certains contacts officieux”. Si la libération des otages avait été saluée par la France officielle en rendant un hommage aux autorités algériennes, à Alger, le gouvernement n'a pas manqué de dénoncer les manipulations médiatiques de certains milieux en France. Aujourd'hui encore, les mêmes milieux tentent de relancer la polémique.
K. K.
Rédha Malek, chef du gouvernement, en 1993
“Ce sont les islamistes qui les ont enlevés”
Contrairement aux témoignages apportés dans l'émission Lundi Investigation de Canal+, selon lesquels le rapt des agents du consulat français a été organisé pour acculer la France à aider l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme, Rédha Malek, chef de gouvernement à l'époque de l'enlèvement, est formel : l'Algérie n'avait pas besoin de manœuvrer. Contacté, l'ex-Premier ministre affirme : “Je ne vois pas dans quel but cette émission a été faite. Selon eux, l'opération était destinée à amener la France à aider l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme. J'étais à l'époque chef du gouvernement et je ne voyais pas la nécessité parce qu'on considérait que le terrorisme est un phénomène qui pouvait s'attaquer à n'importe quel pays. Nous n'avions pas besoin de manœuvrer, c'est absurde.” Selon lui, les officiels algériens n'ont jamais parlé d'assaut et les terroristes n'ont consenti à la libération des otages que sous la pression des forces de sécurité. “À ma connaissance, on n'a jamais parlé d'assaut. Il y a eu encerclement de la villa et les terroristes ont fini par comprendre qu'il fallait libérer les otages”. L'ex-chef du gouvernement soutient que ce sont, bel et bien, les islamistes qui les ont enlevés et que l'émission participe de la désinformation et qu'aucune preuve n'est apportée susceptible de corroborer leur thèse. Les témoins, selon lui, n'ont apporté le moindre indice : “Ce n'est pas sérieux. Les faits qu'ils avancent ne sont pas prouvés. On ne va quand même pas mobiliser l'armée pour faire de la comédie. On avait donné l'ordre à l'époque pour libérer les otages, et les forces de l'ANP auxquelles je rends hommage, ont fait tous les efforts pour les libérer. D'ailleurs, le gouvernement français nous a facilité la tâche”. Il rappelle que les autorités algériennes avaient déjà affronté la désinformation lors de cet enlèvement. “Je me rappelle, raconte t-il, quand les otages étaient accueillis par Alain Juppé, une journaliste de la télévision, Catherine Gentile, avait parlé de manipulation. Le lendemain, je l'avais dénoncée publiquement en affirmant que c'était de la provocation”. “Dix ans après, on remet ça. Ce n'est pas digne, ils jouent avec des vies humaines. Ils cherchent du sensationnel”, estime-t-il. Comme pour rejeter les allégations de l'émission, Rédha Malek rappelle qu'il avait demandé à l'époque à M. Tolba, responsable de la DGSN, de recevoir la chaîne TF1 et de faire une déclaration que les autorités s'occupaient de la libération des otages. “Ils les ont relâchés à proximité de l'archevêché en leur donnant un message dans lequel ils menaçaient les étrangers”, rappelle-t-il par ailleurs. “Il ne faut pas donner de l'importance à cette émission”, affirme Rédha Malek en guise de conclusion.
K. K.


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