L'affaire des fonctionnaires de l'ambassade de France, puis celle des sept moines trappistes de Tibhirine sont de nouveau exhumées. Coup sur coup, les services de sécurité algériens viennent de se confronter à nouveau, aux attaques d'anciens officiers du renseignement, de journalistes, reporters français, d'avocats constitués pour saisir la justice et c'est en fait, un peu trop et un peu calculé dans un laps de temps aussi court, et dans un contexte politique algérien fragilisé par des luttes de clans et les guerres d'usure par médias interposés. Les documents filmés et diffusés par Canal+ et Arte récemment ont été puisés et collationnés en Algérie même, de même que les paroles indécises, flottantes et donc non convaincantes de certains politiques algériens. L'affaire des fonctionnaires de l'ambassade de France, puis celle des sept moines trappistes de Tibhirine sont de nouveau exhumées comme autant d'événements graves qui portent le sceau d'intrigues politiques et militaires suspectes dont les services de renseignements algériens sont accusés de porter la lourde responsabilité. En termes clairs, l'affaire dite «Thévenot», concernant l'enlèvement des époux Thévenot et d'Alain Freissier, kidnappés puis relâchés par le GIA en octobre 1993, et l'affaire du martyre des moines trappistes sont présentées comme étant une manipulation des services spéciaux algériens destinée à faire pression sur Paris et la contraindre à s'impliquer «positivement» dans la guerre menée par les autorités contre les groupes armés. Selon cette thèse, Zitouni est un agent double qui, à la tête du GIA, collaborait avec les services de sécurité via le Cpmi de Blida. Présentées selon les techniques de désinformation habituelles de la DGSE, avec les mots qu'il faut, l'image qui fait tilt et la structuration de l'ensemble, ces accusations peuvent porter et constituer un ensemble cohérent, encore faut-il être profane en matière de terrorisme en Algérie. Car, il faut le souligner, sans pour autant être d'un parti pris quelconque, l'argumentation ainsi présentée ne résiste pas à la réalité du terrain. Concernant l'enlèvement des trois fonctionnaires français, le 24 octobre 1993, tout le monde sait que l'émir du GIA de l'époque, Si Ahmed Mourad dit « Djaâfer Seif Allah », des groupes armés, le «Djaâfer El Afghani» des médias, était un Algérois, un urbain, rompu à la guérilla et grand fan des coups médiatiques. Cet ancien soldat de la Garde républicaine devenu cofondateur du GIA a bel et bien décidé de kidnapper des ressortissants français pour contraindre les autorités françaises à négocier avec Alger et obtenir la libération de Abdelhak Layada. Les hommes de Djaâfer étaient Aouissi Kamel, Chettala Djamel, Mellouli Mustapha, Guemzir, Djebri Mohamed et Bouslimani Mohamed. En fait des jeunes connus dans la mouvance islamiste armée, notamment Chettala, un ancien fidèle de Mohamed Kheir, Mohamed Allel et Sellamna Noureddine, avant de «travailler» à partir de janvier 1992 sous les ordres du duo Allel-Layada. Lorsque Djaâfer lui parle, en septembre 1992, d'obtenir la libération de Layada, celui-ci n'hésite pas à se lancer corps et âme dans cette opération, d'autant plus qu'à l'époque, le GIA était très puissant à Alger et Blida. La libération des otages a fait suite à un «forcing» des services de sécurité algériens et la «poussée» des autres membres de la direction du GIA (certains sont encore en vie), et qui ont fermement demandé à Djaâfer El-Afghani de relâcher les Français parce qu'Alger commençait à devenir «invivable», du fait du maillage sécuritaire très hermétique constitué depuis la nuit du rapt. L'autre affaire, celle plus tragique des sept moines trappistes, c'est Djamel Zitouni qui est au centre de la polémique. Sur la photo surmédiatisée et que tout le monde connaît, on voit un Zitouni barbu, le visage grassouillet et l'oeil perçant. En fait, il s'agit d'une photo prise lors de son internement dans les camps du Sud. Le visage est enflé par les coups de poing qu'il a reçu ainsi qu'une échimose a l'oeil gauche. Lorsque Zitouni est interné au Sud, il était un illustre inconnu. Son père est vendeur de poulet à Birkhadem. Il ne doit sa petite incursion dans le monde religieux qu'à la persévérance de son ami d'enfance Chérif Gousmi (habitant lui aussi à Birkhadem), qui l'a initié à la théologie, puis à la politique version FIS. Gousmi était imam dans une mosquée de Birkhadem lorsqu'un mandat d'arrêt est lancé contre lui, en 1993. Concrètement, que peut bien faire le DRS à l'époque d'un jeune vendeur de poulet, profane en matière de théologie et qui, de surcroît ne peut aspirer à aucune responsabilité au sein du GIA? Ce n'est que lorsque Gousmi est choisi par Sid Ahmed Mourad comme officier exégète du GIA que Zitouni se rapproche, de façon tout à fait anodine, du premier cercle des dirigeants du GIA. Les sentiers de Dieu étant impénétrables, c'est bien dans ceux du domaine théologico-politique que nous avançons. Faisons-le au moins avec un maximum de circonspection. Lancées à la veille de l'élection présidentielle, dont les enjeux restent importants dans les hauts cercles de décision, ces accusations sont un bon prétexte pour sinon décrédibiliser le DRS algérien, du moins l'«occuper» pour...quatre mois.