Résumé : Tout le village sera convié à la grande fête donnée en l'honneur de Aïssa. On avait égorgé le dernier mouton afin de préparer un repas qui régalera les villageois. Mais une fois ces moments de liesse passés, on revient à la réalité… Qui va travailler les terres… ? Louisa repense alors à son rêve. Je repensais souvent au rêve prémonitoire que j'avais fait le jour où Aïssa avait repris ses esprits. Le vieillard à la longue barbe blanche, les lieux où je me suis retrouvée, le cheval qui m'avait prise sur son dos. Quelque chose en moi s'accrochait à ces visions irréelles. Je ne sais comment l'expliquer, mais je savais que nous allions bientôt connaître un autre moment de bonheur. Et ce fut le cas. Un jour, je revenais de la fontaine, lorsque je croisais un jeune homme de haute de taille. Il me dévisagea, puis me sourit avant de lancer : - Tu parais trop jeune Louisa… - Hein… tu me connais…. ? lançais-je les joues empourprées. Il se met à rire et je souris sans savoir pourquoi. - Ma mère m'a parlé de toi. Elle avait fait tes éloges et m'avait assuré que tes prémonitions étaient très justes. Je pensais alors que tu étais une de ces voyantes qu'on rencontre dans tous les villages. Elles ont toutes un air commun… des tatouages sur le visage, du henné sur les mains et dans les cheveux, et sont bien vieilles pour la plupart. Je dépose ma jarre et contemple un moment cet homme que je ne connaissais pas. Ce n'était pas un garçon du village… du moins je le pensais car je ne l'avais jamais rencontré. Il était jeune, beau, et surtout bien habillé. Chose devenue très rare chez-nous depuis la guerre. - Qui es-tu donc jeune homme ? demandais-je en tentant de garder un air serein. Mon cœur battait la chamade. Je devins, d'un coup, l'otage d'une vive émotion. Une émotion que je n'avais jamais connue jusque-là, alors que d'habitude je savais dominer mes sentiments. Il ébauche un sourire : - Je suis un étranger au village. Tu ne pourrais me connaître. Mais tu dois sûrement connaître ma famille : les Aït N… Je déglutis difficilement. Les Aït N... étaient nos voisins et de grands amis de la famille. Ce jeune homme ne pouvait être autre que le fils ainé de Da l'Hocine… Ce dernier avait émigré en France voilà plus de 20 ans. Ma mère me parlait souvent de cet homme qui avait réussi à édifier son avenir à partir de rien. Sa femme, Na Daouia, était même venue l'été dernier pour une voyance. - Ah ! réussis-je enfin à prononcer… Tu… tu es le fils de Na Daouia. - Parfaitement… Je vois que ma mère ne s'était pas méprise sur tes dons de voyance. - Mais… allais-je protester… Puis prenant conscience du ton plaisantin du jeune homme, je me rendis compte de ma bourde, et me mets à rire : - Vraiment… C'est la première fois de ma vie que je discute avec un homme sur le chemin de la fontaine à cette heure de la journée où quelqu'un risque de nous surprendre, et… - Ne rajoute rien. Je ne suis pas comme les autres moi… Je suis… je suis… disons que je suis plus civilisé. Je ris encore, et cette fois-ci sans complexe aucun. - Veux-tu une voyance… ? demandais-je sans réfléchir. - Je veux bien tester tes dons. - Alors je te fixe rendez-vous dans deux heures. Tu n'auras qu'à te faire accompagner par ta mère pour venir chez-moi. - C'est sûr… elle me l'a déjà proposé. - Ah ! Je ne le savais pas. Il se met à me contempler d'un air plus insistant, et je baisse les yeux : - Ce que, par contre, moi je ne savais pas, c'est que tu es très belle et très jeune. Ma mère ne pouvait être plus précise dans ses descriptions. - Quelles descriptions ? Il prend un air sérieux pour me répondre, mais hésite et se contente de lancer : - Oh ! laisse tomber ! Tu sauras tout au moment opportun. (Il balaya l'air de ses mains) Je viendrais tout à l'heure chez-toi… et… et tu m'attendras. N'est-ce pas Louisa ? Je baisse encore les yeux et la tête afin qu'il ne remarque ni la rougeur de mon visage ni mes mains qui tremblaient. Pour éviter toute autre gêne, je m'empare de ma jarre et la lance sur mon dos, avant de me remettre à escalader le sentier. -Tu ne réponds pas à ma question Louisa… Tu m'attendras, n'est-ce pas ? Ne pouvant répondre, je fais un signe de ma main avant de me sauver. Je sentais mes jambes si légères, et mon cœur si heureux que je cru que j'allais entrer au Paradis. (À suivre) Y. H.