Depuis plus de 37 ans, le Sahara occidental est occupé militairement par le Maroc. L'occupation a généré et génère toujours de graves violations des droits de l'homme, commises par l'état marocain contre le peuple sahraoui, dans les territoires occupés. Mais le Maroc a aussi contraint, depuis 1975, plus de 160 000 Sahraouis à vivre dans des campements de réfugiés, au sud-est de l'Algérie, dans des conditions précaires, en raison de la dureté du climat et de l'insuffisance de l'aide humanitaire internationale. La mission de l'ONU pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental, Minurso, a été déployée en 1991 sur le territoire sahraoui, suite à l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU du plan de règlement ONU-OUA, visant à mettre fin au dernier cas de colonisation en Afrique. Malheureusement, cette mission n'a jamais été mandatée pour surveiller et protéger les droits de l'homme au Sahara occidental : elle reste donc la seule mission de paix onusienne au monde sans une composante “droits de l'homme”. Toutes les organisations internationales de défense des droits de l'homme, sans exception, ont dénoncé les violations flagrantes commises par l'état marocain à l'encontre des Sahraouis. Même le Conseil consultatif marocain des droits de l'homme a reconnu, dans un rapport établi en 2010, la responsabilité de l'armée et des autres corps de sécurité marocains dans des crimes contre l'humanité et crimes de guerre, y compris la mort de 115 civils sahraouis dans les bases militaires, sous la torture ou à cause des conditions barbares d'emprisonnement dans des camps de détention secrets. La pratique de la torture et autres traitements inhumains et dégradants, les arrestations et détentions arbitraires, les disparitions forcées, l'utilisation du viol comme un moyen d'intimidation sont des pratiques adoptées par les autorités marocaines contre les Sahraouis, adultes et enfants. En outre, les Sahraouis sont privés de leurs droits civils, politiques, économiques et sociaux. Pour preuve, en octobre 2010, l'organisation par plus de 20 000 Sahraouis d'un camp de protestation à Gdeim Izik, composé de quelque 8000 tentes, a été démantelé brutalement par l'armée marocaine, qui a arrêté, blessé et détenu des centaines de citoyens qui réclamaient seulement le respect de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Dans son rapport sur le Maroc, le Comité des Nations unies contre la torture a indiqué au paragraphe 12 relatif aux “événements concernant le Sahara occidental” : “- Le Comité est préoccupé par les allégations reçues sur la situation au Sahara occidental, où seraient pratiqués des arrestations et des détentions arbitraires, des détentions au secret et dans des lieux secrets, des tortures, des mauvais traitements, des extorsions d'aveux sous la torture et un usage excessif de la force par les forces de sécurité et par les forces de l'ordre marocaines. - Le Comité rappelle encore une fois qu'en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aucune circonstance exceptionnelle quelle qu'elle soit ne saurait être invoquée pour justifier la torture sur le territoire soumis à la juridiction de l'Etat partie et que les mesures de maintien de l'ordre ainsi que les procédures d'enquête et d'investigation doivent être appliquées dans le plein respect du droit international relatif aux droits de l'homme, ainsi que des procédures judiciaires et des garanties fondamentales en vigueur dans l'Etat partie. L'Etat partie devrait prendre d'urgence des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements décrits précédemment. En outre, il devrait annoncer une politique de nature à produire des résultats mesurables par rapport à l'objectif d'éliminer tout acte de torture et tout mauvais traitement de la part des agents de l'Etat. L'Etat partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitement infligés à des prisonniers, à des détenus et sur tous les autres cas.” S'agissant du camp Gdeim Izik, il est souligné au paragraphe 13 : “- Le Comité est tout particulièrement préoccupé par les circonstances qui ont entouré l'évacuation du camp de Gdeim Izik en novembre 2010. Au cours de cette évacuation, plusieurs personnes ont été tuées, y compris des agents des forces de l'ordre, et des centaines d'autres arrêtées. Le Comité reconnaît que la grande majorité des personnes arrêtées ont été depuis remises en liberté dans l'attente de leur procès. Cependant, il reste sérieusement préoccupé par le fait que lesdits procès se dérouleront devant des tribunaux militaires, alors que les intéressés sont des civils. De plus, le Comité se déclare préoccupé par le fait qu'aucune enquête impartiale et efficace n'a été ouverte pour faire la lumière sur ces événements et établir les responsabilités éventuelles au sein des forces de l'ordre (art. 2, 11, 12, 15 et 16). - L'Etat partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur les violences et les décès survenus à l'occasion du démantèlement du camp de Gdeim Izik, et que les responsables soient traduits en justice. L'Etat partie devrait modifier sa législation afin de garantir à toutes les personnes civiles d'être jugées exclusivement par des juridictions civiles.” (CAT/C/MAR/CO/4) En 2006, après plus de 30 ans de silence, l'ONU avait fini par envoyer une mission du bureau du Haut Commissaire pour les droits de l'homme au Sahara occidental, pour enquêter sur la situation. La mission a été incapable de travailler librement dans les zones occupées, parce que le Maroc a tenté d'intimider les défenseurs des droits de l'homme et de nombreux militants, les empêchant de rencontrer les membres de cette mission. Finalement, cette mission, la seule de son genre depuis le début du conflit, a élaboré un rapport concluant que toutes les violations des droits de l'homme commises par le Maroc au Sahara occidental sont le résultat de la non-application du droit à l'autodétermination par le peuple sahraoui. Le rapport fut mis sous embargo, car il avait clairement dénoncé la responsabilité marocaine de ces violations flagrantes. Pour cette raison, et parce que le Sahara occidental est toujours un territoire non autonome, figurant dans la liste de décolonisation de l'ONU, l'organisation mondiale se doit d'assumer sa responsabilité juridique, dans la protection de tous les droits du peuple sahraoui contre les violations commises par le Maroc. Une des possibilités est de mandater la Minurso pour surveiller et protéger les droits de l'homme dans le territoire, en attendant la mise en œuvre des résolutions de l'ONU qui recommandent l'application des principes de la Charte des Nations unies, y compris le principe de l'autodétermination dans la dernière colonie en Afrique. La France, “pays des droits de l'homme et de la démocratie”, doit cesser de soutenir l'annexion colonialiste marocaine du Sahara occidental. Il faut plutôt soutenir les droits du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance et mettre fin à l'une des plus flagrantes violations du droit international de notre époque : l'occupation militaire illégale du Sahara occidental par le Maroc. M. L. (*) Secrétaire général de l'Union des journalistes et écrivains sahraouis