Ils sont venus de partout pour assister aux festivités commémoratives du cinquantenaire de la disparition du patriote, poète, écrivain et journaliste Jean El-Mouhouv Amrouche, qui se sont déroulées dernièrement à Ighil Ali, dans la tribu des Ath Abbas. Le village qui a vu naître cet intellectuel émérite, un certain 7 février 1906, grouillait de monde durant trois journées culturelles riches en couleur et en images, à l'occasion de cette commémoration hautement symbolique, marquée par l'inauguration de la stèle à l'effigie du patriote disparu à Paris le 16 avril 1962. Pari gagné pour les responsables de la dynamique association culturelle Taos et Jean El-Mouhouv Amrouche d'Ighil Ali qui, en dépit des embûches et toutes les entraves rencontrées lors des préparatifs de cette manifestation culturelle, ont réussi à relever le défi d'aller jusqu'au bout de leur projet. En effet, bien que l'initiative prise par cette association culturelle ait provoqué une véritable levée de boucliers au sein de la famille révolutionnaire, notamment l'ONM de Béjaïa, qui refuse tout bonnement le carré des martyrs à Jean El-Mouhouv Amrouche, pourtant connu et reconnu pour son combat identitaire et son engagement en faveur de l'indépendance de l'Algérie. Le témoignage le plus digne de foi reste celui de Rédha Malek, l'un des signataires des accords d'évian, qui a tenu à rendre un grand hommage à l'enfant prodige d'Ighil Ali, lors d'une conférence-débats qu'il a animée, en mars dernier, à Alger. “En sa qualité de journaliste de talent, Jean Amrouche fut chargé par Abane Ramdane de prendre attache avec l'administration coloniale en vue d'engager des pourparlers avec la délégation algérienne conduite par Krim Belkacem. Son patriotisme envers l'Algérie est mis en avant dans son ouvrage Témoignages chrétiens où il défendait clairement la cause de son peuple”, a-t-il soutenu. Fort significative, l'initiative de la population d'Ighil Ali est plus que louable. Elle vise surtout à honorer la mémoire d'un intellectuel hors pair et de réhabiliter son combat pour une Algérie libre et démocratique. Il faut préciser que la cérémonie d'inauguration de ce mémorial a eu lieu dans la matinée du 16 avril, date anniversaire de la mort de Jean Amrouche, en présence d'une foule nombreuse composée de cadres et militants issus de différents horizons politiques. Il y avait des responsables du RCD, du MAK, du FFS, des anciens animateurs du mouvement citoyen, des artistes, des hommes de lettres et de culture. Certains candidats aux prochaines élections législatives se sont invités à cet événement, sans pour autant parvenir à prendre la parole en public. Ils se sont d'ailleurs contentés de mener discrètement leur campagne électorale en privilégiant le travail de proximité. Après le dépôt de gerbes de fleurs au cimetière des chouhada, la foule présente sur les lieux sera ensuite invitée à la placette du chef-lieu communal, où s'érige le monument dédié à la mémoire de Jean El-Mouhouv Amrouche. L'heure est au vernissage de la stèle, œuvre du jeune sculpteur Slimane Radjouh. C'est sous les chants de la défunte Marguerite Taos Amrouche, sœur de Jean Amrouche, que s'est déroulée l'opération de vernissage. Cette dernière s'achèvera sous les ovations du public, entrecoupées par des youyous stridents des jeunes filles de la chorale de l'association organisatrice. “Nous considérons que votre présence parmi nous n'est autre qu'un message de reconnaissance et d'amour pour cet homme, ce géant connu et reconnu par ses pairs aux quatre coins du monde, mais longtemps plongé dans l'oubli par ses détracteurs. El-Mouhouv vous reçoit et vous souhaite la bienvenue à Ighil Ali, parmi les siens. Il nous a rassemblés aujourd'hui, comme il a rassemblé à la même table l'Algérie et la France aux accords d'évian”, lancera lors de son intervention Mesbah Abdelkrim dit Mustapha, un enseignant de langue française et ancien membre fondateur de l'association Taos et Jean El-Mouhouv Amrouche. Le député de la wilaya de Béjaïa Boubekeur Derguini, relayé par ses camarades Rabah Boucetta et Zahir Benkhellat, anciens animateurs du mouvement citoyen et cadres du RCD, a tenu à “dénoncer l'ostracisme dont était victime Jean Amrouche”, accusant les tenants du pouvoir de “vouloir confisquer l'histoire de la révolution algérienne, en occultant certaines vérités historiques, à l'image du parcours valeureux de ce héros disparu dans l'anonymat”. Se voulant plus explicite, M. Benkhellat, en sa qualité d'enseignant de tamazight, tient à déplorer le fait qu'“aucun livre ou manuel scolaires n'a fait référence à Jean El-Mouhouv Amrouche, comme c'est le cas aussi de sa sœur Taos”. Avant d'enchaîner : “Leur seul tort est d'avoir embrassé la foi chrétienne. C'est ce qui dérange les partisans du courant arabo-islamiste !” K O