L'un des vainqueurs de ce premier tour de l'élection présidentielle française, même si sa qualification au second tour n'a pas eu lieu, c'est incontestablement le Front national, grâce au score historique de 18,01% réalisé par sa présidente Marine Le Pen. C'est un résultat jamais obtenu par le parti d'extrême droite durant le long règne de Jean Marie Le Pen, y compris en 2002, lorsqu'il accéda au second tour avec le modeste score de 16,8%. Les militants ne s'y sont pas trompés. Dès l'annonce des premières estimations, à 20 heures, créditant leur candidate d'un score de 18 à 20%, c'était l'explosion de joie au QG de campagne, et ils ont fait la fête jusque tard dans la nuit. Visiblement très satisfaite de sa troisième place, Marine Le Pen a affirmé devant ses fans que “la bataille de France” ne faisait que commencer, avant d'appeler à un grand rassemblement “des patriotes français de droite comme de gauche”. Ayant cloué au pilori Jean-Luc Mélenchon, qui n'aura rassemblé que 11,7% des suffrages, elle se projette déjà dans la bataille des législatives au cours desquelles elle espère imposer des triangulaires dans une centaine de circonscriptions et faire élire quelques députés. Dans son entourage, on parle même du probable changement de nom du parti, pour parachever l'œuvre de sa dédiabolisation entamée et visiblement réussie par la passionaria blonde. On évoque, à ce propos, un Rassemblement Bleu Marine, qui pourrait être annoncé le 1er mai au cours d'un meeting. Plusieurs éléments ont concouru au succès de l'héritière de Jean Marie Le Pen. D'abord le discours recadré, plus lisse et moins rugueux, même s'il ne cède rien sur les fondamentaux du parti et ses thématiques principales. Ensuite, le toilettage de la hiérarchie du parti, la nouvelle présidente ayant écarté des postes de responsabilités tous les militants encombrants par leur discours ou leur attitude franchement racistes et xénophobes. L'arrivée de nouveaux responsables en provenance de différents milieux, y compris de gauche, ont sans doute, compté dans la nouvelle apparence du Front national. La nouvelle présidente a aussi été servie par l'attitude de l'UMP et de Nicolas Sarkozy. La création d'un ministère de l'identité nationale, le débat sur l'identité et ses dérapages, puis la “droitisation” prononcée de la campagne du président sortant, ont largement contribué à décomplexer et à dédiaboliser l'extrême droite dont les thèmes de prédilection sont adoptés par une droite républicaine aux abois. Sa prise de parole du 1er mai est attendue avec intérêt. Il est toutefois certain qu'elle ne donnera pas de consigne de vote pour le second tour, ce qui revient presque à appeler en faveur de François Hollande, sachant que la réserve d'électeurs à droite est limitée et que le taux d'abstention est relativement faible, ce qui complique davantage l'équation pour Nicolas Sarkozy. Marine Le Pen a en effet, toutes les raisons de souhaiter la défaite du président sortant, qui pourrait signifier l'explosion de l'UMP, une opportunité pour elle de se constituer en première force d'opposition de droite. L'attitude et l'effort de communication de Marine Le Pen n'enlèvent rien à la nature du Front national et à son attachement aux idées et aux thèses de l'extrême droite. Il convient de relever, cependant, qu'en matière de politique étrangère, le long de la campagne électorale, elle a été la seule candidate à avoir condamné l'intervention intempestive de Sarkozy et de ses alliés en Libye et le rôle nocif du Qatar et de l'Arabie Saoudite dans “le Printemps arabe”, qu'ils ont contribué à transformer en hiver glacial. M. A. B