L'événement du premier tour de l'élection présidentielle c'est l'avancée du candidat socialiste François Hollande, le clair désaveu de Nicolas Sarkozy et l'émergence du Front national en tant que force qui compte à droite de l'échiquier politique. La bataille du second tour s'annonce âpre et sans merci. Du point de vue des chiffres, l'écart des voix entre François Hollande (28,63%) et Nicolas Sarkozy (27,18%) est minime. Mais la chute de 5% du président sortant par rapport au premier tour de l'élection présidentielle de 2007 traduit clairement la désaffection d'un grand nombre de Français à son égard. Tout aussi significativement au moins, Nicolas Sarkozy arrive, de manière inédite dans l'histoire de la Ve République, en seconde position derrière son principal challenger au premier tour de cette élection. Mais le plus grand échec du candidat de l'UMP est sans conteste le résultat de Marine Le Pen qui dépasse avec 17,9% le score réalisé par son père en 2002 avec 16,96% et double celui de 2007. Toute la stratégie de Nicolas Sarkozy, avant même le début de la campagne électorale, a consisté à chasser sur les terres de l'extrême-droite en reprenant à son compte les thèmes classiques du Front national. Le résultat est plus que catastrophique. La cour intense faite aux électeurs d'extrême-droite n'a eu pour seul résultat que la dédiabolisation des incantations xénophobes du Front national. Plutôt que d'aspirer une partie de l'électorat de Marine Le Pen, l'approche, éminemment contre-productive, a réussi le tour de force de rabattre massivement le vote protestataire sur la candidate d'extrême-droite. C'est bien cette donne qui rend aléatoire l'arithmétique électorale. Nicolas Sarkozy a été trop droitier pour escompter un report substantiel au centre mais il s'est placé en situation de concurrence directe avec un Front national dont les dirigeants ne sont nullement disposés à lui faire le moindre cadeau. Ceux-ci se projettent déjà vers les législatives avec l'ambition de devenir la première force à droite qu'un échec de Sarkozy pourrait favoriser. LE CANDIDAT DES VIEUX Le vote lepéniste s'installe désormais dans le paysage français, fruit du désarroi face à la crise sociale et du climat de peur entretenu depuis des lustres par les médias lourds. Ce premier tour a donc clairement exprimé un net désaveu de Sarkozy, un rejet très personnalisé. Il est rarissime dans l'histoire de la vie politique française qu'un président sortant passe derrière un challenger. C'est tout autant le style - une partie de l'électorat «vieille France» estime qu'il a déconsidéré le statut de chef de l'Etat auquel les Français sont attachés - que l'action tant vantée de Sarkozy face à la crise qui est censurée par de larges catégories de citoyens. Il est vrai que ces derniers ont vu leur niveau de vie se dégrader, assisté impuissants à l'élargissement de la précarité et à l'enrichissement des plus riches. Celui qui posait au PDG moderne et agressif de la France n'a de succès affirmé que chez les plus de 65 ans alors que son concurrent, François Hollande, a les faveurs des moins de 35 ans. Le bilan, plutôt sombre, du président sortant a empêché la réédition de l'OPA sur l'électorat du Front national réussie en 2007. Marine Le Pen, l'appétit venant après son succès, veut pousser à la décomposition de la droite classique. Selon toute probabilité, elle n'appellera pas au vote pour Sarkozy, un échec de ce dernier lui offrant le terrain idéal pour lancer une contre-OPA. Les arabo-blacks de France n'ont qu'à bien se tenir ! S'agissant de François Bayrou, plus ou moins l'antithèse «morale» de Sarkozy, il est probable qu'il ne sortira pas d'une neutralité désabusée ou d'un soutien très a minima. A défaut, il prendrait le risque de définitivement brouiller son image. A l'inverse, le terrain est très clairement dégagé pour François Hollande qui peut compter sur le report de l'ensemble des voix du Front de gauche et des écologistes. Cela lui donne une base satisfaisante pour aborder le second tour dans les meilleures conditions. Il suffirait à François Hollande d'un report de 25% de voix de Bayrou et du Front national pour l'emporter et confirmer sa confortable avance au second tour annoncée avec une régularité de métronome par les sondages depuis plusieurs semaines. Sombre pronostic pour Sarkozy dont la seule voie de salut est de faire le plein des voix de l'extrême-droite. Il est donc sûr que le candidat de l'UMP mène une campagne encore plus droitière pour le second tour. «Ça va sentir très mauvais» du côté de l'UMP, pronostique un analyste, car le clan présidentiel n'a pas d'autre choix que de chausser les bottes de l'extrême-droite. Le dos au mur, Nicolas Sarkozy va mener une âpre bataille. Les arabo-blacks de France et de Navarre vont en éprouver les moyens. Un dur moment à passer mais qui laissera des traces dans le paysage politique français. Les banlieues savent qu'elles doivent faire profil bas si elles ne veulent pas servir de prétexte à la relance d'un président virtuellement défait.