«Ce n'est pas tragique mais c'est inquiétant» c'est ainsi que certains titres de la presse Française ont qualifié ce matin la montée fulgurante et historique de l'extrême Droite à travers le score inédit du Front National. La France n'est pas seule à s'inquiéter, l'Europe a également exprimé ses appréhensions en pointant un doigt accusateur vers Sarkozy qu'elle rend responsable de cette situation. Un score qui fait pousser la presse Française à évoquer un «air du 21 avril», en référence au jour où Lionel Jospin, alors candidat de la gauche, avait été éliminé dès le premier tour des présidentielles le 21avril 2002 en obtenant moins de suffrages que Jean-Marie Le Pen, le candidat de l'extrême-droite. Ce dernier avait raflé 16,86 % des voix (10,44 % aux élections présidentielles de 2007). Bien que sa fille n'ait pas réussi cette fois-ci l'exploit de son père qui a réussi accéder au second tour face à Jacques Chirac en 2002, le score réalisé hier par le Front National est historique et même «stupéfiant». En effet, jamais dans l'histoire de la France, la famille politique de l'extrême droite n'a réalisé un tel résultat qualifié ce matin de «pas aussi tragique mais tout aussi inquiétant» par la presse hexagonale. Un score qui lui permet de peser non seulement sur le second tour du 6 mai prochain mais désormais sur l'avenir de la France qui vire définitivement à l'extrême droite. La presse européenne se montrait pour sa part sceptique sur les chances de Nicolas Sarkozy de conserver le pouvoir tout en soulignant unanimement le score au premier tour de Marine Le Pen. Le quotidien britannique Guardian (libéral) souligne que François Hollande est «sur la crête de la vague de gauche», mais que les résultats «stupéfiants» obtenus par Marine Le Pen ont refroidi l'enthousiasme. Et le journal d'intituler son éditorial: «victoire aigre-douce pour la Gauche». «Hollande devant, ouragan Le Pen», titre de son côté, le quotidien italien de gauche La Repubblica qui estime que Sarkozy a été «giflé dans la course à l'Elysée», après un score sans précédent de la droite nationaliste. «Le résultat du premier tour de la présidentielle annonce une finale tendue, plus âpre que prévue. Les deux candidats qui restent pour la finale devront se disputer le suffrage de la colère, celui obtenu par le Front National, le parti xénophobe», écrit-il. «Quoi qu'il puisse arriver dans les quinze jours à venir, la bataille de la France ne fait que commencer et rien ne sera plus jamais comme avant», a souligné hier Marine Le Pen après l'annonce des résultats en jugeant avoir fait «trembler le système». «La seule opposition qui reste, c'est Marine Le Pen, et c'est vraiment une candidature d'espérance qui s'est exprimée avec un score formidable», a déclaré également son directeur stratégique de campagne, Lorian Philippot. Selon l'entourage du FN, Mme Le Pen se prononcera le 1er mai prochain sur sa position avant le deuxième tour. Mais historiquement, l'extrême droite n'a jamais donné de consignes de vote au second tour d'une présidentielle. Cependant l'attitude de ses électeurs est particulièrement scrutée. Deux sondages Ipsos et Harris Interactive réalisés hier dimanche montrent que de 44 à 69% de ses électeurs se reporteraient sur Nicolas Sarkozy, 17 à 18% sur François Hollande. En prévision du second tour Les voix du centre et de l'extrême droite courtisées Duel - La bataille du second tour de la présidentielle française s'annonce rude au lendemain des résultats du premier tour donnant la victoire aux deux candidats Hollande et Sarkozy. Le socialiste François Hollande, fort de sa victoire au premier tour de la présidentielle, et le président Nicolas Sarkozy, désavoué pour sa gestion de la crise, vont chercher dès aujourd'hui à séduire l'électorat centriste et d'extrême droite, clefs du succès pour le 6 mai, jour ou doit se dérouler le second tour. Ainsi, au lendemain d'un scrutin marqué par un score historique du Front National (18.1% des voix), les deux rivaux sont engagés dans un duel à distance pour espérer l'emporter au second tour. Désormais champion d'une Gauche réunie avec le soutien des communistes et des écologistes, François Hollande va tenter de rassembler au-delà de son camp dès un déplacement ce matin lundi en Bretagne (ouest). «Confiant» dans sa capacité à porter au pouvoir une gauche qui n'a plus dirigé le pays depuis 17 ans, M. Hollande a passé une partie de la nuit à rédiger sa profession de foi. «Je n'ai pas encore la victoire, elle est là, proche, à quelques jours», a-t-il déclaré. Il affrontera le chef de l'Etat lors d'un scrutin encore incertain, même si le socialiste peut compter sur des reports de voix de la gauche radicale et des écologistes, alors que les réserves du président sortant paraissent plus minces. Nicolas Sarkozy se rend lui aussi à Tours (centre), avec une équation difficile à résoudre dans les quinze jours qui viennent: séduire en même temps les électeurs centristes et ceux de l'extrême droite. Le candidat centriste François Bayrou a indiqué qu'il allait s'adresser aux deux finalistes et se déterminer en fonction de leurs réponses. «C'est donc d'un sursaut dont a besoin Nicolas Sarkozy. Sursaut d'abord des électeurs de Marine Le Pen qui en dépit du succès de leur candidate seront orphelins au deuxième tour...Toute abstention constituant évidemment un coup de pouce au candidat socialiste», écrit le quotidien de la droite Le Figaro. «Sortir des crises économiques, sociales et morales par le haut en découvrant ce que peut-être l'avenir du pays au lieu de faire vivre le mythe d'une France qui ne vivrait que sur son histoire, en ressassant son passé, en restaurant ses frontières», selon l'édito du quotidien de gauche Libération. Nicolas Sarkozy a lui aussi proclamé sa «confiance», proposant que «trois débats» soient organisés avec son rival entre les deux tours, «sur des questions économiques et sociales, de société et les questions internationales». François Hollande a aussitôt refusé, affirmant ne vouloir qu'un seul débat, comme c'est la tradition en France. L'Europe s'inquiète Le score historique obtenu par l'extrême droite au premier tour de l'élection présidentielle suscite l'inquiétude dans plusieurs pays de l'UE. Ces inquiétudes ont été exprimées en marge d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères à Luxembourg. Le chef de la diplomatie luxembourgeoise a accusé le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy d'être en partie responsable du succès de la candidate du Front national (FN) : «Si on répète tous les jours qu'on doit changer Schengen, qu'on doit avoir une politique d'immigration forte, qu'on doit parler de l'exception française, et tout cela, c'est de l'eau au moulin du FN», a-t-il estimé. Le ministre Danois des Affaires étrangères a jugé que le résultat du vote de dimanche était «extrêmement préoccupant», estimant qu'il s'inscrivait dans une tendance générale en Europe également illustrée par la poussée de partis politiques de la même famille au Danemark ou en Finlande. «Je suis inquiet de ce sentiment que nous constatons contre des sociétés ouvertes, une Europe ouverte», a-t-il indiqué. Son homologue autrichien a parlé d'un «résultat très probant pour (Marine) Le Pen» qui «doit tous nous faire réflé- chir», tandis que le chef de la diplomatie belge a jugé que «la poussée de l'extrême droite en France et ailleurs en Europe est toujours un sujet d'inquiétude en Europe. On doit être très attentif à cela», a-t-il ajouté. Résultats quasi définitifs Le candidat socialiste François Hollande a obtenu 28,63% des voix devant Nicolas Sarkozy (27,08%). La candidate de l'extrême droite Marine Le Pen se classe troisième, avec 18,01%, suivie par le représentant de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (11,13%) et le centriste François Bayrou (9,11%). Les cinq autres candidats ne franchissent pas la barre des 5%: Eva Joly (écologiste) est à 2,28%, Nicolas Dupont-Aignan (souverainiste) à 1,80%, Philippe Poutou (trotskiste) à 1,15%, Nathalie Arthaud (trotskiste) à 0,57%, et enfin Jacques Cheminade (indépendant) à 0,25%. Des sondages à chaud ! Selon plusieurs sondages réalisés à chaud dans la soirée du premier tour des présidentielles, François Hollande gagnerait au 2e tour avec 53 à 56% des voix. Par ailleurs, deux sondages - Ipsos et Harris Interactive - réalisés aussi dans la soirée de dimanche montrent que de 44 à 69% des électeurs du Front National se reporteraient sur Nicolas Sarkozy, 17 à 18% sur François Hollande.