Le MSP, Ennahda et El-Islah veulent consacrer comme inaliénable la reconnaissance de l'arabe comme “la langue nationale et officielle” et évitent soigneusement de faire référence à tamazight, ce qui signifie que tamazight ne devrait pas figurer parmi les “éléments inaliénables” prévus par l'article 178 de la Constitution. Quiconque voudrait provoquer les Algériens parlant tamazight ou serait tenté de semer la division ne s'y prendrait pas autrement. Au lendemain de la célébration du 32e anniversaire du Printemps amazigh d'avril 80, notamment par une série de marches organisées dans les quatre coins de la Kabylie pour revendiquer un statut officiel pour tamazight, l'Alliance verte regroupant trois partis islamistes (MSP, El-Islah et Ennahda) vient d'oser un véritable pied de nez envers les berbérophones algériens. Cette alliance tissée dans l'urgence pour des besoins électoraux a rendu public avant-hier un communiqué où elle a consigné ses propositions pour la révision de la Constitution, promise par Bouteflika, qui interviendrait juste après les législatives du 10 mai. Si l'Alliance verte ne projette pas d'élever tamazight au rang de langue officielle, il n'y a pas de quoi s'étonner. Au demeurant, ce n'est pas sur les partis de cette mouvance que les militants de la cause fondent l'espoir de voir cette langue prendre la place qui lui revient dans le paysage linguistique et culturel du pays. Mais il y a plus grave : tamazight voit son statut de langue nationale carrément remis en cause par le document. Dans une proposition intitulée “consécration d'éléments inaliénables définis par l'article 178 de l'actuelle Constitution”, le MSP d'Abou Djerra Soltani et ses acolytes ont écrit : “L'arabe est la langue nationale et officielle” et évitent soigneusement de faire référence à tamazight, ce qui signifie que tamazight ne devrait pas figurer parmi les “éléments inaliénables” prévus par l'article 178 de la Constitution. Il est vrai que cette remise en cause n'est pas assumée de façon frontale, comme il est de coutume chez cette famille politique. Ainsi, ils n'ont pas proposé une suppression pure et simple de l'article 3 bis de la Constitution qui confère à tamazight le statut de langue nationale, mais le caractère exclusif de l'énoncé cité plus haut trahit une intention à peine dissimulée de ne laisser à cette langue que le caractère d'élément constitutif de l'identité nationale, chose au demeurant acquise sous Boumediene, dans la Constitution de 1976, au temps où l'amazighité pouvait, à la limite, prétendre à une petite place de musée, comme patrimoine folklorique. Ne craignant pas la contradiction, mais révélant aussi la “profondeur de leur inculture politique”, ces partis proposent pourtant de réaffirmer la principe du respect des droits de l'Homme, la démocratie et la pluralité politique dans la future loi fondamentale. Or, la reconnaissance officielle de tamazight est une question éminemment démocratique et son statut de langue nationale, aujourd'hui consacré, n'a été possible qu'au prix d'un long combat, mené et assumé par plusieurs générations successives, avec les énormes sacrifices collectifs et individuels que l'on sait. Autre contradiction de l'Alliance verte : le 12 mars 2002, à l'occasion d'un congrès exceptionnel réunissant les deux chambres du Parlement au Palais des nations, les députés des trois partis qui la composent ont voté à l'unanimité en faveur de la proposition du chef de l'Etat de reconnaître à tamazight son statut de langue nationale et de le transcrire noir sur blanc dans la Constitution. Reste à savoir si la Commission nationale de surveillance des élections législatives (Cnsel) va remettre à l'ordre ce triumvirat puisque la loi électorale interdit toute remise en cause de l'une ou l'autre des trois composantes de l'identité nationale. A C