Résumé : Louisa est déçue, mais pas pour longtemps. Alors qu'elle discutait avec son père de son frère Aïssa qui ne faisait que traîner dans les cafés, le portail s'ouvrit et Nna Daouia fit son entrée. Louisa est heureuse de la voir. Elle lui propose de lui lire l'avenir. Je m'étais empressée d'interrompre ma mère. Je voulais lire l'avenir de Nna Daouia. Je voulais sentir la moiteur de ses mains dans les miennes, et fermer mes paupières pour sonder les tréfonds de son subconscient. L'avenir se dessinera alors telles des nuées de fumée devant mes yeux. - Mais tu as renvoyé… - Oui… Je me sentais trop fatiguée pour travailler aujourd'hui… Mais pour Nna Daouia, je ferai une exception. - Que Dieu te bénisse ma beauté. En fait, je viens pour Kamel mon fils… Il ne veut pas se marier… Je n'ai pas encore compris ses intentions… Il voulait tout d'abord connaître sa future épouse, et tu connais nos coutumes… Nous ne sommes pas en Europe ici. - Peut-être voudras-t-il épouser une Européenne, lance ma mère. Nna Daouia secoue la tête : - Non… Jamais… Nous ne l'aurions d'ailleurs pas accepté… Mais depuis mon retour de Paris, je ne cesse de lui parler des filles de notre village. Elle me jette un regard et je baisse les yeux : - Louisa par exemple fera une épouse parfaite… Et puis nos deux familles se connaissent depuis toujours… Nous sommes vos voisins, et vous êtes plus que des parents pour nous. - Que Dieu te protège ma chère Daouia. Je sais que Louisa est en âge d'être mariée, mais seul son destin décidera pour elle… Et… Si je me permets… Que fais-donc ton fils Kamel en France ? - Il travaille. Il gagne bien sa vie. Il travaille dans une usine de pièces détachées. Des pièces pour des machines industrielles, des véhicules… - Que Dieu lui accorde santé et bienfaits. Louisa… Vas-tu lire l'avenir de Nna Daouia devant nous ? - Mais non maman ! Nna Daouia n'aura qu'à me suivre dans ma chambre… Je n'aurais besoin que de sa présence pour une bonne voyance. Nna Daouia se lève. Elle était encore assez jeune, et même très belle. Vivre loin de la rudesse de notre village lui avait fait du bien. Elle n'avait pas le visage buriné des paysannes de son âge, ni les mains rugueuses de celles qui travaillaient la terre. Elle portait de beaux habits, tout comme son fils, et sentait très bon… Un parfum capiteux emplissait mes narines, alors qu'elle me suivait dans ma chambre. Je l'invite à s'asseoir et j'en fais de même avant de prendre une longue inspiration : - Nna Daouia, veux-tu prendre ma main ? - Bien sûr ma fille… Je laisse passer quelques minutes, avant de sentir la chaleur de cette main grassouillette pénétrer dans mon âme. Les yeux fermés, je commençais à sentir les vibrations prémonitoires d'une voyance efficace. En fait, je voulais tout connaître de cette femme qui avait enfanté un homme aussi beau et aussi élégant que Kamel. Le nom remontait le long de mes sens et je sentais un vertige me gagner. Des images s'affichèrent devant mes yeux. Un mouton blanc. Une waâda. Un vœu. Un vœu qui allait s'exaucer d'ici peu… Un homme… Un Jeune homme va se marier… Kamel. Je voyais ses traits comme dans un miroir. Et j'ouvris les yeux : - Nna Daouia… tu es chanceuse… La waâda que tu penses organiser te sera bénéfique. Le saint de la région exaucera tes vœux. Kamel se mariera. Il prendra une femme du village… - Oh ! Quelle bonne nouvelle tu m'annonces là ma fille ! Et pourrais-je connaître le nom ou la famille de ma future bru… - Les voies du destin sont impénétrables Nna Daouia… Je ne suis pas un ange… Je ne fais que suivre quelques esquisses annonciatrices. Dieu ne me permet pas d'en faire plus. - Qu'Il te garde et t'accorde une longue et heureuse vie… Elle tire de son corsage des billets d'argent. Je ne me rappelle plus depuis quand je n'en avais pas senti le parfum : - Voilà… C'est pour toi… Si tes prémonitions se précisent, je te promets de t'offrir non seulement d'autres billets, mais aussi des cadeaux somptueux. - Mes prémonitions, incha Allah, seront des plus précises… Je prierai Dieu d'exaucer tous tes vœux Nna Daouia. Elle se lève et se dirige vers la sortie. Je demeure interdite un moment. Kamel va m'épouser ! Pour une fois, le destin se présente à moi sans voile. Je l'avais vu dans les images qui s'étaient dressées devant mes yeux aussi nettes et aussi claires que l'eau d'une fontaine fraîche. Je sentais l'euphorie me gagner… Je vais enfin rejoindre mon prince charmant, qui en fait n'attendait qu'un signe de moi. (À suivre) Y. H.