Alors qu'il était attendu du BTPH de booster l'industrie des matériaux de construction, c'est tout l'inverse qui s'est produit. La production nationale des matériaux de construction enregistre coup sur coup deux exercices baissiers. D'après les données fournies par l'ONS, la production nationale des matériaux de construction a encore reculé de 3,2% en 2011 confirmant la mauvaise santé de toutes les branches constatée dès 2010 où la baisse a été de 5%. La dégringolade a ainsi touchée toutes les branches du secteur, notamment la fabrication des produits de cimenterie (-36%), la fabrication des matériaux de construction et produits rouges avec -1,5%, et matériaux divers avec une baisse de 40,7% au 1er semestre ramenée à 28,4% au second 2011, selon le même office. Même l'industrie du verre, exportatrice nette, n'a pas échappé à la tendance baissière avec -13,8%. Malgré la morosité qui frappe les matériaux de construction traditionnels, il se trouve des opérateurs qui investissent toujours mais avec une nouvelle approche orientée vers les matériaux innovants. Progressivement les nouveaux matériaux et autres produits novateurs dédiés au secteur du bâtiment domestique, industriel ou commercial, du logement et du second œuvre aussi bien dans le neuf que pour la restauration du vieux bâti, font leur apparition sur le marché national. Parmi ces opérateurs, Mortero, une PME bougiote spécialisée dans la fabrication de mortier, de colles et d'enduits. Rencontré lors du dernier Batimatec d'Alger, Madaoui Lounes, gérant de ladite entreprise n'est pas peu fier d'avoir pu convaincre un leader mondial dans le domaine de le suivre dans son investissement en Algérie. Préférant la fabrication sous licence à l'importation du produit fini, Mortero, filiale du groupe Ceramica Madaoui, et son partenaire Parexlanco France ont mis trois millions d'euros pour se donner une capacité de production de 100 tonnes/jour avec l'installation d'une chaîne industrielle entièrement automatisée, des capacités de stockage, un sécheur et un calibreur de sable, un laboratoire moderne pour les tests des matières premières et des produits finis sans oublier un personnel formé à l'effet de produire tous types de mortiers colles et enduits. En fait, si la firme française a suivi son partenaire algérien, c'est que le marché faisait miroiter de grandes opportunités indépendamment de la plate-forme qu'il pouvait constituer pour l'exportation vers d'autres pays de la sous-région. En effet, les principaux agrégats sont disponibles localement tant en quantité qu'en qualité à l'image du sable, de la chaux, des ciments et des emballages. En fait, les seuls intrants importés sont les produits chimiques qui entrent pour 0,89% dans le produit fini. Ainsi, le taux d'intégration national dans cette unité est de l'ordre de 99,1%. Le pari semble ainsi en phase d'être remporté. D'après le gérant, “Mortero économise au budget de l'Etat le transfert d'importantes sommes en devises au titre de l'importation sans compter la création d'emplois, la stimulation de la croissance locale et les recettes fiscales versées comme la TVA, l'IBS, l'IRG et la TAP”. “À titre d'exemple, cite notre interlocuteur, pour un mortier colle de type C2, le prix de départ de l'usine en France est de 9 euros/HT, tandis que le prix Mortero est de 598 DA/HT.” Tout autour de cette petite industrie gravitent une noria de fournisseurs locaux de matières premières. Les contraintes du terrain Pourtant tout n'est pas que ciel bleu. Les entreprises qui choisissent d'investir dans l'innovation se heurtent à des pratiques déloyales. Pour Madaoui Lounes, “nous avons investi dans une technologie performante pour plus de 30 millions de DA mais nous faisons face à une concurrence déloyale de la part d'intervenants qui, avec une simple brouette et une bétonneuse, font du mortier de moindre qualité sans qu'ils soient inquiété ni contrôlés”. Lors du Batimatec, de nombreux opérateurs ont soulevé l'absence de critères normatifs et le peu d'engouement des pouvoirs publics pour la promotion des matériaux de construction innovants. C'est ce qui nous a été confirmé par une entreprise de fabrication de fenêtres et portes en PVC sous licence internationale. Sous le couvert de l'anonymat, le patron de cette entreprise située dans la banlieue algéroise, pointe du doigt la manière dont sont rédigés les cahiers des charges pour les marchés publics de construction de logements et d'édifices publics. “Avec la forme actuelle des cahiers des charges, ne nous pouvons jamais être concurrentiels au bois pourtant les fenêtres et portes en PVC offrent de meilleures caractéristiques non seulement dans l'esthétique mais aussi en isolation phonique, durée de vie, facilité d'installation et de remplacement mais plus encore une plus grande économie d'énergie”, s'insurge notre menuisier en PVC pour qui il est “de la plus grande aberration que nous n'ayons même pas une norme de la fenêtre ou de la porte en Algérie”. Ce dernier point paraît banal, pourtant à s'y attarder un peu l'absence d'une norme comme celle-ci freine l'émergence de toute une filière industrielle d'autant plus que le pays dispose déjà d'une des industries verrières parmi les plus performantes du continent. Un autre opérateur versé dans les systèmes de séparation abonde dans le même sens. “Nous pouvons construire mieux, plus vite avec un confort optimal”, souligne Kamel Sahraoui. Pour cet industriel, “nous gaspillons trop de matériaux de construction et d'agrégats. Nous gaspillons par deux fois. Nous avons constaté que pratiquement aucun appartement aussi minuscule soit-il n'échappe aux transformations amenées des propriétaires”. Le constat posé, il propose de réfléchir avant même de lancer les concours d'architecture et les appels d'offres sur un système plus intelligent comme livrer l'intérieur quasiment nu sauf les branchements électrique, de gaz et d'eau et laisser aux occupants la liberté de cloisonner selon qu'ils soient adeptes des espaces ouverts ou des familles nombreuses en besoin de plus de chambres. “Nous aurons doublement gagner en économie d'argent et de temps et en bien-être”, conclut-il. M. Y.