À travers ses œuvres, c'est une réappropriation du passé qu'elle réalise. D'abord le sien, puis celui qui nous est commun. Elle fait ressurgir ses souvenirs d'enfance, des lieux qui l'ont marquée. Trente toiles tapissent les murs de la galerie Art 4 You, au niveau du Sacré-Cœur (Alger), depuis le 12 mai dernier. Des tableaux qui happent le regard des passants par leur format très grand, ainsi que par les sujets peints et les couleurs utilisées. C'est l'œuvre d'une plasticienne algérienne vivant en France (elle n'aime pas cette qualification lui préférant artiste universelle) : Linda Bougherara. Elle expose pour la première fois en Algérie. “Cela fait 20 ans que j'attends cette exposition”, a-t-elle confié. Malgré ce sentiment de frustration, ses yeux trahissaient une joie sans borne, car très heureuse de voir sa peinture visible, enfin, dans son pays. Intitulée "Mémoire intime", cette exposition se décline comme une “abstraction lyrique” des thèmes. C'est une suggestion de formes qui ressemblent à des cellules, tantôt éclatées, tantôt contractées. Ce sont ces mêmes cellules qui forment des silhouettes, des personnages… des contours pour une meilleure visibilité du sujet. Comme l'explique l'artiste peintre, ce n'est pas une abstraction totale ; sa peinture à elle laisse une issue qui permet au public de multiplier les interprétations sans toutefois sortir du contexte, du sentier tracé. Cette multitude d'interprétations permet à la plasticienne de prendre un certain recul pour mieux avancer, mieux se ressourcer. Son travail artistique gravite autour de la mémoire, devenue une entité importante, voire indispensable pour le développement des peuples et l'écriture de l'histoire. C'est le déni dans lequel nous sombrons qui l'a poussée à peindre ces œuvres qui datent de 2010 à 2012. À travers ses œuvres, c'est une réappropriation du passé qu'elle réalise. D'abord le sien, puis celui qui nous est commun. Elle fait ressurgir ses souvenirs d'enfance, des lieux qui l'ont marquée, comme le tombeau de Medghassen ou les balcons de Ghoufi à Batna. Elle explore son subconscient pour qu'il livre ses secrets enfouis. Pour elle, peindre c'est comme une thérapie qui lui permet de se réconcilier avec soi-même. Concernant la technique et la palette de couleurs de Linda Bougherara, l'on constate qu'elle utilise la technique mixte mais avec une forte prédominance de l'aquarelle. Des tons froids mais qui sont diluées dans de l'eau pour un effet de transparence, pour plus de douceur. Ce résultat, elle l'obtient en utilisant des épices, des pigments naturels, des encres et des aquarelles. Un mélange qui, savamment dosé, ne peut qu'éblouir le regard par l'effet qu'il produit. Le procédé rappelle celui utilisé dans le mélange des couleurs destinées au tissage. Chaque toile est une étape inconnue. C'est un voyage intérieur, voire initiatique que l'artiste met en avant. Une exposition qui, une fois visitée, ressemble à un journal intime. Chaque œuvre est une page dans laquelle est couché un secret, une idée, un souvenir, une douleur. Une [re]construction qui permet de prendre de l'avant. A I Mémoire intime : exposition de Linda Bougherara, jusqu'au 31 mai 2012 à la galerie Art 4 You.