Devant un public nombreux, l'écrivain Hamid Grine a animé, dimanche, une conférence-débat à l'Institut français de Constantine. Une rencontre dans laquelle l'auteur de Camus dans le narguilé a parlé de sa vie et de son œuvre littéraire. à propos de ses livres, il avoue tout de même que Cueille le jour avant la nuit demeure son préféré, parce que “c'était le succès le plus probant mais aussi le succès de l'estime. Lorsque je me déplace à travers les villes algériennes et que j'entends des lecteurs me dire que ce livre les a empêchés de se suicider, j'ai la chair de poule. C'est une lourde responsabilité. Quand on écrit, on n'a aucune prétention, et on ne saisit pas la portée de ce qu'on a fait. L'écrivain, au-delà de ses capacités, a une responsabilité qu'il ignore. Une responsabilité que seuls les lecteurs voient... Je suis un désespéré dans la vie, désespéré dans le sens philosophique du terme et non sentimental, je n'ai pas beaucoup d'espoirs et donc pas beaucoup de craintes”. L'auteur confie aussi qu'il n'aime pas trop les idées préconçues sur la littérature, qu'il s'agisse de critiques littéraires ou de certains clichés : “Quand j'entends quelqu'un parler de structuralisme ou de théories littéraires, j'ai envie de me lever, il y a de la bonne ou de la mauvaise littérature, c'est tout ce que je sais. Certains parlent de littérature d'urgence, moi j'écris toujours dans l'urgence. Lorsque j'écris un livre, je le fais vite, car j'ai peur de ne pas le finir et de mourir. Cette inquiétude m'est donc permanente. Mon livre sur le massacre de Bentalha La fille qui ne voulait pas être un homme, que j'ai commencé le mois de novembre 2010 je n'ai pas pu le terminer, je suis resté bloqué le 5 juillet 2011, je ne sais pas pourquoi c'est tombé à cette date, je suis même allé voir une psy. Donc, je ne crois pas en la littérature d'urgence.” Concernant son roman à succès Camus dans le narguilé, Hamid Grine aborde, lors du débat avec le public, ce rapport souvent qualifié de complexe entre Albert Camus et son pays natal, l'Algérie, et confie à ce titre : “La problématique que je pose, c'est celle de nos écrivains algériens lors de la guerre de libération. Je considère que la position de Camus n'était pas celle d'un anticolonialiste, il avait certes condamné les atrocités de mai 1945 ou évoqué la misère en Kabylie, mais c'était surtout un humaniste convaincu. Maintenant, qu'on me dise qu'elle a été vraiment la position des écrivains algériens, on doit évaluer leurs positions politiques et voir si vraiment ils étaient contre le colon. Ceux qui aiment Kateb Yacine sont horrifiés lorsque je dis qu'en lisant trois fois Nedjma, je n'ai rien compris à ce roman. Camus dit que ‘l'écrivain doit être la voix des sans-voix'. L'écrivain a une responsabilité morale pour dénoncer ce qui doit l'être. Je ne dénonce personne mais je n'ai pas vu de condamnation politique du colonialisme chez Kateb Yacine, Malek Haddad, Dib ou Mouloud Mammeri.” Et de poursuivre : “Je prends le risque de dire que nous avons aujourd'hui des écrivains algériens qui valent ceux de la génération 1950/60.” D B.