Des anciens maquisards ont été empêchés, hier, de rendre publique une liste d'usurpateurs impliquant de hautes personnalités de l'Etat. Ce devait être une bombe qui allait éclater à la face des dirigeants du pays, la liste noire des faux moudjahidine impliquant de hautes personnalités de l'Etat demeure encore à l'état de secret. Et pour cause, ses détenteurs, des anciens maquisards regroupés autour d'une association historique dite Chahid Bendahmane pour la préservation de la mémoire et la restitution de la vérité, ont été, encore une fois, empêchés de la rendre publique. En effet, alors qu'elles étaient attendues pour la journée d'hier, les révélations promises n'ont pas eu lieu. Les trois représentants de l'association, à savoir Boughouba Mustapha, Saïdani Tahar et Mohamed Slaïmi se sont vus interdits de tenir une conférence de presse sur le sujet à l'hôtel Essafir (ex-Aletti). L'avis de refus de la wilaya, portant la signature du directeur des affaires publiques et des conflits, Rabah Mokdad, est parvenu, hier, aux intéressés, trois jours après le dépôt de la demande d'autorisation et à cinq minutes de la tenue de la rencontre avec les journalistes. En principe, les organisateurs de la manifestation n'avaient pas obligation de solliciter l'aval de la wilaya mais eu égard à sa teneur, le patron de l'hôtel a tôt fait d'exiger la fameuse autorisation. Qui a peur du scandale des faux moudjahidine ? L'année dernière, Boughouba et ses compagnons ont essuyé un refus similaire en tentant initialement de rencontrer les journalistes à la Maison de la presse. Manifestement, la gravité de leurs propos allait provoquer une véritable tempête politique. “Des hauts fonctionnaires de l'Etat, des membres du gouvernement, des cadres de la présidence de la république sont impliqués dans cette affaire”, persiste Mustapha Boughouba. Hier, au cours d'un point de presse improvisé à l'extérieur de l'hôtel Essafir, sur les marches, cet ex-combattant de l'ALN de la wilaya de Tipasa a brandi l'avis d'interdiction de la wilaya comme preuve de la duplicité des autorités et de leur souci d'étouffer le scandale. “De toutes les façons, nous n'allons pas nous taire. Ils sont tous faussaires, à leur tête le ministre des moudjahidine, Chérif Abbès”, a souligné, pour sa part, Mohamed Bensaïd. Se présentant comme le président de l'Association libre des enfants de chouhada, ce dernier insiste, par ailleurs, sur l'usurpation de la qualité de fils de chahid par des milliers d'opportunistes affiliés aux organisations officielles. De son côté, Saïdani Tahar, ancien commandant de l'ALN, ne va pas par quatre chemins pour dénoncer des personnalités “qui, en dépit de leur passé douteux, ont obtenu des attestations communales”. “Ils on noyauté tous les rouages de l'Etat”, s'élève-t-il outré. Unanimes, les anciens moudjahidine considèrent le département, géré par Chérif Abbès, comme une vache à traire, un organisme qui, selon eux, entretient non seulement la rente mais une vision éhontée de l'histoire. Invité à la conférence de presse, Benyoucef Mellouk partage cet avis. Connu du grand public, cet ancien fonctionnaire chargé des affaires sociales et du contentieux au ministère de la justice avait révélé, au début des années 1990, la célèbre affaire des magistrats faussaires. Il avait dénoncé publiquement des ministres et leurs proches. “Pourquoi ne font-ils pas comme moi (Boughouba et ses compagnons ndlr) ? Laissons éclater la vérité”, préconise-t-il. Intrigué, Mellouk ne comprend pas les hésitations des anciens maquisards à dévoiler la fameuse liste au motif qu'ils sont interdits de rassemblement ou de parole dans un lieu public. Outre cet empêchement administratif, les concernés ont-ils subi des pressions ? Ont-ils été destinataires de menaces ? “Nous préférons d'abord consulter un avocat”, explique Boughouba. S. L.