Benyoucef Mellouk est un ex-directeur du contentieux au ministère de la Justice par qui le scandale des magistrats faussaires a éclaté. Dans cet entretien, il réagit au fait que l'ONM nie l'existence de l'affaire des faux moudjahidine. Liberté : Le secrétaire général par intérim de l'Organisation nationale des moudjahidine, Mohamed-Chérif Daâs, nie sa connaissance du dossier des faux moudjahidine. Selon lui, vos révélations sur les magistrats faussaires relèvent de la diffamation pour laquelle la justice vous a condamné. Que vous inspirent ces propos ? Benyoucef Mellouk : Oui, effectivement j'ai été poursuivi pour divulgation de secrets, mais non pour diffamation. Le juge d'instruction, qui a instruit cette affaire, a eu tous les documents. Malheureusement, les personnalités impliquées et leurs complices ont tout fait pour l'étouffer en usant de leur influence, des liens de parenté et de leur présence dans les rouages de l'Etat. Jusqu'à maintenant, ils ont un pied dans toutes les institutions, y compris la présidence de la République. Revenons à ma condamnation. J'en suis fier car je n'ai pas été condamné pour corruption ou pour escroquerie. M. Daâs, qui m'accuse aujourd'hui, était membre du secrétariat général de l'ONM en 1992 en compagnie de Benchaou Mohamed, Saïd Abadou, Mokrane Abdelhafid et Boudaoud. J'ai eu une altercation avec lui et il m'a menacé. M. Daâs ne dit pas la vérité. La preuve consiste dans l'existence d'un communiqué de la direction de l'ONM — en 1992, suite à l'éclatement de l'affaire des magistrats faussaires — signé par Salah Boubnider, Lakhdar Bouragaâ et Boudaoud qui a confirmé l'existence d'usurpateurs. Ces trois personnes sont entrées en contact avec le ministre de la Justice pour demander notre libération (celle de Mellouk et de Abderahmane Mahmoudi, directeur du journal L'Hebdo Libéré qui avait rendu publique l'affaire, ndlr). Aujourd'hui M. Daâs nie les faits car il fait partie de ceux dont les privilèges se trouveraient menacés en cas d'exhumation du dossier. Une telle attitude constitue une trahison grave du serment fait aux martyrs de la Révolution. Justement, alors que l'opinion s'attendait à un débat franc sur le sujet des faux moudjahidine, le dernier congrès de l'ONM a fait l'impasse sur cette question. Cela vous surprend-il ? Un congrès où tous les moudjahidine incontestables et les historiques n'étaient pas présents, à l'instar de Hocine Aït Ahmed, Youssef Khatib (dit colonel Hassan), Lakhdar Bouragaâ… n'en est pas un. Pour y assister, il fallait soit avoir une invitation ou être un adhérent de l'ONM. Cette rencontre devait être ouverte à tout le monde, aux combattants authentiques pour faire la lumière sur l'histoire de la Révolution et la prémunir des opportunistes. Devaient y prendre part tous ceux qui ont le courage de cibler les intouchables, de les traduire devant les tribunaux pour les crimes qu'ils ont commis sur le plan économique, en s'entourant de privilèges, et de haute trahison du serment de Novembre. J'ai été condamné pour couvrir ces gens-là et réhabiliter les harkis. Compte tenu de tout ce que vous avez enduré personnellement et des résistances affichées, croyez-vous que la vérité finira par éclater un jour ? L'affaire des faux moudjahidine connaîtra son épilogue si les historiques encore vivants se prononcent, avant qu'il ne soit trop tard. Une issue est également possible à condition que le premier magistrat du pays prenne des décisions et barre définitivement la route aux traîtres qui ont assassiné Boudiaf, Krim, Khider… et font aujourd'hui obstacle à l'édification d'un Etat de droit. Il faut que le Président ait le courage de dire la vérité au peuple et se débarrasse de cette gangrène d'abord dans le secteur de la justice, car la construction d'un Etat de droit repose d'abord sur des magistrats intègres. Aujourd'hui encore, je suis prêt à témoigner. J'ai des dossiers sur les faussaires. Ils n'ont pas de dossier sur moi. S. L.