Anticipant sur une éventuelle et probable élection d'un président islamiste à la tête du pays, le Conseil suprême des forces armées, qui dirige l'Egypte depuis la démission forcée de Hosni Moubarak en février 2011, a réduit à néant son pouvoir en s'arrogeant le pouvoir législatif et d'autres prérogatives. Le prochain président égyptien sera-t-il un simple faire-valoir ? La question mérite d'être posée car au vu des dernières décisions du Conseil suprême des forces armées (CSFA), le futur raïs d'Egypte aura une marge de manœuvre très réduite. En effet, l'armée au pouvoir en Egypte, qui a de nouveau promis hier de remettre avant le 30 juin le pouvoir au nouveau chef de l'Etat issu de l'élection présidentielle, s'est attribué dimanche soir de vastes prérogatives, dont le pouvoir législatif. Ainsi, l'essentiel du pouvoir restera aux mains des militaires jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée du peuple à la place de la Chambre dissoute samedi. Les nouvelles dispositions, vivement contestées par les Frères musulmans et les partis de la mouvance révolutionnaire, qui les ont assimilées à “un coup d'Etat", sont contenues dans une déclaration constitutionnelle complémentaire publiée par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir en Egypte depuis la chute de Hosni Moubarak en février 2011 sous la pression de la rue. Pour rappel, les prérogatives législatives, assumées par le CSFA après le départ de Moubarak, avaient été transférées un an plus tard au Parlement issu des législatives. Après la dissolution samedi de la Chambre des députés, dominée par les Frères musulmans, en application d'un arrêt de la Haute-Cour constitutionnelle en raison d'un vice juridique dans la loi électorale, le CSFA a rendu public dimanche un document amendant la première déclaration constitutionnelle promulguée par les militaires en mars 2011. Celui-ci stipule que le CSFA “exerce les prérogatives prévues dans la première clause de l'article 56 (le pouvoir législatif) (...) jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée du peuple". Le texte donne également le droit au CSFA de former une nouvelle commission constitutionnelle si l'instance actuelle, dominée par les islamistes, “est empêchée d'accomplir son travail". Les militaires font planer la menace d'invalider la commission actuelle, élue la semaine dernière par le Parlement et dont la composition avait provoqué de nombreuses critiques, les libéraux estimant qu'elle servirait de caution aux islamistes pour la rédaction d'une loi fondamentale reflétant leurs positions politiques et religieuses. En outre, la déclaration indique aussi que le CSFA du maréchal Hussein Tantaoui “dans sa composition actuelle à pouvoir de décision pour tout ce qui relève des forces armées, la nomination de ses commandants et la prolongation de leur service". Se retrouvant désormais privés d'une Assemblée où ils disposaient de près de la moitié des sièges, les Frères musulmans ont fustigé “la volonté du Conseil militaire de s'emparer de tous les pouvoirs". Le président de la Chambre, le député islamiste Saâd al-Katatni, a exprimé dimanche soir son “rejet catégorique" des mesures de l'armée. Il n'en demeure pas moins que le Conseil suprême des forces armées (CSFA) va transférer le pouvoir au nouveau président “d'ici le 30 juin", a assuré hier un général au cours d'une conférence de presse. Un autre général au pouvoir, Mohammed al-Assar, a affirmé que le nouveau chef d'Etat jouirait des pleins pouvoirs présidentiels. “Le président de la République sera investi de tous les pouvoirs du président de la République." M T