Il est attendu de la prochaine Constitution de corriger les aberrations et les anomalies qui entravent le fonctionnement du Parlement. Il est surtout souhaité que les sénateurs obtiennent le droit d'amender les projets de loi qui leur sont soumis pour adoption après leur validation par leurs collègues de l'Assemblée nationale. Le Conseil de la nation a abrité, hier, une journée parlementaire sur l'expérience de l'institution, “entre la réalité et les perspectives". Les trois conférenciers, qui se sont penchés sur la question, se sont montrés critiques sur les restrictions posées par la Constitution au rôle et aux prérogatives des parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs. Messaoud Chihoub, enseignant en droit général à l'université de Constantine, a relevé de nombreuses anomalies qui entravent le bon fonctionnement du Parlement. Il a d'abord estimé inapproprié de donner quasi exclusivement le droit de légiférer au gouvernement. L'Exécutif est, en effet, pourvoyeur de la majorité des projets de lui qui transitent par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le président de la République a aussi le pouvoir de légiférer par ordonnance entre deux sessions ordinaires. Les députés, qui incarnent dans l'absolu le pouvoir législatif, n'ont été initiateurs, en trois législatures — pour ne compter que celles intervenues après l'ouverture démocratique — que de très peu de propositions de lois. Celles qui ont passé l'écueil du veto du bureau de l'Assemblée ou du gouvernement se comptent sur le bout des doigts d'une seule main. M. Chihoub, qui connaît bien, au-delà de sa qualité d'universitaire, l'institution puisqu'il a rempli un mandat de député et un autre de sénateur, trouve tout aussi incongru que le gouvernement ait latitude d'introduire des amendements à un projet de loi en cours d'examen par les députés et pas les sénateurs, dont la prérogative est limitée à adopter le projet de texte en bloc ou le rejeter dans les mêmes formes. À ce titre, si les membres du Conseil de la nation remettent en cause un article pour une raison donnée, ils sont dans l'obligation de voter contre le texte, qui le contient, dans son ensemble. C'est déjà arrivé pour plusieurs projets, dont celui sur le gardiennage, ou le statut des magistrats. Dans ce cas de figure, une commission paritaire, formée par des députés et sénateurs, devra trancher le dilemme. Le hic est que cette commission ne peut être convoquée que par le Premier ministre. Selon Messaoud Chihoub, “la prochaine Constitution doit absolument permettre aux présidents des deux Chambres du Parlement de convoquer la commission paritaire". De nombreux parlementaires, qui ont participé au débat général, ont regretté que les sénateurs ne jouissent pas du droit d'amender. De cette manière, il sera institué le système de navette — aller-retour entre les deux Chambres — quand un projet de loi est sujet à équivoque, au lieu de s'enfoncer dans le blocage. Fatiha Benabbou-Kirane, universitaire, a axé son intervention sur le contrôle du Parlement sur l'action du gouvernement. Là encore, les aberrations de la réglementation sont légion. Elle a affirmé que les parlementaire algériens ne pouvaient faire preuve que d'un contrôle de nature purement informative. “C'est bien ici une spécificité de ces moyens mis à la disposition des membres du Parlement algérien : en aucun cas, ils ne peuvent donner lieu à un dépôt d'une motion de censure. Or tout contrôle doit se conclure nécessairement par un vote, qu'il soit positif ou négatif", a-t-elle souligné. Les questions orales ou écrites, les interpellations avec débat et les commissions d'enquête parlementaires sont les outils dont disposent les parlementaires algériens pour demander des comptes à un membre du gouvernement. Ces mécanismes sont, toutefois, soumis à des conditions de recevabilité et doivent, dans certains cas, être approuvés par le gouvernement lui-même. Ce qui semble paradoxal. De surcroît, “les moyens d'investigation du Parlement, à l'heure actuelle, sont énormément restreints par rapport à l'état de la législation antérieure", a soutenu la conférencière. À la lumière du débat, engagé sur le thème de cette journée parlementaire, il ressort clairement que l'action parlementaire souffre de multiples lacunes, entretenues par les lois et la Constitution. Il est donc espéré que la révision constitutionnelle, annoncée par le chef de l'Etat, prenne en charge ces anomalies. S H