Le ministre français des Affaires étrangères, venu “donner un nouvel élan au partenariat", dit avoir réussi sa visite. De ce nouveau départ naîtra donc “un partenariat de grande dimension". Certes, comme l'a fait Hollande dans son message à Bouteflika, Laurent Fabius a laissé apparaître que pour cette fois-ci, les discussions ont porté sur des sujets précis, dont certains relèvent du domaine de compétence de ses collègues, celui de l'Intérieur notamment. C'est donc une diplomatie offensive que ses interlocuteurs algériens ont eu à éprouver : la France aussi a des revendications à exprimer en matière de patrimoines privés et de... visas. Des dossiers sont, certes, ouverts, qui concernent le domaine de l'éducation, de la culture et de la science. Mais il faudra attendre la fin octobre pour apprécier l'étendue de ce terrain d'entente. Ce pragmatisme n'a pas empêché le ministre d'aller de son innovation sémantique : il nous prédit “un partenariat de grande dimension". Pour nous changer du “pacte d'amitié", de la “refondation" et du “partenariat d'exception" qui ont sombré dans les péripéties transméditerranéennes décidément tumultueuses. Le ministre socialiste, et à travers lui le nouveau gouvernement, s'il a préféré mettre en avant des sujets concrets de coopération et de négociation plutôt que de définir préalablement le niveau d'appréciation de la relation, n'a tout de même pas failli à la tradition des superlatifs qui fusent dès que se rencontrent Algériens et Français : partenariat de grande dimension. Retenons la formule, tout de même, en attendant l'issue de ces dossiers appelés à arriver à maturation vers fin octobre et celle des contentieux encore en souffrance. En attendant, aussi, constatons que nous misons un peu trop sur les occasions diplomatiques pour voir évoluer, dans le fond, la relation franco-algérienne. Alors que tout semble fait pour que les deux pays ne s'éloignent pas encore plus d'une forme de relations “normales", comme dirait le président Hollande, nous, commentateurs, mettons toujours la barre à un niveau auquel nos gouvernements ne veulent plus s'essayer. La France ne veut pas forcer la main à l'Algérie sur le choix de solution au Mali et l'Algérie a oublié son exigence de repentance de la part de la France. À partir de ce modus vivendi, Fabius peut alors nous faire la leçon : nous n'avons pas compris que la France est pour une intervention contre les islamistes du Sahel et que pour l'Algérie, il reste de la place à la négociation avec eux. Quant à la question de la repentance, pas besoin de nous l'expliquer : nous avons déjà compris qu'elle était à usage domestique et que si Fabius n'a pas été pressé de demander pardon pour les crimes coloniaux, nous serions appelés, dès la prochaine élection, à voter pour les partis qui exigent de la France qu'elle s'en excuse. Là-dessus, le ministre nous renvoie à l'échange de messages entre les deux présidents. Les relations algéro-françaises, aujourd'hui, c'est cela, en temps de calme comme en temps d'orage : affaire de verbe. M. H. [email protected]