“Une très bonne nouvelle”. C'est ainsi que l'Amérique au réveil a commenté, dimanche matin, l'annonce de la capture de Saddam Hussein. La chute de l'as de pique de la famille des “vilains” a réconforté une Amérique qui, depuis longtemps, est convaincue que l'ancien homme fort de Badgdad était bien l'un de ses pires ennemis, au même titre qu'Ousama ben Laden. Du Kansas à la Californie, du Montana à la Floride, on ne doute pas qu'il était une terrible menace pour “l'American way of life”. Croquis à l'appui, on détaille la cachette dérisoire de cet homme au regard hagard. Pour les Américains, que l'on trouve ou non des armes de destruction massive en Irak est finalement secondaire: le plus important était bel et bien d'en finir avec cet homme qui a trop longtemps nargué Washington. Pourtant, dans le ton de George W. Bush comme dans les médias, l'Oncle Sam échaudé se garde bien de tout triomphalisme. Comme l'écrit le Washington Post dans un éditorial, il ne s'agit pas du début de la fin, mais tout au plus de “la fin du début”. Le début du début, c'était le déboulonnage de la statue de l'ancien homme fort de Bagdad, qui n'a pas empêché plus de 200 soldats de mourir depuis. Car les Américains, opinion publique en tête, savent désormais que ce genre d'événement ne change pas nécessairement beaucoup le cours des choses: selon un premier sondage, bien que 82 % des Américains jugent cette capture de “résultat important”, moins d'un sur trois s'attend à une diminution des morts américains au combat en Irak. Reste que la confiance revient dans sa capacité à traquer ses ennemis, jusque dans les trous ou dans les grottes: 68 % des Américains estiment, aujourd'hui, qu'Ousama ben Laden sera capturé, contre 41 % la semaine passée. Mais la victoire pourrait bien être à double tranchant pour la Maison-Blanche. D'une part, car la capture de Saddam Hussein affaiblit au sein des démocrates la position de Howard Dean, candidat favori des primaires devant déterminer celui qui défiera George W. Bush en novembre prochain. Ce fils de bonne famille, médecin, le plus virulent contre la guerre des postulants à l'investiture démocrate, a décollé dans les sondages au fur et à mesure que les GI's tombaient en Irak. Or, chez les républicains, on préfère devoir se mesurer à cet intellectuel façon côte Est qu'à un candidat plus en phase avec l'Amérique profonde, comme le général Wesley Clark ou le représentant Dick Gephardt, l'ami de ces cols bleus en lutte pour ne pas perdre leurs emplois. Beaucoup prévoient à Howard Dean un sort similaire à celui du pacifiste McGovern, qui, en 1972, pendant la guerre du Viêt-nam, avait été balayé par Richard Nixon. D'autre part, car l'arrestation de Saddam Hussein est, pour bien des Américains, une fin en soi: si la guerre devait être menée, ce qu'ils sont relativement peu à contester aux Etats-Unis, ce n'est pas tant pour imposer la démocratie bien loin du sol américain, encore moins à coup de dollars des contribuables. Les Américains sont las de voir leurs dollars s'envoler pour remettre en ordre de marche la plomberie ou l'électricité à Bagdad. “Pourquoi dépenser là-bas les dollars qu'on ne veut pas dépenser ici?” On a beau leur dire que c'est ainsi que l'on peut tuer dans l'œuf le terrorisme, ils restent sceptiques. Pour eux, l'objectif était bien de chasser du pouvoir un de leurs ennemis et de l'empêcher de nuire. Maintenant que c'est chose faite, pourquoi les “boys” devraient-ils continuer à tomber si loin de chez eux? G. B.