La Force K ou Armée de Kobus est la force que constitua Belhadj Djillali Abdelkader, en octobre 1956, avec la bénédiction des services secrets français, dans la région d'El-Attaf et dont le PC était implanté à Zeddine, où sa famille disposait d'un haouch (ferme). Kobus est le pseudonyme donné par les Français à Belhadj, surnommé aussi Ould El-Feçiane, par référence à son père qui avait été officier (lieutenant) de l'armée française. Lui-même fut formé à l'Ecole militaire de Cherchell. Belhadj fut d'abord un militant du PPA-MTLD, le parti nationaliste qui milite pour l'indépendance de l'Algérie. Il fut aussi un membre important de l'OS, l'Organisation Spéciale ou Organisation Secrète du Parti qui préparait les militants à la guerre de libération nationale. En 1948, un congrès du Parti s'est tenu chez lui, à Zeddine, congrès qui se termina à Alger. Lors du démantèlement de l'OS par la police française, il fut arrêté en janvier 1950 et condamné à 3 ans de prison. Les consignes de l'organisation transmises aux militants arrêtés étaient très strictes : réfuter toute appartenance au Parti pour lui éviter la dissolution par l'administration ; nier devant le juge tout ce que vous aurez avoué durant l'interrogatoire de la police au motif que vos aveux avaient été arrachés par la torture. Belhadj, violant cet ordre, reconnut les faits. D'autres responsables, et pas des moindres, eurent le même comportement que Belhadj. à sa sortie de prison, Belhadj fut rejeté par les responsables. Personne ne voulut de lui. Il ressent un profond dépit et, surtout, une grande frustration quand survient le 1er novembre 1954. A-t-il été retourné par les services français lors de son arrestation pour ses activités au sein de l'OS ou l'a-t-il été après le 1er novembre, durant la période de dépit en constatant son exclusion de cet événement historique pour lequel il avait milité pendant de longues années ? Certaines sources soutiennent que Belhadj était devenu un informateur des services français avant 1954. Le commissaire des renseignements généraux Forciolli était son contact. Le lieu de leurs rendez-vous était l'église Saint-Augustin, rue Colonna d'Ornano (actuellement rue Abane-Ramdane), en face de l'ex-cour d'Alger et qui donnait aussi sur la rue Dumont-d'Urville (actuellement rue Ali-Boumendjel). En octobre 1956, il installe son quartier général à Zeddine, chez lui, et s'attelle à la constitution d'une armée avec la bénédiction et le soutien de l'armée française. Il étend son emprise sur les environs immédiats de Zeddine, à Ouled Berrahma, Rouabah, Zaârta, Mghazi, Tiyabine. Par contre, il ne s'aventure pas à Amrouna, fief de l'ALN. à la même époque, un autre responsable du parti PPA/MTLD constitue une armée sous le sigle du MNA, sous les ordres de Messali El-Hadj. C'est Bellounis. Chassé de l'Algérois et de la Kabylie, il s'implante dans les Hauts-Plateaux et finit par s'allier à l'armée française, après l'affaire de Mellouza, pour combattre l'ALN et commettre des exactions abominables contre les populations civiles. Au début de son entreprise, Bellounis rêvait d'une Algérie indépendante dont il serait le général-président. Belhadj croyait et faisait croire à ses premiers subalternes que son objectif était de "rouler dans la farine" l'armée française, une fois que cette dernière aurait armé et équipé son "djeich". Belhadj bénéficie dans son entreprise du prestige qu'il a acquis auprès des militants qu'il a côtoyés, voire dirigés pendant ses années de militantisme. Nombreux sont ceux qui, dans l'ignorance de son comportement lors de son arrestation et de la suspicion dont il est l'objet, continuent de lui faire confiance et le rejoignent à Zeddine. Il bénéficia aussi de l'afflux de nombreux militants, voire de fidaïs, qui ont échappé à l'arrestation et aux tortures, lors de la grève générale de janvier 1957 et au démantèlement des organisations urbaines à Alger et dans d'autres villes du Centre. Ce sont les wilayas IV et III qui accueillirent le plus grand nombre. Mais d'autres jeunes, à la recherche de contacts pour rejoindre les maquis, atterrissent dans la Force K, pensant qu'ils ont rejoint l'ALN. Il en fut ainsi de nombreux jeunes d'Alger, Aïn Bénian, Chéraga, Baba Hassan, Birkhadem, Blida, Rouiba qui ont rejoint Hamid et Madjid, deux anciens responsables du MTLD qui furent eux aussi induits en erreur par Kobus qu'ils ont côtoyé auparavant dans le militantisme. Arrivés au sein de la Force K, rien ne leur indiquait leur méprise. Belhadj parle en nationaliste, hisse le drapeau algérien, promet de s'attaquer à l'armée française dans un proche avenir, dès qu'il aura assez d'armes et d'hommes. Le FLN est traité de communiste, ennemi de la religion. C'est d'ailleurs le même discours, les mêmes clichés que développait à sa manière Bellounis dans sa lointaine contrée. Belhadj recrutait aussi dans la région. Son maquis était adossé au arch du traître bachagha Boualam à Béni Boudouane. Seuls quelques proches étaient au courant de la vraie nature de la Force K. Quand un élément émet des doutes, fût-il un grand chef dans la hiérarchie, il est liquidé sur-le-champ. Il en fut ainsi pour Ahmed Belkacem qui fut abattu par Kobus lui-même. D'autres éléments comprirent très tôt qu'ils étaient dans le mauvais camp. Pourquoi, se demandaient-ils, ils n'attaquaient jamais l'armée française ? Mais ils n'osaient franchir le pas, de peur d'être jugés et exécutés par l'ALN dès qu'ils rejoignent ses rangs. En effet, Kobus leur a fait commettre des exactions contre les populations. Il a instauré un climat "d'espionite" permanent tel qu'ils se sentirent pris dans la nasse. Nous avons eu l'occasion de vérifier cela, après que les Belhadjistes, tuant leur chef, ont rejoint l'ALN, le 28 avril 1958. Certains, parmi ces ex-Belhadjistes, intégrés dans les unités de l'ALN, furent reconnus par les habitants et militants qui nous hébergeaient, comme les auteurs des sévices qu'ils avaient subis. L'ALN n'a pas souhaité engager de grandes opérations contre les Belhadjistes. Hormis quelques légers heurts menés par Si Mohamed Bouzar, Rabah Belassali, M'hamed Raïs, responsables de la région 4. Ces chefs de l'ALN et, à leur tête, Rachid Bouchouchi, le chef de région, avaient en commun de vouer une haine tenace contre l'armée de Kobus. L'on comprend que l'ALN ne voulait pas, dans l'immédiat, consacrer ses moyens humains et matériels à des opérations de harcèlement contre cette force contre-révolutionnaire. En ce début de l'année 1957, nous avons subi le courroux de Si M'hamed Bougara, à l'époque commandant, quand nous le rencontrons à Beni Merhba, en région 1. Nous faisions partie d'une section commandée par Si Amar Tablati. Notre section allait être versée dans le commando que la wilaya et la zone venaient juste de créer. Il réprimanda durement notre chef, pour avoir attaqué, quelques jours auparavant, les Belhadjistes. Si M'hamed nous a tenu le discours suivant : ne tombons pas dans les manœuvres du colonialisme ; ce dernier souhaite qu'on s'intéresse à ces traîtres et le laisser, lui, tranquille. Nous ne devons pas gaspiller nos munitions à attaquer les Belhadjistes. Utilisons d'autres moyens pour les neutraliser. Après cela nous verrons. Si M'hamed évoqua, quelque temps après, le danger d'une manœuvre que menait la puissance coloniale. Il avait une perception réelle de ce qui se tramait contre la révolution. En effet, l'administration et l'armée françaises s'attelaient à mettre en place, dès 1957, une ligne de défense qui s'étendrait du Dahra jusqu'à l'Atlas saharien. Cette ligne passe par Belhadj, dans la plaine du Chélif, adossé à Béni Boudouane du bachaga Boualam, Chérif Ben Saïdi (1), dissident de la Wilaya VI, qui sévissait dans la région de Chellalat El-Adhaoura (anciennement Maginot), Aïn Boucif, Sidi Aïssa, jusqu'à la rocade Est-Ouest, pour aboutir chez Bellounis qui paradait, mais tuait aussi, dans sa "contrée" de Boussaâda, Djelfa, Messaâd jusqu'à Boukhil. Une kyrielle de harkas, de groupes d'autodéfense, de archs et douars acquis à l'ennemi, qui exploitaient la moindre maladresse du FLN-ALN, appuyés et, en même temps surveillés par une multitude de postes militaires, reliaient l'ensemble. La Force K, Chérif Ben Saïdi et Bellounis étaient les pivots et les chaînons essentiels d'une vaste construction stratégique. Cette ligne, inspirée, en apparence, d'une vision de stratégie militaire, pourrait, plus tard, se transformer en frontière territoriale, à parachever, si le développement de la guerre que mènent les Algériens pour libérer leur pays tournait à l'avantage des forces d'occupation. La Wilaya IV consacra beaucoup d'efforts pour régler, par la diplomatie et au besoin par la force, la dissidence de Chérif Ben Saïdi, en 1957. Elle traitera, avec prudence, gérera dans une approche évolutive le maquis de Belhadj, jusqu'au dénouement final qui interviendra le soir du 28 avril 1958, par la désintégration totale de la Force K. Elle répondra, aussi, positivement à la wilaya sœur, la Wilaya VI, quand celle-ci exprima le souhait d'agir ensemble pour éradiquer les restes de l'armée de Bellounis. (1) Son nom est Labhri Chérif Ben Saïd, natif de Ouled Aggoun (Souagui, wilaya de Médéa). Ancien de l'armée française, il a rejoint l'ALN en 1956. Il est lieutenant de la wilaya VI qui fût créée par le Congrès de la Soummam. En mai 1956, il entre en dissidence et tue le colonel Si Chérif (Mellah Ali), chef de la wilaya et d'autres officiers. Avec ses hommes, il rallie l'armée française à Chellalat Al Adhaoura (ex-Maginot). L'armée française le dote de l'armement qui lui permet de rassembler un effectif de 1.500 hommes. Il participait aux opérations militaires aux côtés de l'armée française. En 1962, le FLN refuse que son « armée » soit intégrée à la Force locale.