Non au prosélytisme religieux, oui pour faire de l'Aïd El-Kébir et du Kippour des jours fériés. Après des mois de polémique intense autour du voile à l'école, les sages de la commission Stasi tranchent en faveur d'une loi. La laïcité n'est pas négociable. Le rapport remis au président de la République est sans fioriture: «Sont interdits dans les écoles, collèges et lycées les tenues et signes manifestant une appartenance religieuse et politique.» Ainsi, sont prohibés au sein de l'école de la République: voile, kippa (juive) et grande croix. C'est ce que la commission appelle «les signes ostensibles». Mais elle n'exclut pas «les signes discrets» que sont la main de Fatima ou petits Corans, les médailles et petites croix, et l'étoile de David. En choisissant le recours à la loi, les membres de la commission réitèrent le caractère «sacré» de l'école et affirment la primauté des libertés individuelles sur les croyances religieuses qui ne doivent pas déborder du domaine privé. L'allusion aux signes des autres religions ne masque pas que c'est l'islamisme qui est visé en priorité. L'irruption du voile dans le débat public et le cas des lycéennes exclues - les conflits se sont généralement réglés sans heurts dans la majorité des cas - ont charrié, en toile de fond, les questionnements sur la progression lente, mais réelle, de l'intégrisme en France. Sa première victime est la femme d'origine musulmane dont la liberté est sensiblement menacée. Les agressions et les pressions contre elles dans les banlieues sont quotidiennes. Avançant masqués, les intégristes se sont drapés dans le voile des jeunes filles pour attaquer les lois de la République et menacer ce qui fait son fondement : l'égalité et la liberté de pensée. «Des groupes extrémistes sont à l'oeuvre dans notre pays pour tester la résistance de la République et pour pousser certains jeunes à rejeter la France et ses valeurs», écrit Bernard Stasi en introduction à son rapport. Il avertit par ailleurs que «les difficultés rencontrées sont aujourd'hui encore minoritaires. Mais elles sont réelles, fortes et annonciatrices de dysfonctionnements d'autant plus que la diffusion récente et rapide de ces phénomènes est préoccupante». Par ailleurs, la commission Stasi rappelle les lois qui régissent les services publics, notamment à l'hôpital et l'administration, mais aussi dans les entreprises. Le refus des de se faire soigner par des hommes ou le non-respect des règles d'hygiène au nom de la religion sont jugés «inacceptables». «Un patient doit pouvoir suivre, dans la mesure du possible les préceptes de sa religion», est-il écrit, mais «il ne doit pas remettre en cause le fonctionnement du service». Il est recommandé également de transcrire dans la loi le principe de neutralité de l'administration au sein de laquelle les agents «ne peuvent exprimer, en service, leurs idées et convictions politiques, religieuses, philosophiques». Quant à l'entreprise, il est laissé au «règlement intérieur ou au chef d'entreprise de réglementer les tenues vestimentaires et le port des signes religieux». Les membres de la commission ne veulent pas être suspectés de partialité anti-musulmane. C'est pour cela qu'ils ont proposé de décréter l'Aïd El-Kebir et le Kippour, fêtes religieuses musulmane et juive, jours fériés à l'école. Dans l'entreprise, le jour férié est laissé au libre choix du salarié. La majorité de la classe politique s'est ralliée à l'avis de la commission. Le camp du «oui» est devenu majoritaire au fil du débat, à l'exception de l'église catholique et de l'extrême droite qui refusent de recourir à une loi. Ils s'offusquent de ces «nouveaux» jours fériés au moment où le gouvernement a décidé de supprimer celui de la Pentecôte chrétienne pour financer le dispositif pour personnes âgées. Le parti xénophobe y voit, ce qui n'est pas une surprise, que c'est une abdication face à l'Islam. Certaines personnalités comme le président de SOS Racisme se disent également contre une loi qui exacerberait les communautarismes. La commission n'a pas omis cet aspect puisqu'elle rappelle que les «extrémistes communautaristes» se nourrissent du mal-vivre. Pour lutter contre «les ghettos qui existent désormais sur le sol français», il faut qu'une «politique de lutte contre les discriminations urbaines soit une priorité nationale». Le débat sur le voile a permis de faire évoluer les mentalités, de clarifier certains non-dits. Il a aussi rappelé les échecs de la République, notamment les ratages de son modèle d'intégration des populations d'origine étrangère. Tout le monde est, là aussi, unanime. Une fois le constat fait, quelles seront les solutions? Le président français devra rendre son arbitrage sur la question du voile mercredi prochain. Les déclarations de ces derniers jours contre la discrimination positive (quotas) défendue par son ministre de l'Intérieur et ses rappels incessants au respect de la loi laissent entrevoir déjà un choix en faveur d'une loi. De notre Bureau à Paris