Les critiques se sont multipliées sur la gestion de la crise syrienne par l'ONU. Même l'Assemblée générale de l'institution a dénoncé le comportement du Conseil de sécurité. L'AG de l'ONU a adopté vendredi à une large majorité une résolution dénonçant le pilonnage des villes rebelles par l'armée syrienne et critiquant l'impuissance du Conseil de sécurité ! Une première dans le Palais de verre de Manhattan où le dernier étage réservé au "bureau politique" des 193 pays membres de l'ONU. Même si cette résolution présentée par l'Arabie Saoudite au nom du groupe arabe et soutenue notamment par les états-Unis et les Européens n'a qu'une portée symbolique puisque l'Assemblée ne peut émettre que des recommandations, contrairement au Conseil de sécurité, celui-ci prend un sacré coup. C'est au lendemain de la démission du médiateur Kofi Annan que l'AG déplore "que le Conseil de sécurité n'ait pu s'accorder sur des mesures qui obligeraient les autorités syriennes à respecter ses décisions". Le prix Nobel 2001 de la paix et ex-SG de l'ONU avait justifié sa démission par un manque de soutien des grandes puissances à sa mission. Depuis le début de la crise syrienne en mars 2011, la Russie et la Chine ont bloqué toutes les tentatives arabo-occidentales au Conseil de sécurité pour faire pression sur le régime syrien en le menaçant de sanctions. Politiquement, la défection d'Annan est l'expression de l'échec de la diplomatie internationale. Depuis février dernier, une mission de l'ONU est en place en Syrie, dont le régime avait même signé le plan ONU-Ligue arabe qui prévoyait la fin de la violence, la libération de prisonniers politiques et de journalistes et une transition politique négociée avec les insurgés. Rien n'a été respecté, et la crise syrienne s'est transformée en conflit militarisé avec l'utilisation des armes de guerre par le régime et les insurgés. Sans rentrer dans les détails, la crise a pris un caractère international mettant en œuvre différentes puissances : d'un côté, la Russie, la Chine, l'Iran, le Hezbollah libanais, qui soutiennent le régime syrien. Un autre axe, la Turquie, une partie de la Ligue arabe dont l'Arabie Saoudite et le Qatar, la France et les Etats-Unis qui veulent le départ du clan al-Assad. Pour corser l'équation, dans chacun des deux groupes, il y a des détenteurs du droit de veto au Conseil de sécurité. D'où la paralysie de ce "polit bureau" international. À vrai dire, ce blocage ne date pas de la crise syrienne. Il est conséquent au fameux chapitre VII du conseil, source de multiples interprétations. Ce chapitre, utilisé pour envahir militairement la Libye de Kadhafi et, avant, l'Irak de Saddam Hussein, concerne l'autorisation d'une intervention contre un régime : sanctions économiques et embargos (dans son article 41) et intervention militaire (article 42). Dans le cas syrien, le refus russe n'est pas du tout motivé par la question de la base militaire de Tartous, que le Kremlin aurait pu sauvegarder dans un arrangement avec l'opposition au régime de Damas, et encore moins par la vente d'armes à ce dernier. Le niet de Vladimir Poutine à Washington, Paris et Londres met en avant la résurrection de la Russie dans les affaires du monde. En Syrie, Moscou joue son retour sur la scène internationale et au Moyen-Orient. L'autre facteur de l'abandon de populations syriennes à la féroce répression de Bachar al-Assad est qu'Obama est entièrement mobilisé par sa réélection de novembre. Et ce n'est ni la France ni la Grande-Bretagne qui pourraient suppléer son absence en cas de renouvellement de l'expérience libyenne. L'Otan sans le feu vert de Washington ne lèvera pas le petit doigt. Quant à l'Arabie Saoudite et le Qatar, leur apport ne peut être que financier. Pour les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, ce ne sont que des chéquiers. Alors comment pourrait évoluer la crise syrienne ? Scénario catastrophique et le plus probable : extension de la guerre civile dans le pays et contamination au Liban. Scénario sur lequel planchent la CIA et Ankara : un coup d'état de la part d'officiers syriens. La France ne prépare-t-elle pas l'ancien général Tlass, de confession sunnite, en exil chez elle ? Le rêve du Conseil de la coopération du Golfe (CCG) : la prise de pouvoir par les islamistes pour rester dans l'air du temps des printemps arabes. Enfin, le scénario extrême : régionalisation de la guerre avec l'intervention d'Israël qui piaffe d'impatience pour frapper les sites nucléaires iraniens et l'entrée dans le bal de la Russie et des Etats-Unis dans un remake de la guerre froide. Forcément, même si l'armée régulière syrienne est en mesure de monter en puissance dans des massacres d'insurgés encore plus importants, le régime du clan al-Assad est condamné à moyen et long termes. Bachar al-Assad a montré qu'il est désormais incapable de maîtriser la situation. D. B