Jadis, le café fut l'espace pour les grandes philosophies, l'air pour les grandes plumes et les fous des formes et des peintures. Il fut aussi le coin pour semer le rêve des éminents hommes politiques. Le café du 19e et 20e siècle représentait une université culturelle libre où les débats étaient ouverts à tous les vents, tous les trottoirs. Le café d'antan était le lieu privilégié pour la plupart d'écrivains et artistes. On y écrit. On y lit. On y converse. Beaucoup d'histoires d'amour vécues par des personnalités historiques sont nées dans les cafés, entre cigarette et poème. Le café était, par excellence, la maison magique d'imagination et d'action. Dans des cafés modestes, devenus par la suite historiques, ont émergé les grandes écoles littéraires. Dans ces lieux sont nés des personnages romanesques et filmiques extraordinaires et inoubliables. Du Caire à Prague, passant par Istanbul, Damas, Rome, Tunis, Paris, Biskra, Amsterdam... les bancs des cafés ont connu une succession des générations des génies ; poètes, romanciers, peintres, cinéastes, dramaturges, musiciens... Dans les cafés, ceux d'antan, ont jailli les nobles idées libératrices, les mouvements des libérations nationales, les partis politiques de gauche, partis gauchistes, anarchistes... Le cubisme qui a révolutionné la civilisation de l'œil humain, dont le peintre antifranquiste Picasso fut l'apôtre, est né dans un café. à l'ombre d'une fumée d'une cigarette prolétarienne ! L'existentialisme, philosophie dérangeuse par ses questions autour de la peur, l'ennui, l'absurde, la mort, l'engagement et dont Sartre et Nietzche symbolisaient son emblème a vu la lumière dans des cafés. à l'ombre d'un houleux débat entre le politique et le créateur. Le surréalisme qui a libéré la poésie universelle, dont André Breton, Paul Eluard, Louis Aragon... ont constitué le havre fragile d'un nouvel imaginaire humain, est né dans des cafés. Les romans les plus célèbres d'écrivains nobélisés à l'image d'André Gide, Camus, Hemingway, Orhan Pamuk ou encore Naguib Mahfoud sont le fruit de la méditation dans des cafés. Terrasse ouverte sur la vie ! Là où on y prend ressource et inspiration. Nul ne peut imaginer Naguib Mahfouz loin du café Al Fichawy. Si jadis le café fut l'université culturelle libre qui a changé le cours de l'histoire de la pensée humaine, aujourd'hui cet espace n'est qu'un lieu pour regarder un match de foot sur un écran d'une télévision accrochée à un mur muet, ou un coin pour consommer "l'inconsommable" ! Mais à l'horizon un autre espace sociopolitique a vu le jour : le cyber-café. Depuis ce nouvel établissement socioculturel les mouvements de protestations politiques dans le monde arabo-musulman se sont lancés. Un autre café est né ! Le soleil d'une autre étape historique se lève. A. Z. [email protected]