Après l'annonce du soutien du RND à une seconde candidature de Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer le double statut d'Ahmed Ouyahia et la présence au sein de l'Exécutif d'hommes liges du Président. Maintenant qu'Ahmed Ouyahia a décidé de choisir son “camp”, doit-il pour autant démissionner pour donner des gages de la neutralité de l'exécutif dans la préparation de l'élection ? D'une brûlante actualité, la question mérite sans doute d'être posée dans la mesure où de nombreuses formations politiques n'ont pas caché leur souhait du départ de l'exécutif, seul à même, à leurs yeux, de traduire la volonté du “pouvoir” d'organiser des élections transparentes. “On ne peut valablement être juge et partie”, semblent suggérer l'essentiel des personnalités et candidats à la course pour la magistrature suprême, même si au demeurant certains ne voient pas d'inconvénients dans le maintien de l'exécutif pour peu, estiment-ils, que les “garde-fous” juridiques soient respectés. Or, force est de constater, aujourd'hui, que le gouvernement que dirige Ahmed Ouyahia s'apparente plus et par bien des aspects à un staff électoral au service exclusif du président de la République qu'à un Exécutif chargé de veiller sur la bonne préparation et du déroulement du scrutin. Autant dans sa composante humaine que dans “sa coloration politique”. Avec un ministre de l'intérieur qui n'a jamais démenti sa fidélité à Bouteflika et dont la “tête” a été revendiquée depuis longtemps, notamment après sa gestion des évènements de Kabylie, un ministre de la justice qui ferme les yeux sur les dérives “du pouvoir judiciaire”, une ministre de la communication qui s'est convertie à la promotion de l'image du Président avec un “zèle” qu'on ne pouvait guère soupçonner jusque-là et enfin un chef de la diplomatie qui chapeaute un mouvement acquis à Bouteflika, force est de reconnaître qu'avec “tout ce beau monde”, il n'est pas aisé de prendre pour argent comptant, loin des préjugés, les professions de foi des pouvoirs publics quant à la “régularité” du scrutin. Sans compter, bien entendu, l'éternelle méfiance qui sépare les gouvernants et le citoyen ordinaire. Lors des élections de 1999, le président Liamine Zeroual avait bien procédé, pour exaucer la demande des candidats en compétition, au changement de l'exécutif. Smaïl Hamdani avait remplacé au pied levé Ouyahia, et beaucoup d'autres ministres ont été nommés. Et ce changement, salué en son temps, n'avait pas empêché le retrait de six candidats de la course à l'ultime seconde en raison du “parti pris de la grande muette”. C'est dire que même un changement de l'exécutif ne s'avère pas suffisant pour assurer un scrutin transparent. Aujourd'hui, dans un contexte différent, l'institution militaire, selon le général des corps d'armée, est “disposée à accepter le candidat élu, fût-il Djaballah”. Mais est-ce suffisant pour rassurer les candidats qui s'apprêtent à entrer en course avec un gouvernement qui affiche déjà sa propension ? Pour Ahmed Ouyahia tout comme pour son ministre de l'Intérieur, la démission n'est pas inscrite à l'ordre du jour. “Il n'est pas nécessaire un changement de l'Exécutif dans la mesure où les élections législatives et communales de 2002 ont été les plus transparentes depuis l'indépendance.” Autant Ouyahia que Zerhouni jurent que l'élection sera “transparente”. Réussiront-ils à convaincre ? Pas évident. En tous cas, les grandes puissances ont déjà “montré le chemin à suivre”. “Nous souhaitons un scrutin propre et transparent”, avait affirmé récemment le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, lors de son bref séjour à Alger. Le même souhait a été exprimé par l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Alger, S. E. Graham Hand, dans les colonnes d'un confrère. Il restera alors à Bouteflika — puisque sa candidature est désormais quasi officielle — à donner des gages et des signaux forts quant à sa volonté d'organiser un scrutin transparent. Peut-être que celle-ci doit passer par le sacrifice des hommes chargés de l'organisation du prochain rendez-vous électoral. Y est-il disposé ? K. K. Zerhouni, à propos du départ du gouvernement “Ces partis nous ont applaudis en 2000” Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, directement concerné par l'organisation de l'élection présidentielle, semble exclure la démission du gouvernement en guise de garantie de la régularité du scrutin. Interrogé lors de la visite du Président à Tlemcen, Yazid Zerhouni a estimé qu'il n'y avait pas nécessité de départ du gouvernement. “En 2000, nous avions organisé les élections législatives et locales, et tous les partis, y compris ceux qui réclament aujourd'hui la démission du gouvernement, ont applaudi et reconnu la transparence qui a prévalu”, a affirmé le ministre. À ses yeux, les mesures qu'il avait prises sur instruction du président de la République étaient nettement en avance par rapport aux propositions faites par les députés. Aussi, fait-il remarquer que, de par le monde, “aucun pays ne juge nécessaire de renvoyer le gouvernement pour organiser les élections”. Le ministre pense paradoxalement que la fraude pourrait venir… des partis politiques via leurs observateurs. H. M.