Les assises du Rassemblement n'impliquent aucun enjeu politique dès lors qu'Ahmed Ouyahia est officiellement dans les bonnes grâces du chef de l'Etat. C'est certainement pour le vote des membres du conseil national que les jeux de coulisses et le lobbying trouveront un terrain d'action. Le 3e congrès du RND, qui débute aujourd'hui à l'hôtel El-Aurassi, prend une plus grande envergure dès lors qu'Ahmed Ouyahia est revenu aux commandes du gouvernement après une éclipse qui n'aura duré finalement que deux années. L'homme, qui a souvent traversé de dures périodes de tourmente, vit assurément l'une des phases les plus prospères de sa carrière politique. En choisissant à dessein ou par inadvertance de le remettre dans la fonction de chef de l'Exécutif, à la veille d'un important rendez-vous organique de son parti, le président de la République Bouteflika le conforte incontestablement dans son statut de dirigeant de la deuxième force politique du pays. Ce sera donc sans surprise qu'il succédera à lui-même au poste de secrétaire général du parti. Cette fois-ci, le parti évite de s'encombrer d'outsiders pour le décor. Le tout nouveau patron de l'Exécutif a déjà reçu des motions de soutien pour sa propre candidature à la tête du Rassemblement aux précongrès. Il sera donc carrément plébiscité par les 1 400 congressistes, dont une centaine en ès qualités. Il faut croire qu'il sera difficile au Rassemblement de trouver un responsable aussi performant qu'Ahmed Ouyahia. Bien que sa gestion et ses options politiques, qui changent au gré des orientations des tenants du pouvoir, n'agréent pas l'ensemble des cadres et militants du parti. Le RND, depuis sa création en 1997 par une pulsion de sortie d'une crise politique aggravée par une situation sécuritaire précaire, slalome entre les hauts et les bas. Le parti a d'ailleurs failli échapper du giron du pouvoir, en 1998, quand Tahar Benbaïbèche (alors secrétaire général du RND) et ses partisans n'ont pas adhéré à la candidature de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême. Ahmed Ouyahia, qui venait à peine de quitter la chefferie du gouvernement au profit de Smaïl Hamdani, l'a remis sur les rails d'une main de fer. En 2003, il est à son tour aux prises avec une large dissidence de cadres inspirée par le mouvement de redressement au FLN dont a été victime Ali Benflis. Là aussi l'homme résiste et passe sans encombre l'épreuve du 2e congrès (mai 2003) qui le confirme dans le poste de secrétaire général. Pour les présentes assises, Ouyahia et ses lieutenants évoluent plutôt sur du velours. Les velléités de perturber leur bon déroulement n'ont aucune chance d'aboutir maintenant que Ahmed Ouyahia est officiellement dans les bonnes grâces du chef de l'Etat. Le 3e congrès, qui s'étalera jusqu'au 27 juin, ne porte en lui aucun enjeu majeur. Il s'avère n'être, en définitive, qu'une formalité pour se conformer aux textes législatifs régissant les partis politiques. “Nous organisons une double fête”, nous a lancé en plaisantant un des responsables du parti, joint hier au téléphone pour nous fournir quelques indications sur les détails techniques du rendez-vous de ce matin. Au lancement de cette “fête”, sont invités les membres fondateurs du parti dont le général à la retraite Mohamed Betchine, les chefs des neuf partis politiques représentés dans les institutions de l'Etat (FLN, MSP, RCD, FFS, Ennahda, El-Islah, FNA et le Parti des travailleurs), ainsi que les responsables des plus importantes organisations de masse, à l'image de Abdelmadjid Sidi-Saïd de l'UGTA, Mohamed Abadou de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Tayeb Houari de l'Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec)… Les congressistes auront, pendant les trois journées des assises, à voter sur les textes fondamentaux du parti (déclaration de politique générale, règlement intérieur et statuts). Un nouveau chapitre, définissant les droits et les obligations des sympathisants du parti, ainsi qu'un article portant création d'une inspection, au niveau du bureau national, chargée de gérer les biens de la formation politique, ont été introduits dans les statuts. Les congressistes devront également élire les membres du conseil national. C'est certainement à ce niveau que les jeux de coulisses et le lobbying trouveront un terrain d'action. Souhila Hammadi